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thode dans l’acception réelle du mot; le jury a
décidé, en conséquence, qu’il y aurait lieu
de faire un second appel aux concurrents et
délaisser le concours ouvert jusqu’en 1866.
Mais, s’il ne surgit rien alors , que fera-t-on?
Puisque l’on juge qu’il y a lieu de réformer
l’enseignement des arts du dessin, pourquoi
ne pas aborder la difficulté de front et coor-
donner tout d’abord, à l’aide des éléments
existants et des méthodes connues, un ensem-
ble qui puisse servir de guide aux profes-
seurs. La plupart des directeurs d’académie
font partie du conseil de perfectionnement;
on leur a adjoint des statuaires et des archi-
tectes , ne peuvent-ils, tous ensemble, se met-
tre d’accord sur le choix d’une méthode exis-
tante ou au besoin en créer une nouvelle?
C’est en agissant de cette façon seulement que
le conseil supérieur de perfectionnement pour
l’enseignement des arts du dessin, se mon-
trera à la hauteur de sa mission. Jusqu’ici il
a inspecté des académies, examiné des mo-
dèles, désigné quelques plâtres (les antiques
les plus beaux) comme pouvant servir d’objet
d’étude, mais il n’a rien réformé, surtout rien
perfectionné : les méthodes existantes pou-
vaient, d’après le programme du concours,
être admises à l’examen, mais à la condition
d’être régulièrement présentées. N’eût-il pas
mieux valu que prenant en considération le
but final à atteindre, l’on eût procédé d’office,
analysé tous les systèmes employés ou préco-
nisés? L’on eût pu , de cette façon, contrôler
la valeur des théories par les résultats obte-
nus dans la pratique. C’est ainsi que la mé-
thode Hendrickx, par exemple, méthode que
nous voyons se répandre petit à petit, n’a
point été commentée par le conseil. L’auteur,
nous dit le rapport, avait écrit au ministre
pour revendiquer ses titres au prix proposé,
mais le conseil n’ayant pas reçu les modèles
qui constituent le cours s’est abstenu de l’exa-
miner. Pourquoi? Le jury ne pouvait-il, usant
de son initiative privée, faire l’examen ap-
profondi du système Hendrickx, nous dire
s’il est défectueux, quels sont ses côtés fai-
bles et lui opposer un système meilleur? ou
bien s’il est jugé de nature à produire des ré-
sultats sérieux, en préconiser l’adoption?
Car certes, le cours de M. Hendrickx rentre
dans les conditions du programme : il em-
brasse deux années d’études, il proscrit l’em-
ploi de la règle et des compas, il enseigne
la théorie élémentaire des ombres, il apprend
à voir les corps dans l’espace. N’était-ce pas
aux hommes spéciaux qui composent le con-
seil de perfectionnement, à nous dire une fois
pour toutes, si cette méthode, déjà répandue
dans plusieurs de nos provinces et que l’au-
teur expérimente en ce moment à Paris , doit
être prise au sérieux. Ne devraient-ils pas
nous dire, tout au moins, en quoi elle s’écarte
du programme officiel, alors qu’il semble à
première vue qu’elle lui est en tout point con-
forme? Et le système Dupuis, où convient-il
de l’appliquer? L’un des commissaires des
concours nous dit, en parlant des méthodes
soumises à l’appréciation du jury, que les qua-
tre concurrents ont traité d’une manière tout
à fait incomplète, sinon entièrement négligée,
l’étude des corps dans l’espace. « Il me paraît
évident, dit-il, que pour enseigner à bien voir
les corps dans l’espace et à dessiner sur une
surface plane, les corps ayant trois dimen-
sions, il fallait offrir aux élèves une série de
modèles très simples d’abord, puis plus ou
moins compliqués, tels que les solides dont
s’occupe la géométrie élémentaire; ainsi les
cubes, parallélipipèdes, cylindres, cônes,
prismes, sphères etc., puis ces solides coupés
par des plans diversement inclinés, puis quel-
ques vases sans ornement, des vases ayant
quelque ornement, des chapiteaux des diffé-
rents ordres, des fragments de bas-reliefs,
des fleurs, des figures, môme en bas-reliefs,
etc. » Je demande en quoi les premiers élé-
ments du système Dupuis diffèrent de ce nou-
veau programme. Il est grand temps que l’on
sache à quoi s’en tenir. Le Gouvernement
envoie régulièrement en mission des hommes
très compétents, qui font des rapports que
publie le Moniteur et puis tout est dit. MM.
Alvin et Chauvin ont étudié dans leurs détails
les études exécutées dans toutes les écoles de
l’Allemagne. Ils ont donné de grands éloges
à ce qui se faisait dans de certaines villes;
serait-il impossible d’appliquer chez nous ce
qui fonctionne si bien à l’étranger? Je ne de-
mande point que l’on réorganise l’enseigne-
ment artistique de nos académies. L’étude de
l’antique et de la nature en feront toujours la
base. Mais, à côté de cet enseignement supé-
rieur, il y a un cours élémentaire qui doit se
donner dans toutes les écoles, car les notions
du dessin sont aujourd’hui devenues indis-
pensables à tout le monde. C’est là que la
méthode nouvelle devra trouver son applica-
tion immédiate, et, ce n’est pas alors que de
toutes parts on s’occupe avec une sollicitude
des plus louables d’asseoir sur des bases
j aussi parfaites que possible l’instruction pri-
maire, que l’on peut impunément laisser en
suspens la question de l’enseignement du
dessin aux masses. Nous en reparlerons en
1867, quand aura paru le nouveau rapport
du conseil supérieur de perfectionnement
de l’enseignement des arts du dessin.
Quelques hommes compétents ont été invi-
tés, ces jours derniers, à examiner dans l’ate-
lier du statuaire De Groot, un groupe déco-
ratif d’une certaine importance, destiné à
une construction monumentale qu’élève en
ce moment la ville de Spa , l’établissement
des bains. Le travail de M. De Groot ornera
la grande salle du nouvel édifice. Il n’est
point facile, tous les artistes le savent, de
mettre la sculpture en harmonie avec l’archi-
tecture, surtout l’architecture intérieure, et de
même que les plus grands peintres ont été de
tout temps les meilleurs décorateurs, les
grands statuaires nous ont laissé les travaux
d’ornementation les plus grandioses, preuve
suffisante de l’importance du genre. M. De
Groot n’a point considéré qu’il dût, faisant
de la décoration, apporter moins de soin à son
travail et s’abaisser au rang d’ouvrier parce-
qu’il exécutait un couronnement de porte.
Tout au contraire; il s’est inspiré des bons
modèles du passé et les deux nymphes mari-
nes qu’il a groupées en vue de l’édifice spa-
dois, tout en répondant parfaitement aux
exigences de la sculpture décorative, ont,
comme œuvre d’art, suffisamment d’impor-
tance par elles-mêmes pour être plus qu’un
banal élément de richesse pour le monument
qu’elle pareront. Si je parle de nymphes des
eaux, ne croyez pas qu’il s’agisse de ces jeunes
femmes si séduisantes par le haut et qui, à
partir de la ceinture, se transforment en mon-
stres marins dont les capricieux enroulements
ont été si souvent utilisés par les ornemanis-
tes. Loin de là; ce sont ici de belles et calmes
jeunes filles aux formes sveltes, qu’affection-
nait le Primatice, ce maître décorateur dans
l’acception la plus élevée du mot, et M. De
Groot n’a mis à profit l’éternel dauphin que
pour relier ses deux figures. L’ensemble du
groupe est harmonieux et sévère et le détail
peut-être poussé à l’excès pour une œuvre
qui sera placée à une certaine élévation. Tou-
tefois, je ne puis blâmer ce surcroît de soins
qui prouve, en fin de compte, le respect de
l'artiste pour son œuvre. Le travail de M. De
Groot démontre une fois de plus que l’artiste
industriel n’est pas un peintre, un statuaire
ou un architecte manqué, comme on ne le
croit que trop fréquemment, mais que tout
au contraire, la même étude sérieuse qui peut
seule former le véritable artiste, est aussi celle
qui doit mener le plus sûrement à l’embellis-
sement de toute chose par l’introduction de
l’élément artistique.
Je ne déposerai point la plume sans signa-
ler une œuvre à la fois artistique et littéraire
et qui, à ce double point de vue, mérite une
mention spéciale. L’auteur du livre est un
artiste qui s’est dès longtemps fait connaître
comme littérateur : M. J. B. Huysmans d’An-
vers. Notre compatriote a beaucoup voyagé
comme le prouvent ses toiles, et, non content
de parcourir la majeure partie de l’Europe et
thode dans l’acception réelle du mot; le jury a
décidé, en conséquence, qu’il y aurait lieu
de faire un second appel aux concurrents et
délaisser le concours ouvert jusqu’en 1866.
Mais, s’il ne surgit rien alors , que fera-t-on?
Puisque l’on juge qu’il y a lieu de réformer
l’enseignement des arts du dessin, pourquoi
ne pas aborder la difficulté de front et coor-
donner tout d’abord, à l’aide des éléments
existants et des méthodes connues, un ensem-
ble qui puisse servir de guide aux profes-
seurs. La plupart des directeurs d’académie
font partie du conseil de perfectionnement;
on leur a adjoint des statuaires et des archi-
tectes , ne peuvent-ils, tous ensemble, se met-
tre d’accord sur le choix d’une méthode exis-
tante ou au besoin en créer une nouvelle?
C’est en agissant de cette façon seulement que
le conseil supérieur de perfectionnement pour
l’enseignement des arts du dessin, se mon-
trera à la hauteur de sa mission. Jusqu’ici il
a inspecté des académies, examiné des mo-
dèles, désigné quelques plâtres (les antiques
les plus beaux) comme pouvant servir d’objet
d’étude, mais il n’a rien réformé, surtout rien
perfectionné : les méthodes existantes pou-
vaient, d’après le programme du concours,
être admises à l’examen, mais à la condition
d’être régulièrement présentées. N’eût-il pas
mieux valu que prenant en considération le
but final à atteindre, l’on eût procédé d’office,
analysé tous les systèmes employés ou préco-
nisés? L’on eût pu , de cette façon, contrôler
la valeur des théories par les résultats obte-
nus dans la pratique. C’est ainsi que la mé-
thode Hendrickx, par exemple, méthode que
nous voyons se répandre petit à petit, n’a
point été commentée par le conseil. L’auteur,
nous dit le rapport, avait écrit au ministre
pour revendiquer ses titres au prix proposé,
mais le conseil n’ayant pas reçu les modèles
qui constituent le cours s’est abstenu de l’exa-
miner. Pourquoi? Le jury ne pouvait-il, usant
de son initiative privée, faire l’examen ap-
profondi du système Hendrickx, nous dire
s’il est défectueux, quels sont ses côtés fai-
bles et lui opposer un système meilleur? ou
bien s’il est jugé de nature à produire des ré-
sultats sérieux, en préconiser l’adoption?
Car certes, le cours de M. Hendrickx rentre
dans les conditions du programme : il em-
brasse deux années d’études, il proscrit l’em-
ploi de la règle et des compas, il enseigne
la théorie élémentaire des ombres, il apprend
à voir les corps dans l’espace. N’était-ce pas
aux hommes spéciaux qui composent le con-
seil de perfectionnement, à nous dire une fois
pour toutes, si cette méthode, déjà répandue
dans plusieurs de nos provinces et que l’au-
teur expérimente en ce moment à Paris , doit
être prise au sérieux. Ne devraient-ils pas
nous dire, tout au moins, en quoi elle s’écarte
du programme officiel, alors qu’il semble à
première vue qu’elle lui est en tout point con-
forme? Et le système Dupuis, où convient-il
de l’appliquer? L’un des commissaires des
concours nous dit, en parlant des méthodes
soumises à l’appréciation du jury, que les qua-
tre concurrents ont traité d’une manière tout
à fait incomplète, sinon entièrement négligée,
l’étude des corps dans l’espace. « Il me paraît
évident, dit-il, que pour enseigner à bien voir
les corps dans l’espace et à dessiner sur une
surface plane, les corps ayant trois dimen-
sions, il fallait offrir aux élèves une série de
modèles très simples d’abord, puis plus ou
moins compliqués, tels que les solides dont
s’occupe la géométrie élémentaire; ainsi les
cubes, parallélipipèdes, cylindres, cônes,
prismes, sphères etc., puis ces solides coupés
par des plans diversement inclinés, puis quel-
ques vases sans ornement, des vases ayant
quelque ornement, des chapiteaux des diffé-
rents ordres, des fragments de bas-reliefs,
des fleurs, des figures, môme en bas-reliefs,
etc. » Je demande en quoi les premiers élé-
ments du système Dupuis diffèrent de ce nou-
veau programme. Il est grand temps que l’on
sache à quoi s’en tenir. Le Gouvernement
envoie régulièrement en mission des hommes
très compétents, qui font des rapports que
publie le Moniteur et puis tout est dit. MM.
Alvin et Chauvin ont étudié dans leurs détails
les études exécutées dans toutes les écoles de
l’Allemagne. Ils ont donné de grands éloges
à ce qui se faisait dans de certaines villes;
serait-il impossible d’appliquer chez nous ce
qui fonctionne si bien à l’étranger? Je ne de-
mande point que l’on réorganise l’enseigne-
ment artistique de nos académies. L’étude de
l’antique et de la nature en feront toujours la
base. Mais, à côté de cet enseignement supé-
rieur, il y a un cours élémentaire qui doit se
donner dans toutes les écoles, car les notions
du dessin sont aujourd’hui devenues indis-
pensables à tout le monde. C’est là que la
méthode nouvelle devra trouver son applica-
tion immédiate, et, ce n’est pas alors que de
toutes parts on s’occupe avec une sollicitude
des plus louables d’asseoir sur des bases
j aussi parfaites que possible l’instruction pri-
maire, que l’on peut impunément laisser en
suspens la question de l’enseignement du
dessin aux masses. Nous en reparlerons en
1867, quand aura paru le nouveau rapport
du conseil supérieur de perfectionnement
de l’enseignement des arts du dessin.
Quelques hommes compétents ont été invi-
tés, ces jours derniers, à examiner dans l’ate-
lier du statuaire De Groot, un groupe déco-
ratif d’une certaine importance, destiné à
une construction monumentale qu’élève en
ce moment la ville de Spa , l’établissement
des bains. Le travail de M. De Groot ornera
la grande salle du nouvel édifice. Il n’est
point facile, tous les artistes le savent, de
mettre la sculpture en harmonie avec l’archi-
tecture, surtout l’architecture intérieure, et de
même que les plus grands peintres ont été de
tout temps les meilleurs décorateurs, les
grands statuaires nous ont laissé les travaux
d’ornementation les plus grandioses, preuve
suffisante de l’importance du genre. M. De
Groot n’a point considéré qu’il dût, faisant
de la décoration, apporter moins de soin à son
travail et s’abaisser au rang d’ouvrier parce-
qu’il exécutait un couronnement de porte.
Tout au contraire; il s’est inspiré des bons
modèles du passé et les deux nymphes mari-
nes qu’il a groupées en vue de l’édifice spa-
dois, tout en répondant parfaitement aux
exigences de la sculpture décorative, ont,
comme œuvre d’art, suffisamment d’impor-
tance par elles-mêmes pour être plus qu’un
banal élément de richesse pour le monument
qu’elle pareront. Si je parle de nymphes des
eaux, ne croyez pas qu’il s’agisse de ces jeunes
femmes si séduisantes par le haut et qui, à
partir de la ceinture, se transforment en mon-
stres marins dont les capricieux enroulements
ont été si souvent utilisés par les ornemanis-
tes. Loin de là; ce sont ici de belles et calmes
jeunes filles aux formes sveltes, qu’affection-
nait le Primatice, ce maître décorateur dans
l’acception la plus élevée du mot, et M. De
Groot n’a mis à profit l’éternel dauphin que
pour relier ses deux figures. L’ensemble du
groupe est harmonieux et sévère et le détail
peut-être poussé à l’excès pour une œuvre
qui sera placée à une certaine élévation. Tou-
tefois, je ne puis blâmer ce surcroît de soins
qui prouve, en fin de compte, le respect de
l'artiste pour son œuvre. Le travail de M. De
Groot démontre une fois de plus que l’artiste
industriel n’est pas un peintre, un statuaire
ou un architecte manqué, comme on ne le
croit que trop fréquemment, mais que tout
au contraire, la même étude sérieuse qui peut
seule former le véritable artiste, est aussi celle
qui doit mener le plus sûrement à l’embellis-
sement de toute chose par l’introduction de
l’élément artistique.
Je ne déposerai point la plume sans signa-
ler une œuvre à la fois artistique et littéraire
et qui, à ce double point de vue, mérite une
mention spéciale. L’auteur du livre est un
artiste qui s’est dès longtemps fait connaître
comme littérateur : M. J. B. Huysmans d’An-
vers. Notre compatriote a beaucoup voyagé
comme le prouvent ses toiles, et, non content
de parcourir la majeure partie de l’Europe et