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195

Et les récits confus, les personnages mon-
strueux , les cyclopéennes aberrations de
Jean-Paul, n’est-ce pas la quintessence de la
barbarie? Pendant le 95 du romantisme,
pendant la fièvre d’indépendance qui a tour-
menté notre littérature, après un long ser-
vage, on a trouvé ces excès légitimes, on les
a même admirés. Qui voudrait maintenant
les défendre? Qui voudrait les imiter? Quel
effet produisent-ils sous la lumière impartiale
de la raison ?

» L’Allemagne a sans doute fini par sortir
de la barbarie; mais avec quelle lenteur! Et
depuis combien de temps? Elle peut se féli-
citer, s’enorgueillir d’avoir produit dans la
peinture religieuse Cornélius, Bendemann,
Overbeck, Ittenbach ; dans les scènes de
genre, Louis Knauss et Meyerheim; dans le
paysage, Schirmer et ses nombreux élèves;
dans le portrait, Gustave Piicliter, Edouard
Magnus et Roeking. Mais il lui a fallu des
siècles pour s’instruire, pour modifier ses
penchants primitifs, pour se former et se
civiliser.

» Ainsi donc, à priori, les Allemands n’ont
jamais pu, en fait d’art, enseigner quoi que
ce soit à une race plus habile et mieux douée
que la leur. Avec cette induction générale
concordent exactement les dates et les faits
particuliers. Dans l’indigence même, à la-
quelle nous ont réduit l’action dévorante du
temps et l’incurie des hommes, nous avons
suivi la marche ascendante de Part flamand
depuis ses premiers essais jusqu’en 1420. Des
manuscrits, des fresques, des tableaux por-
tant un millésime, ou commandés à une épo-
que certaine, nous ont renseigné d’une ma-
nière positive. L’histoire de l’école rhénane
est-elle aussi claire, appuyée sur des docu-
ments aussi nombreux et de la même valeur?
Puisqu’on veut lui donner l’école flamande
pour élève, il faut prouver qu’elle est plus
ancienne. Or à quelle date la fait-on remon-
ter, sur quel document appuie-t-on sa prio-
rité? Jamais système n’a eu pour base une
donnée plus fragile. La Chronique du Lun-
bourg s’exprime ainsi, dans un passage relatif
à l’année 1380 : « Il y avait alors à Cologne
un peintre nommé Guillaume ; c’était le meil-
leur de toutes les contrées allemandes, sui-
vant l’opinion des maîtres; il a peint les
hommes de toute figure comme s’ils étaient en
vie. » Le journal de voyage tenu par Albert
Durer, lorsqu’il visita les provinces flaman-
des, porte d’un autre côté cette mention :
« hem, donné deux blancs pour faire ouvrir
le tableau (le triptyque) que maître Étienne a
peint à Cologne. » Enfin, M. Merlo, après
avoir longtemps compulsé les archives de la
ville, a déterré quelques lignes concernant un
peintre nommé Étienne Lothener ou Loche-

ner, qui avait vu le jour à Constance, mais
qui vint habiter Cologne, où les livres cen-
siers parlent de lui pour la première fois en
4442. Voilà tout. Sur ce frêle pilotis, on a
élevé un monument considérable, une pyra-
mide d’hypothèses. D’après un renseignement
trouvé dans les registres de l’église de Sainte-
Colombe, le premier coloriste fut baptisé Guil-
laume de Herle, et on lui attribua, sans
preuve aucune, toute une série de panneaux.
Le second fut déclaré, aussi arbitrairement,
l’auteur de la fameuse Adoration des Mages
que possède la cathédrale, et qui ornait jadis
la chapelle de l’hôtel de ville.

Puis on procéda pour ce mystérieux artiste
comme pour son devancier : on lui composa
toute une œuvre, on groupa une collection de
tableaux dont on lui fit honneur, sans pro-
duire la moindre pièce à l’appui. C’est à ce
réseau de fils d’araignée que la critique alle-
mande suspend ses prétentions en faveur
d’une école nationale, qui aurait brillé sur
les bords du Rhin, illuminé toute l’Europe
septentrionale, pendant que les provinces
flamandes restaient plongées dans l’ombre et
l’inertie. Eh bien , non-seulement leur frêle
tissu de vagues suppositions ne prouve pas
que la peinture germanique ait précédé la
peinture flamande, mais il ne démontre en
aucune manière qu’elle soit antérieure à la
mort de Jean van Eyck.

» Puisqu’il n’existe aucune œuvre authen-
tique de maître Guillaume, de quel droit lui
attribue-t-on des panneaux qui eux-mêmes
ne sont pas datés? En Belgique, ce n’est pas
seulement un peintre du quatorzième siècle
sur lequel on a des renseignements écrits;
on pourrait faire une liste de soixante pein-
tres au moins, qui étaient alors renommés,
dont plusieurs occupaient des positions offi-
cielles , et la liste remonterait bien plus haut
que l’année 1580. Or que diraient les criti-
ques d’Allemagne si je m’avisais de choisir,
parmi les tableaux du quinzième siècle, un
bon nombre de peintures sans origine cer-
taine et de les attribuer à Jean de Hasselt, à
Mallouel, à Guillaume Van Axpoele? Si je
leur créais ainsi des états de service imagi-
naires, une individualité factice? On crierait
à l’arbitraire, on me reprocherait d’agir ca-
pricieusement et de braver la logique. Pour-
quoi donc les critiques d’Allemagne se per-
mettent-ils ces fantaisies? Pourquoi se don-
nent-ils le divertissement d’écrire, sous le
nom d’histoire, des romans historiques?

Parmi les tableaux qu’on attribue à Guil-
laume de Herle, pas un seul probablement
ne date du quatorzième siècle. En effet,
l’école de Cologne n’a suivi que de très loin
et avec une lenteur germanique l’exemple
des Flamands. Elle a gardé le vieux style

gothique, les fonds d’or, la composition du
moyen-âge et son extrême gaucherie pendant
tout le quinzième siècle. Des peintures alle-
mandes qui, d’après les costumes, ont dû
être exécutées vers 1450, paraissent bien an-
térieures et offrent encore un aspect tout
primitif. Bien loin d’avoir frayé la route aux
maîtres des Pays-Bas, l’école du Rhin fut une
école toujours attardée. Son coloris seul en
fournirait une preuve incontestable. Nous
avons remarqué sur les panneaux de Melchior
Broederlain, sur le Crucifiement de Bruges
et la châsse de Namur la pâleur des carna-
tions, où les teintes claires arrivent presque
au blanc, et nous avons trouvé l’origine de
ces tons laiteux dans l’habitude de copier les
statuettes enluminées. C’était donc un usage,
un procédé du quatorzième siècle. Eh bien,
l’école de Cologne ne s’en est jamais dépar-
tie. Elle suivait encore cette vieille méthode,
quand les peintres des Pays-Bas l’avaient
abandonnée depuis soixante ou quatre-vingts
ans. Voici une note que j’ai prise devant le
fameux triptyque de la cathédrale : « Recher-
che exagérée de l’harmonie ; les traits s’ar-
rondissent, les formes s’effacent, les sourcils
disparaissent. Les ombres des chairs sont
verdâtres, les clairs tirent sur le blanc pur.
Manque de détails dans les visages; ils ont
l’air d’être enflés. Le goût excessif des tons
moelleux, qu’il s’agisse du détail ou de l’en-
semble, est porté si loin dans le plus jeune
des deux rois, placé à gauche de la Vierge,
que les cheveux et la barbe se fondent pres-
que avec les chairs. » On voit que l’identité
est complète : nous avons même indiqué l’ab-
sence de sourcils dans VAnnonciation de Mel-
chior Broederlain. Les artistes rhénans ont
été si peu inventifs que, pendant tout le
quinzième siècle, ils ont conservé le tapis
déroulé derrière les personnages et servant
de fond, expédient imaginé par les chryso-
graphes, rubricistes et enlumineurs; nous
l’avons signalé sur la fresque de la Byloque. »
Alfred michiels.

(La suite prochainement).

(Correspondance particulière).

Bruxelles.

Je vous ai entretenu à l’époque de leur
création et de leurs concours, des écoles de
dessin établies par les communes-faubourgs
de la capitale ; Ixelles d’abord, St. Josse-ten-
Noode et Schaerbeek ensuite. Quoique tou-
chant à la ville de Bruxelles, ces aggloméra-
tions, plus importantes que bien des chefs-
lieux, ont leur administration distincte et le
manque d’écoles de dessin avait été longtemps
une lacune dans l’organisation de l’enseigne-
 
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