Hieronymus Bosch est naturellement imbu de ces idées, il y croit, il en a
peur, et à cause d’elles, tout épris qu’il soit de nouveauté, d’observation méticu-
leuse, de méthode stricte, d’indépendance, il n’en reste pas moins nébuleux et
rêveur.
Sa personnalité, incontestablement complexe, est difficilement explicable.
N’allons pas pour cela chercher en lui un compromis entre les esprits des temps
anciens et ceux des temps nouveaux, encore moins un homme de la Renaissance.
Il appartient toujours à ce merveilleux Moyen âge qui a su réaliser ses
rêves. Alfred Michiels (i) que l’on dédaigne trop aujourd’hui l’a fort bien
jugé, quand il écrit qu’il n’avait pas l’idée de personnifier des songes, mais
pensait revêtir d’une forme plastique des vérités inattaquables.
Hieronymus Bosch n’a rien, absolument rien de l’esprit de la Réforme,
qui n’existait d’ailleurs pas encore. Son œuvre n’est pas, tant s’en faut, une
réaction contre le passé : elle n’a rien de l’humanisme que sera bientôt le protes-
tantisme, c’est-à-dire la rupture des traditions, qui avaient fait la force des
peuples latins. L’art du Moyen âge, puisqu’ici nous n’avons pas à nous occuper
d’autre chose, compris du peuple, de tous, va être remplacé par un autre art,
emprunté à des idées étrangères, mortes depuis des siècles. Celui-ci sera tout,
grandiloquent, noble, majestueux, si ce n’est vivant et national. La bonhomie en
sera bannie ; incompris des masses, il sera réservé à une classe, à une aristocratie.
Cette somptuosité qu’il va implanter étonnera plus qu’elle ne charmera, car elle
n’aura plus d’âme.
L’une des caractéristiques de Hieronymus Bosch c’est son goût, son attrait
pour l’expression de la vie. Il est le premier peintre de son pays qui se soit avisé
d’observer ce qui se passait autour de lui, d’étudier l'homme pour lui-même, de
courir dans ce but les fêtes publiques, les réjouissances populaires qui se renou-
velaient à chaque instant, nulle part plus fréquentes que dans les Flandres et le
Brabant, par conséquent qu’à Bois-le-Duc ou dans les campagnes environnantes.
Devenues, dans ces régions de haute liesse, classiques et pour ainsi dire obliga-
toires, elles se répétaient sous des dénominations diverses, aux entrées de princes
dans leurs bonnes villes, aux anniversaires politiques, aux inaugurations de
monuments, aux solennités religieuses, aux réunions de gildes, célébrées sur les
planches, au milieu des places, aux carrefours des rues. Il convient d’y ajouter les
Fêtes de fous, particulières aux gens attachés à l’Église, aux écoliers, qui n avaient
lieu, il est vrai, qu’une fois l’an, à date fixe. Dans ces réjouissances, dont les
disputes et les rixes étaient les inévitables conséquences, Jérôme Bosch sut
découvrir le caractère de l’individu qui posait inconsciemment devant lui, inter-
(i) A. Michiels. Les Peintres brugeois. In-18, A. Vandale, Bruxelles, 1846.
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peur, et à cause d’elles, tout épris qu’il soit de nouveauté, d’observation méticu-
leuse, de méthode stricte, d’indépendance, il n’en reste pas moins nébuleux et
rêveur.
Sa personnalité, incontestablement complexe, est difficilement explicable.
N’allons pas pour cela chercher en lui un compromis entre les esprits des temps
anciens et ceux des temps nouveaux, encore moins un homme de la Renaissance.
Il appartient toujours à ce merveilleux Moyen âge qui a su réaliser ses
rêves. Alfred Michiels (i) que l’on dédaigne trop aujourd’hui l’a fort bien
jugé, quand il écrit qu’il n’avait pas l’idée de personnifier des songes, mais
pensait revêtir d’une forme plastique des vérités inattaquables.
Hieronymus Bosch n’a rien, absolument rien de l’esprit de la Réforme,
qui n’existait d’ailleurs pas encore. Son œuvre n’est pas, tant s’en faut, une
réaction contre le passé : elle n’a rien de l’humanisme que sera bientôt le protes-
tantisme, c’est-à-dire la rupture des traditions, qui avaient fait la force des
peuples latins. L’art du Moyen âge, puisqu’ici nous n’avons pas à nous occuper
d’autre chose, compris du peuple, de tous, va être remplacé par un autre art,
emprunté à des idées étrangères, mortes depuis des siècles. Celui-ci sera tout,
grandiloquent, noble, majestueux, si ce n’est vivant et national. La bonhomie en
sera bannie ; incompris des masses, il sera réservé à une classe, à une aristocratie.
Cette somptuosité qu’il va implanter étonnera plus qu’elle ne charmera, car elle
n’aura plus d’âme.
L’une des caractéristiques de Hieronymus Bosch c’est son goût, son attrait
pour l’expression de la vie. Il est le premier peintre de son pays qui se soit avisé
d’observer ce qui se passait autour de lui, d’étudier l'homme pour lui-même, de
courir dans ce but les fêtes publiques, les réjouissances populaires qui se renou-
velaient à chaque instant, nulle part plus fréquentes que dans les Flandres et le
Brabant, par conséquent qu’à Bois-le-Duc ou dans les campagnes environnantes.
Devenues, dans ces régions de haute liesse, classiques et pour ainsi dire obliga-
toires, elles se répétaient sous des dénominations diverses, aux entrées de princes
dans leurs bonnes villes, aux anniversaires politiques, aux inaugurations de
monuments, aux solennités religieuses, aux réunions de gildes, célébrées sur les
planches, au milieu des places, aux carrefours des rues. Il convient d’y ajouter les
Fêtes de fous, particulières aux gens attachés à l’Église, aux écoliers, qui n avaient
lieu, il est vrai, qu’une fois l’an, à date fixe. Dans ces réjouissances, dont les
disputes et les rixes étaient les inévitables conséquences, Jérôme Bosch sut
découvrir le caractère de l’individu qui posait inconsciemment devant lui, inter-
(i) A. Michiels. Les Peintres brugeois. In-18, A. Vandale, Bruxelles, 1846.
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