[5] À PROPOS DES GRANDS LITS DE TOUTÂNKHAMON. 209
caractère spécial, et ressemblerait plutôt à celui du lion(|), mais la tète, si énergique
et si admirablement modelée, est aisément reconnaissable : c'est celle de l'hippopo-
tame, donc celle de la déesse Thouéris.
Le rôle de cette divinité est trop connu pour qu'il soit nécessaire de l'étudier à
nouveau ici'2); elle assume la protection de l'enfant dès sa naissance et pendant ses
premières années; elle veille aussi à écarter toutes les mauvaises influences pendant
le sommeil de ceux qui se mettent sous sa garde en gravant son image soit au pied de
leur lit®, soit sur de petits objets magiques déposés à leur chevet W. Au Livre des
Morts, elle apparaît sur la vignette finale, à côté de la vache qui sort du flanc de
la montagne, comme si elle n'était qu'un doublet d'HathorR Enfin, dans certaines
localités elle assume la fonction de mettre elle-même au monde Osiris, s'identifiant
de cette manière avec Nouït, la déesse-ciel M.
La simple énumération de ces faits bien connus suffit à établir que si les' lits
supportés par des animaux ont véritablement une signification symbolique, celui aux
hippopotames est étroitement apparenté à celui aux vaches et représente une idée
analogue, sinon identique.
Le fait de donner à certains éléments du mobilier funéraire une puissance magique
qui s'exerce au profit du défunt, correspond si bien aux idées égyptiennes que nous
pouvons considérer comme acquise la conclusion suivante : les trois lits funéraires à
corps d'animaux sont des agents de résurrection, opérant peut-être chacun indivi-
duellement, peut-être plutôt en commun, par le fait qu'ils sont réunis tous les trois,
qu'ils expriment chacun une nuance spéciale de la même idée symbolique et ma-
gique, et qu'ils se complètent l'un l'autre.
Nous avons la preuve que ces trois lits, analogues de forme et semblables de di-
mensions, sortent d'un même atelier, qu'ils constituent un ensemble voulu et n'ont
(1) Dans la peinture de ChampoHion, la queue, lourde et épaisse, tombe obliquement en arrière comme
celle du chacal, au lieu de se recourber élégamment en demi-cercle comme celle du lion.
(î) Jéquier, Recueil de travaux, XXXVII, p. 118.
(3) Qlibell, Tomb of Yuaa and Thuiu, pl. XXXI; la même figure se trouve aussi sur les fauteuils, pour
une raison sans doute analogue (ibid., pl. XXXII, XXXIV, XXXV).
(t) Jéquier, Recueil de travaux, XXX, p. /10.
<5) Pi.eyte, Les chapitres supplémentaires du Livre des Morts, I, p. 1G et suiv.; Rudge, Facsimile of the pap.
of Ani, pl. XXXVII. L'hippopotame paraît très rarement dans les représentations d'ordre funéraire. On le
voit cependant dans un tableau des cercueils anthropoïdes, se profilant sur l'escalier qui supporte le trône
d'Osiris, et symbolisant le Douât (Chassinat, La seconde trouvaille de Deir cl-Rahari, 1, pl. IX). On le re-
trouve encore sous forme de figurines en ronde bosse déposées dans certains tombeaux, dès l'époque prédy-
nastique (J. de Morgan, Recherches sur les origines de l'Egypte, II, p. 128) et sous l'Ancien Empire (Abou-
Roach, d'après un renseignement donné par M. É. Chassinat); les remarquables statuettes d'hippopotames
en terre émaillée bleue, qui datent du Moyen Empire, apparliennent à la môme catégorie (Burlington Fine
Arts Club, Calai, of an exhibition of egijpl. Art, 1922, pl. XXXVII).
(i) Ainsi à Karnak, où un temple spécial était consacré à la déesse Apel, une des formes de Thouéris
(Legrain, Recueil de travaux, XXIII, p. 65 et suiv.).
Recueil, t. XL. — Troisième série, t. VIII. 27
caractère spécial, et ressemblerait plutôt à celui du lion(|), mais la tète, si énergique
et si admirablement modelée, est aisément reconnaissable : c'est celle de l'hippopo-
tame, donc celle de la déesse Thouéris.
Le rôle de cette divinité est trop connu pour qu'il soit nécessaire de l'étudier à
nouveau ici'2); elle assume la protection de l'enfant dès sa naissance et pendant ses
premières années; elle veille aussi à écarter toutes les mauvaises influences pendant
le sommeil de ceux qui se mettent sous sa garde en gravant son image soit au pied de
leur lit®, soit sur de petits objets magiques déposés à leur chevet W. Au Livre des
Morts, elle apparaît sur la vignette finale, à côté de la vache qui sort du flanc de
la montagne, comme si elle n'était qu'un doublet d'HathorR Enfin, dans certaines
localités elle assume la fonction de mettre elle-même au monde Osiris, s'identifiant
de cette manière avec Nouït, la déesse-ciel M.
La simple énumération de ces faits bien connus suffit à établir que si les' lits
supportés par des animaux ont véritablement une signification symbolique, celui aux
hippopotames est étroitement apparenté à celui aux vaches et représente une idée
analogue, sinon identique.
Le fait de donner à certains éléments du mobilier funéraire une puissance magique
qui s'exerce au profit du défunt, correspond si bien aux idées égyptiennes que nous
pouvons considérer comme acquise la conclusion suivante : les trois lits funéraires à
corps d'animaux sont des agents de résurrection, opérant peut-être chacun indivi-
duellement, peut-être plutôt en commun, par le fait qu'ils sont réunis tous les trois,
qu'ils expriment chacun une nuance spéciale de la même idée symbolique et ma-
gique, et qu'ils se complètent l'un l'autre.
Nous avons la preuve que ces trois lits, analogues de forme et semblables de di-
mensions, sortent d'un même atelier, qu'ils constituent un ensemble voulu et n'ont
(1) Dans la peinture de ChampoHion, la queue, lourde et épaisse, tombe obliquement en arrière comme
celle du chacal, au lieu de se recourber élégamment en demi-cercle comme celle du lion.
(î) Jéquier, Recueil de travaux, XXXVII, p. 118.
(3) Qlibell, Tomb of Yuaa and Thuiu, pl. XXXI; la même figure se trouve aussi sur les fauteuils, pour
une raison sans doute analogue (ibid., pl. XXXII, XXXIV, XXXV).
(t) Jéquier, Recueil de travaux, XXX, p. /10.
<5) Pi.eyte, Les chapitres supplémentaires du Livre des Morts, I, p. 1G et suiv.; Rudge, Facsimile of the pap.
of Ani, pl. XXXVII. L'hippopotame paraît très rarement dans les représentations d'ordre funéraire. On le
voit cependant dans un tableau des cercueils anthropoïdes, se profilant sur l'escalier qui supporte le trône
d'Osiris, et symbolisant le Douât (Chassinat, La seconde trouvaille de Deir cl-Rahari, 1, pl. IX). On le re-
trouve encore sous forme de figurines en ronde bosse déposées dans certains tombeaux, dès l'époque prédy-
nastique (J. de Morgan, Recherches sur les origines de l'Egypte, II, p. 128) et sous l'Ancien Empire (Abou-
Roach, d'après un renseignement donné par M. É. Chassinat); les remarquables statuettes d'hippopotames
en terre émaillée bleue, qui datent du Moyen Empire, apparliennent à la môme catégorie (Burlington Fine
Arts Club, Calai, of an exhibition of egijpl. Art, 1922, pl. XXXVII).
(i) Ainsi à Karnak, où un temple spécial était consacré à la déesse Apel, une des formes de Thouéris
(Legrain, Recueil de travaux, XXIII, p. 65 et suiv.).
Recueil, t. XL. — Troisième série, t. VIII. 27