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Rocznik Historii Sztuki — 8.1970

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I. Z zagadnień sztuki obcej
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Waźbiński, Zygmunt: Tycjan - "nowy Apelles": O roli antycznego mitu w sztuce renesansu
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https://doi.org/10.11588/diglit.13396#0074
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ZYGMUNT WAŹBIŃSKI

TITIEN, L'«APELLE DE NOUVEAUX TEMPS»
SUR LE RÔLE D'UN MYTHE ANTIQUE DANS L'ART DE LA
RENAISSANCE ITALIENNE

De son vivant déjà, Titien se vit consacrer deux biographies extrêmement élogieuses: en 1557 parurent les Considérations
sur la peinture de Lodovico Dolce et en 1568 les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes de Vasari. Les deux s'inspirèrent
pour une bonne part des motifs du grand panégyrique en l'honneur de Titien que furent les lettres et les sonnets de Pietro
Aretino révélant en lui «l'Apelle de notre temps».

Le rapprochement entre un peintre vivant et un «héros de l'art antique», Apelle, était un argument assez fréquent à l'appui
des panégyriques humanistes en l'honneur des artistes glorifiés. Apelle pour Dolce et Aretino symbolisait le grand coloriste et
l'homme du succès. C'est sur cette conception qu'Aretino fonda son admiration pour Titien. Il admira dans ses portraits
la grandeur, le naturel et la majesté des personnages rendus par son «pinceau divin». Il soulignait constamment que «Tiziano
è la gloria dei colori » — source de la perfection de la peinture moderne. Aretino insistait sur le caractère unique des oeuvres
de Titien et voyait en lui le modèle du peintre parfait. Il l'appelait dans ses lettres «le divin Titien», «l'unique, le divin et
l'immortel Titien».

Il semble qu'Aretino ait joué un grand rôle dans la carrière de Titien en contribuant largement au retentissement de son
art, en lui trouvant d'excellents mécènes et en faisant monter les prix de ses oeuvres. L'un des succès, le plus grand peut-être,
de cette campagne en faveur de Titien fut la promulgation par Charles Quint du fameux document de 1533 lui octroyant
le titre de noblesse et la dignité de peintre attitré de la cour. «Ton talent de peintre et ton don de peindre les personnages
d'après nature nous paraissent d'une si haute qualité qu'ils te donnent droit au surnom d'Apelle de notre temps. A l'instar de
nos aïeux: Alexandre le Grand et Octavien Auguste dont le premier ne voulut être peint que par Apelle et le second — uni-
quement par d'éminents artistes, nous désirerions être peints par toi».

C'est de cette façon que Titien fut officiellement promu Apelle de son temps; cet acte d'une importance capitale pour
sa carrière ultérieure fit de lui le peintre le plus connu et le plus estimé et affermit l'artiste lui-même dans la conviction qu'li
était un digne successeur d'Apelle. C'est ainsi que s'opéra la confirmation de l'attitude de Titien, du grand style de son art et de
sa vie, qui s'est traduite dans la reconstitution de nombre d'oeuvres d'Apelle et dans sa tentative de reconstituer son style, la
magie coloriste de son oeuvre.

Cette image de Titien l'érigeant en Apelle de son temps trouva une expression particulière chez Dolce, dans ses Considé-
rations sur la peinture, sorte d'une biographie idéalisée de Titien où l'on retrouve tous les éléments de l'art et de la vie d'Apelle,
peintre parfait. Tout comme son modèle, Titien exemplifie le succès exceptionnel dans l'art et dans la vie.

Si la biographie de Dolce fut écrite à une époque où Titien jouissait d'une très grande popularité, celle de Vasari vit le
jour dans une situation différente, entre la visite de l'auteur à Venise (1566) et la seconde édition des Vies des meilleurs peintres,
sculpteurs et architectes (1568), au moment ou Titien n'était plus un peintre à la mode et devenait même souvent l'objet de
critique. Vasari est plein d'admiration pour le peintre, mais son admiration vise essentiellement ce qu'il était par le passé.
L'auteur accepta dans sa totalité la légende créée autour du personnage du peintre par Aretino et Dolce et retrancha de sa vie
la période du «déclin». (Il est d'ailleurs significatif que cette dernière période de la vie du peintre fut également passée sous
silence par ses biographes du XVIIe siècle, car elle ne rentrait pas dans le cadre d'une biographie héroïque).

En acceptant la légende de Titien Vasari entrevoyait son rôle pour l'avenir de l'art; d'où la sollicitude avec laquelle il
l'inclut dans son récit sur les héros de l'art des temps modernes.
 
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