I
L A V I E
TRIOMPHANTE
DE LOVIS LE IVSTE-
*Tar Rene' B Conjeiller du Roy & Hisloriographe de France*
REDDITION DV CHASTEAV DE CAËN.
E sçay bien que FHistoire dVn Grand Prince demande vn grand
Autheur3Que cellede Lo vis le Iv ste meritelesplus belles
Plumes du monde. Mais quoy que ie ne sois pas au nombre de
ceux qui tiennent les premiers rangs entre les Escriuains, la gloire
de parler d’vn Roy qui a fait parler toutes les Nations, m*anime Ôc
me transporte 5 ôc m’oblige de considerer moins les qualitez de
mon eiprit que les dignitez de mon sujet.
Qve lc^ves mescontens de la faueur du Duc deLuynes, formerent vne
cabale5& taïcherent dhnteresfer en leur ressentiment les principales Villes de
Normandie. Sur les aduis qu’eut le Roy de leur mauuais dessein 5 il donna ordre
au Mareschal de Prassin de raire aduancer quelques Troupes vers cetteProuin-
ce, ôc d’aller inuestir le Chasteau de Caën. Èncores que sexecution de ce com-
mandement fist trembler les fadlieux, ôc qu elle detournast les autres desuiure
leur party, cette adrion ne fit pas tant d’effet que la presence du Prince : Le vilage
des Souuerains a quelque chose de plus particulier que celuy des autres hom-
mes5 ôc il est ordinairement accompagné de ie ne sçay quel messange qui donne
de la tendresse aux plus insensibles 5 ôc de la terreur aux plus resolus. Apres que
le Roy se fut asseuré de la Ville de Roüen5 Ôc qu il eut fait entendre au Parlement
les causes de son voyage 5 il prit la route de Caën 5 ôc sy rendit en diligence*
Quelque supplication qu on luy fist de ne point aller aux trenchées 5 sonne put
empeicher seffet de sa genereuse curiosite' : II sçauoit bien que les plus grands
Capitaines deuoient à sexperience leurs plus belles lumieres 5 ôc que quelques
fidelsque fussentles rapports5vnChefapprenoitmoins sondeuoirparles oreiL
les que par les yeux. Si ce Prince estoit hardy, il estoit bien-faisant, ôc sil auoit la
liberalité dVn Roy5il auoit la tendresse dVn Pere : II plaignit Arnault ôc Serignac5
qui auoient esté blessez en vne occasion extrémement chaude -, ôc ilne secon-
tenta pas de leur enuoyer des presens 5 il les fit ses pensionnaires. Comme la vie
du moindre de ses Subjets luy estoit considerable5 ôc qu il aymoit mieux deuoir
ses Vidoires à la douceur qu’à la violence, il fit sommer le Gouuerneur de Ia
Place de la luy rendre : mais il fut tellement indigné du refus qu’il en fit 5 qu il fit
promettre hautement vne somme notable à ceux qui se saisiroient de luy 5 ôc qui
le luy ameneroient. Si cette offre surpritPrudent, elle le refroidit -, ôc si elle abat-
L A V I E
TRIOMPHANTE
DE LOVIS LE IVSTE-
*Tar Rene' B Conjeiller du Roy & Hisloriographe de France*
REDDITION DV CHASTEAV DE CAËN.
E sçay bien que FHistoire dVn Grand Prince demande vn grand
Autheur3Que cellede Lo vis le Iv ste meritelesplus belles
Plumes du monde. Mais quoy que ie ne sois pas au nombre de
ceux qui tiennent les premiers rangs entre les Escriuains, la gloire
de parler d’vn Roy qui a fait parler toutes les Nations, m*anime Ôc
me transporte 5 ôc m’oblige de considerer moins les qualitez de
mon eiprit que les dignitez de mon sujet.
Qve lc^ves mescontens de la faueur du Duc deLuynes, formerent vne
cabale5& taïcherent dhnteresfer en leur ressentiment les principales Villes de
Normandie. Sur les aduis qu’eut le Roy de leur mauuais dessein 5 il donna ordre
au Mareschal de Prassin de raire aduancer quelques Troupes vers cetteProuin-
ce, ôc d’aller inuestir le Chasteau de Caën. Èncores que sexecution de ce com-
mandement fist trembler les fadlieux, ôc qu elle detournast les autres desuiure
leur party, cette adrion ne fit pas tant d’effet que la presence du Prince : Le vilage
des Souuerains a quelque chose de plus particulier que celuy des autres hom-
mes5 ôc il est ordinairement accompagné de ie ne sçay quel messange qui donne
de la tendresse aux plus insensibles 5 ôc de la terreur aux plus resolus. Apres que
le Roy se fut asseuré de la Ville de Roüen5 Ôc qu il eut fait entendre au Parlement
les causes de son voyage 5 il prit la route de Caën 5 ôc sy rendit en diligence*
Quelque supplication qu on luy fist de ne point aller aux trenchées 5 sonne put
empeicher seffet de sa genereuse curiosite' : II sçauoit bien que les plus grands
Capitaines deuoient à sexperience leurs plus belles lumieres 5 ôc que quelques
fidelsque fussentles rapports5vnChefapprenoitmoins sondeuoirparles oreiL
les que par les yeux. Si ce Prince estoit hardy, il estoit bien-faisant, ôc sil auoit la
liberalité dVn Roy5il auoit la tendresse dVn Pere : II plaignit Arnault ôc Serignac5
qui auoient esté blessez en vne occasion extrémement chaude -, ôc ilne secon-
tenta pas de leur enuoyer des presens 5 il les fit ses pensionnaires. Comme la vie
du moindre de ses Subjets luy estoit considerable5 ôc qu il aymoit mieux deuoir
ses Vidoires à la douceur qu’à la violence, il fit sommer le Gouuerneur de Ia
Place de la luy rendre : mais il fut tellement indigné du refus qu’il en fit 5 qu il fit
promettre hautement vne somme notable à ceux qui se saisiroient de luy 5 ôc qui
le luy ameneroient. Si cette offre surpritPrudent, elle le refroidit -, ôc si elle abat-