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BIOGRAPHIE NATIONALE.
double courant, —- nos provinces n’ont jamais eu une existence qui leur fût propre,
elles n’ont jamais constitué un État qui se développât dans une unité politique et dans
une communauté d’intérêts, de mœurs, de lois et de civilisation. Depuis la période ro-
maine, elles n’ont cessé qu’à de rares intervalles de flotter dans la sphère d’attraction
des grandsÉtats qui se sont successivement formés autour d’elles. Perdues d’abord dans
les vastes domaines de Charlemagne; partagées, depuis le démembrement de l’em-
pire carlovingien, entre la France et l’Allemagne; divisées, pendant tout le moyen
âge, en seigneuries qui relevaient chacune d’un souverain différent et que ne ratta-
chait entre elles aucun lien commun, — elles ne se trouvent enfin réunies que sous
les princes de la maison de Bourgogne. Toutefois, en passant sous l’autorité de ces
princes, elles subissent une domination entièrement étrangère au sol national et qui
ne tient à la patrie que par quelques faibles et lointaines racines. L’unité, elles ne
l’obtiennent pas ; car elles sont devenues de simples annexes d’autres États plus
ou moins considérables. Mais leur indépendance, elles la perdent, pour une longue
suite d’années, sous des maîtres qui les gouvernent de loin et les font administrer
par des agents intermédiaires comme des terres de cens et de redevance.
Dès ce moment elles ne cessent de tourner dans le cercle d’action de la puissance
à laquelle elles sont attachées. Elles voient leur histoire se confondre avec la sienne ;
les hommes d’épée à qui elles donnent le jour, elles les voient tomber sur des champs
de bataille étrangers; les hommes de conseil, les savants, les artistes qu’elles pro-
duisent. elles les voient s’éloigner pour se mettre au service de quelque protecteur,
sinon de quelque maître lointain.
Cette domination, que 1 Espagne et l’Autriche exercent tour à tour sur elles, et que
continuent, d’abord la France après la conquête de nos provinces en 1794, ensuite la
Hollande après les traités de 1815, ne cesse qu’en 1830, cette grande époque ou
la Belgique se retrouve elle-même, indépendante et libre, mais morcelée, affaiblie,
diminuée à toutes ses frontières.
Or, pendant la durée séculaire de sa soumission à l’étranger, tout ce que la
Belgique enfanta de grand, hommes et choses, fut en quelque manière confisqué au
profit des États dont elle formait un mince appoint. En passant dans la langue de
ses dominateurs, les noms de ses hommes célèbres ont été souvent altérés et défigurés
au point qu’on a eu parfois de la difficulté à en restituer l’orthographe primitive,
et à faire valoir le droit que nous avons de les revendiquer comme nôtres.
Toutefois, hâtons-nous de le dire, ce labeur, si fatigant qu’il soit, n’a point effrayé
les esprits à qui le talent et la science donnaient mission pour établir nos titres natio-
naux. Ils ont rendu à ces noms leur physionomie réelle; ils ont cherché sur tous les
points de la terre les gloires qui s’étaient détachées de notre sol pour aller prendre
racine ailleurs. Chacun a apporté sa part à cette œuvre nationale, selon sa force,
son zèle et son patriotisme, et voici que l’œuvre est accomplie, et que la Belgique
peut montrer ses parchemins de famille en règle.
A peine les premières lueurs historiques commencent-elles à briller sur 1 Europe,
que nous voyons des noms belges figurer dans les grands événements qui agitèrent
cette partie du monde. Mais, à travers l’obscurité qui couvre ces temps reculés ou
l’histoire est encore presque voisine de la fiction, ces noms ne se révèlent que
BIOGRAPHIE NATIONALE.
double courant, —- nos provinces n’ont jamais eu une existence qui leur fût propre,
elles n’ont jamais constitué un État qui se développât dans une unité politique et dans
une communauté d’intérêts, de mœurs, de lois et de civilisation. Depuis la période ro-
maine, elles n’ont cessé qu’à de rares intervalles de flotter dans la sphère d’attraction
des grandsÉtats qui se sont successivement formés autour d’elles. Perdues d’abord dans
les vastes domaines de Charlemagne; partagées, depuis le démembrement de l’em-
pire carlovingien, entre la France et l’Allemagne; divisées, pendant tout le moyen
âge, en seigneuries qui relevaient chacune d’un souverain différent et que ne ratta-
chait entre elles aucun lien commun, — elles ne se trouvent enfin réunies que sous
les princes de la maison de Bourgogne. Toutefois, en passant sous l’autorité de ces
princes, elles subissent une domination entièrement étrangère au sol national et qui
ne tient à la patrie que par quelques faibles et lointaines racines. L’unité, elles ne
l’obtiennent pas ; car elles sont devenues de simples annexes d’autres États plus
ou moins considérables. Mais leur indépendance, elles la perdent, pour une longue
suite d’années, sous des maîtres qui les gouvernent de loin et les font administrer
par des agents intermédiaires comme des terres de cens et de redevance.
Dès ce moment elles ne cessent de tourner dans le cercle d’action de la puissance
à laquelle elles sont attachées. Elles voient leur histoire se confondre avec la sienne ;
les hommes d’épée à qui elles donnent le jour, elles les voient tomber sur des champs
de bataille étrangers; les hommes de conseil, les savants, les artistes qu’elles pro-
duisent. elles les voient s’éloigner pour se mettre au service de quelque protecteur,
sinon de quelque maître lointain.
Cette domination, que 1 Espagne et l’Autriche exercent tour à tour sur elles, et que
continuent, d’abord la France après la conquête de nos provinces en 1794, ensuite la
Hollande après les traités de 1815, ne cesse qu’en 1830, cette grande époque ou
la Belgique se retrouve elle-même, indépendante et libre, mais morcelée, affaiblie,
diminuée à toutes ses frontières.
Or, pendant la durée séculaire de sa soumission à l’étranger, tout ce que la
Belgique enfanta de grand, hommes et choses, fut en quelque manière confisqué au
profit des États dont elle formait un mince appoint. En passant dans la langue de
ses dominateurs, les noms de ses hommes célèbres ont été souvent altérés et défigurés
au point qu’on a eu parfois de la difficulté à en restituer l’orthographe primitive,
et à faire valoir le droit que nous avons de les revendiquer comme nôtres.
Toutefois, hâtons-nous de le dire, ce labeur, si fatigant qu’il soit, n’a point effrayé
les esprits à qui le talent et la science donnaient mission pour établir nos titres natio-
naux. Ils ont rendu à ces noms leur physionomie réelle; ils ont cherché sur tous les
points de la terre les gloires qui s’étaient détachées de notre sol pour aller prendre
racine ailleurs. Chacun a apporté sa part à cette œuvre nationale, selon sa force,
son zèle et son patriotisme, et voici que l’œuvre est accomplie, et que la Belgique
peut montrer ses parchemins de famille en règle.
A peine les premières lueurs historiques commencent-elles à briller sur 1 Europe,
que nous voyons des noms belges figurer dans les grands événements qui agitèrent
cette partie du monde. Mais, à travers l’obscurité qui couvre ces temps reculés ou
l’histoire est encore presque voisine de la fiction, ces noms ne se révèlent que