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BIOGRAPHIE NATIONALE.
Mais si, aux yeux de ses contemporains et aux yeux de la postérité, il absorba en
quelque sorte dans sa renommée la gloire collective de ses aïeux, c’est qu’il posséda
à la fois le génie administratif de Pépin de Landen et de Pépin d’Herstal et l’esprit
militaire de Charles Martel.
Charlemagne naquit en 742, le 26 février s’il faut en croire les Annales de Fulde,
le 2 avril selon le calendrier de Lorsch, le 27 juillet, ou enfin le 28 décembre, jours
que d’autres calendriers consacrent à sa commémoration. S’il y a grande controverse
au sujet de ces dates, il n’y a pas moins d’incertitude au sujet du lieu où il vit le jour.
Quelques sources anciennes semblent indiquer Ingelheim, près de Mayence, d’autres
Paris, d'autres encore Worms, ou Karlsberg en Bavière. Éginhard confesse son
ignorance à l'égard du lieu où naquit son maître, et le moine de Saint-Gall ne nous
paraît pas trancher définitivement la question en indiquant dans les termes assez
vagues de génitale solum (sol natal) le territoire qui comprenait le bourg où Charle-
magne fit construire le dôme plus tard si célèbre d’Aix-la-Chapelle. Toutefois, quand
on rapproche de cette indication les traditions si nombreuses qui ont survécu à
Liège, à Jupille, à Herstal, à Theux et dans les ruines de quelques manoirs voisins,
traditions qui se rapportent toutes à notre héros, à sa famille et à ses compa-
gnons de guerre réels ou fabuleux, on ne peut se refuser à cette conviction que le
berceau de ce grand homme doit s’étre trouvé dans le triangle formé par Seraing,
Visé et Spa, terre toute peuplée de légendes ou plutôt de souvenirs poétisés par les
siècles.
Les chroniques ne nous renseignent pas davantage sur l’enfance et sur la jeunesse
de Charlemagne. Éginhard lui-même avoue qu’il n’a pu recueillir à ce sujet aucun
détail écrit ni oral. Mais sans aucun doute l’éducation du petit-fils de Charles Martel
et du fils de Pépin le Bref a dû se composer au moins des exercices que comportait
celle des jeunes gens de l’aristocratie franke et celle qu’il fit lui-même donner plus
tard à ses enfants, c’est-à-dire de quelques études littéraires et surtout de la pratique
des chevaux, des armes et de la chasse.
En 768, Pépin le Bref à peine descendu dans la tombe, ses deux fils furent
acclamés le même jour et reçurent les insignes de la royauté, Charlemagne à Noyon,
son frère Carloman à Soissons. Cette nouvelle consécration sanctionnait derechef le
fait de la déchéance des Mérovingiens. Mais cette fois ce ne fut pas sans que le sang
de Clovis protestât. Nous avons vu le duc des Aquitains, Hunold, abdiquer en faveur
de son fils Waïfre et chercher un asile dans file de Ré. Son fils étant tombé dans la
dernière guerre de Pépin en Aquitaine, il sort tout à coup de sa retraite et vient pro-
clamer à la tête de ses leudes l indépendance de son duché. C’est à la fois une menace
directe contre les deux rois. Aussi prennent-ils les armes pour aller comprimer en
commun ce soulèvement. Mais en cheminant vers la Loire, ils se brouillent au sujet
du partage des États qui leur sont échus, et Carloman se retire avec ses épées. Char-
lemagne seul franchit le fleuve, soumet toute l’Aquitaine et force Hunold à se réfu-
gier dans la Gascogne. Le vainqueur passe aussitôt la Garonne et ébranle, par ses
menaces, le duc des Gascons, Lupus, qui se hâte de lui livrer le fugitif et en outre
consent à prêter au roi frank le serment de vassal.
Cependant la discorde qui vient d’éclater entre les deux fils de Pépin s’envenime
BIOGRAPHIE NATIONALE.
Mais si, aux yeux de ses contemporains et aux yeux de la postérité, il absorba en
quelque sorte dans sa renommée la gloire collective de ses aïeux, c’est qu’il posséda
à la fois le génie administratif de Pépin de Landen et de Pépin d’Herstal et l’esprit
militaire de Charles Martel.
Charlemagne naquit en 742, le 26 février s’il faut en croire les Annales de Fulde,
le 2 avril selon le calendrier de Lorsch, le 27 juillet, ou enfin le 28 décembre, jours
que d’autres calendriers consacrent à sa commémoration. S’il y a grande controverse
au sujet de ces dates, il n’y a pas moins d’incertitude au sujet du lieu où il vit le jour.
Quelques sources anciennes semblent indiquer Ingelheim, près de Mayence, d’autres
Paris, d'autres encore Worms, ou Karlsberg en Bavière. Éginhard confesse son
ignorance à l'égard du lieu où naquit son maître, et le moine de Saint-Gall ne nous
paraît pas trancher définitivement la question en indiquant dans les termes assez
vagues de génitale solum (sol natal) le territoire qui comprenait le bourg où Charle-
magne fit construire le dôme plus tard si célèbre d’Aix-la-Chapelle. Toutefois, quand
on rapproche de cette indication les traditions si nombreuses qui ont survécu à
Liège, à Jupille, à Herstal, à Theux et dans les ruines de quelques manoirs voisins,
traditions qui se rapportent toutes à notre héros, à sa famille et à ses compa-
gnons de guerre réels ou fabuleux, on ne peut se refuser à cette conviction que le
berceau de ce grand homme doit s’étre trouvé dans le triangle formé par Seraing,
Visé et Spa, terre toute peuplée de légendes ou plutôt de souvenirs poétisés par les
siècles.
Les chroniques ne nous renseignent pas davantage sur l’enfance et sur la jeunesse
de Charlemagne. Éginhard lui-même avoue qu’il n’a pu recueillir à ce sujet aucun
détail écrit ni oral. Mais sans aucun doute l’éducation du petit-fils de Charles Martel
et du fils de Pépin le Bref a dû se composer au moins des exercices que comportait
celle des jeunes gens de l’aristocratie franke et celle qu’il fit lui-même donner plus
tard à ses enfants, c’est-à-dire de quelques études littéraires et surtout de la pratique
des chevaux, des armes et de la chasse.
En 768, Pépin le Bref à peine descendu dans la tombe, ses deux fils furent
acclamés le même jour et reçurent les insignes de la royauté, Charlemagne à Noyon,
son frère Carloman à Soissons. Cette nouvelle consécration sanctionnait derechef le
fait de la déchéance des Mérovingiens. Mais cette fois ce ne fut pas sans que le sang
de Clovis protestât. Nous avons vu le duc des Aquitains, Hunold, abdiquer en faveur
de son fils Waïfre et chercher un asile dans file de Ré. Son fils étant tombé dans la
dernière guerre de Pépin en Aquitaine, il sort tout à coup de sa retraite et vient pro-
clamer à la tête de ses leudes l indépendance de son duché. C’est à la fois une menace
directe contre les deux rois. Aussi prennent-ils les armes pour aller comprimer en
commun ce soulèvement. Mais en cheminant vers la Loire, ils se brouillent au sujet
du partage des États qui leur sont échus, et Carloman se retire avec ses épées. Char-
lemagne seul franchit le fleuve, soumet toute l’Aquitaine et force Hunold à se réfu-
gier dans la Gascogne. Le vainqueur passe aussitôt la Garonne et ébranle, par ses
menaces, le duc des Gascons, Lupus, qui se hâte de lui livrer le fugitif et en outre
consent à prêter au roi frank le serment de vassal.
Cependant la discorde qui vient d’éclater entre les deux fils de Pépin s’envenime