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BIOGRAPHIE NATIONALE
On sait quels furent les motifs ou les prétextes qui déterminèrent cette guerre
désastreuse. Les villes d’Aix-la-Chapelle et de Donauwerth, dont les protestants
s’étaient emparés et qui avaient été mises au ban de l’Empire ; l’électorat de Cologne
que l’archevêque-électeur avait tenté de séculariser et dont il avait été dépouillé,
enfin la mort de Jean-Guillaume, duc de Juliers, de Clèves et de Berg, dont plusieurs
princes protestants et catholiques se disputaient la succession vacante : telles furent
les causes futiles qui amenèrent l’Allemagne à se partager en deux camps, l’Union
évangélique, dont le premier chef fut Joachim-Ernest, marquis de Brandebourg,
et la Ligue catholique, à la tête de laquelle était placé Maximilien de Bavière.
Pendant plusieurs années, on s’observa de paî t et d’autre. Mais la défiance croissait
chaque jour; car, d’un côté, la France, intéressée à préparer l’abaissement de la cou-
ronne d’Autriche, et, d’un autre côté, les Hollandais, ardents à susciter, dans le voi-
sinage de la Belgique, des difficultés à la maison d’Espagne, si étroitement unie à
celle des Habsbourg, fomentaient de leur mieux la division au delà du Rhin. Enfin,
en 1618, les deux partis en vinrent ouvertement aux mains, et ce fut en Bohême
que la guerre s’alluma.
Mathias occupait le trône impérial. Son frère Ferdinand, prince connu par son
attachement profond au catholicisme, portait la couronne de Bohême. Or, le 19 fé-
vrier 1618, deux communes du royaume, qui viennent d’embrasser la Réforme, voient
renverser, sur un ordre de l’Empereur, des églises qu’elles ont commencé à con-
struire. De là grande rumeur des adhérents de la doctrine nouvelle, et bientôt toute
la Bohême est en feu. 11 faut réprimer au plus vite le mouvement qui s’opère ou se
résigner à se voir bientôt débordé par le parti mécontent. Malheureusement Mathias
n’est pas en mesure de prêter main forte à son frère. Il sollicite en vain l’aide de la
Bavière ; plus heureux du côté de l’Espagne, il obtient de la cour de Madrid un corps
d’armée levé en Italie et dans les Pays-Bas.
Ce fut parmi ces hommes de guerre que se trouva le premier capitaine belge dont
la guerre de trente ans nous ait révélé le nom : Gharles-Bonaventure de Longueval,
comte de Bucquoy.
Né le 9 janvier 1571, cet éminent officier avait fait ses premières armes dans les
brillantes campagnes du duc de Parme en France. En 1596, il s’était distingué sous
les drapeaux de l’archiduc Albert à la prise de Calais et d’Ardres, et en 1597 dans
l’expédition tentée par ce prince pour forcer les Français de lever le siège d’Amiens.
La bravoure et l’intelligence dont il avait fait preuve dans cette entreprise lui avaient
valu le grade de général de l’artillerie royale. Plus tard il avait pris part aux cam-
pagnes contre le prince Maurice sur le Rhin, à la bataille de Nieuport et au mé-
morable siège d’Ostende. En 1603, il avait dégagé la place de Bois-le-Duc, investie
par les confédérés. Après la reddition d’Ostende, il s’était vu décorer du collier de la
Toison d’or et du titre de conseiller de guerre de l’archiduc. En 1605, il avait reparu
sur le Rhin et forcé Groll, Lochem, Wachtendonck et Rhynberg à se rendre. Cepen-
dant la trêve de 1609 était venue arrêter son activité militaire. Elevé, en 1613, à la
dignité de grand bailli ou gouverneur du Hainaut, il avait été chargé, l’année sui-
vante, d’une mission des archiducs auprès de l’empereur Mathias; et ce prince,
ayant apprécié les hautes qualités du capitaine belge, lui avait conféré, en 1618,
BIOGRAPHIE NATIONALE
On sait quels furent les motifs ou les prétextes qui déterminèrent cette guerre
désastreuse. Les villes d’Aix-la-Chapelle et de Donauwerth, dont les protestants
s’étaient emparés et qui avaient été mises au ban de l’Empire ; l’électorat de Cologne
que l’archevêque-électeur avait tenté de séculariser et dont il avait été dépouillé,
enfin la mort de Jean-Guillaume, duc de Juliers, de Clèves et de Berg, dont plusieurs
princes protestants et catholiques se disputaient la succession vacante : telles furent
les causes futiles qui amenèrent l’Allemagne à se partager en deux camps, l’Union
évangélique, dont le premier chef fut Joachim-Ernest, marquis de Brandebourg,
et la Ligue catholique, à la tête de laquelle était placé Maximilien de Bavière.
Pendant plusieurs années, on s’observa de paî t et d’autre. Mais la défiance croissait
chaque jour; car, d’un côté, la France, intéressée à préparer l’abaissement de la cou-
ronne d’Autriche, et, d’un autre côté, les Hollandais, ardents à susciter, dans le voi-
sinage de la Belgique, des difficultés à la maison d’Espagne, si étroitement unie à
celle des Habsbourg, fomentaient de leur mieux la division au delà du Rhin. Enfin,
en 1618, les deux partis en vinrent ouvertement aux mains, et ce fut en Bohême
que la guerre s’alluma.
Mathias occupait le trône impérial. Son frère Ferdinand, prince connu par son
attachement profond au catholicisme, portait la couronne de Bohême. Or, le 19 fé-
vrier 1618, deux communes du royaume, qui viennent d’embrasser la Réforme, voient
renverser, sur un ordre de l’Empereur, des églises qu’elles ont commencé à con-
struire. De là grande rumeur des adhérents de la doctrine nouvelle, et bientôt toute
la Bohême est en feu. 11 faut réprimer au plus vite le mouvement qui s’opère ou se
résigner à se voir bientôt débordé par le parti mécontent. Malheureusement Mathias
n’est pas en mesure de prêter main forte à son frère. Il sollicite en vain l’aide de la
Bavière ; plus heureux du côté de l’Espagne, il obtient de la cour de Madrid un corps
d’armée levé en Italie et dans les Pays-Bas.
Ce fut parmi ces hommes de guerre que se trouva le premier capitaine belge dont
la guerre de trente ans nous ait révélé le nom : Gharles-Bonaventure de Longueval,
comte de Bucquoy.
Né le 9 janvier 1571, cet éminent officier avait fait ses premières armes dans les
brillantes campagnes du duc de Parme en France. En 1596, il s’était distingué sous
les drapeaux de l’archiduc Albert à la prise de Calais et d’Ardres, et en 1597 dans
l’expédition tentée par ce prince pour forcer les Français de lever le siège d’Amiens.
La bravoure et l’intelligence dont il avait fait preuve dans cette entreprise lui avaient
valu le grade de général de l’artillerie royale. Plus tard il avait pris part aux cam-
pagnes contre le prince Maurice sur le Rhin, à la bataille de Nieuport et au mé-
morable siège d’Ostende. En 1603, il avait dégagé la place de Bois-le-Duc, investie
par les confédérés. Après la reddition d’Ostende, il s’était vu décorer du collier de la
Toison d’or et du titre de conseiller de guerre de l’archiduc. En 1605, il avait reparu
sur le Rhin et forcé Groll, Lochem, Wachtendonck et Rhynberg à se rendre. Cepen-
dant la trêve de 1609 était venue arrêter son activité militaire. Elevé, en 1613, à la
dignité de grand bailli ou gouverneur du Hainaut, il avait été chargé, l’année sui-
vante, d’une mission des archiducs auprès de l’empereur Mathias; et ce prince,
ayant apprécié les hautes qualités du capitaine belge, lui avait conféré, en 1618,