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BIOGRAPHIE NATIONALE.
Dagobert II, fils unique de Sigebert III, depuis que ce jeune prince avait été écarté,
à l’âge d’un an, par l’usurpateur Grimoald et enfoui, par l’évêque Dido de Poitiers,
dans un monastère inconnu d’Irlande.
Or, le maire Erchinoald ne tarda pas à suivre dans la tombe Clovis II, après une
administration à la sagesse de laquelle tous les contemporains rendent hommage.
Alors les leudes neustriens et bourgondes lui donnèrent pour successeur le comte
Ébroïn, homme de basse extraction, mais qui s’était élevé au premier rang par sa
bravoure, et dans lequel les seigneurs, si bien tenus en bride par la fermeté d’Erchi-
noald, crurent voir un instrument capable de satisfaire leur soif de pouvoir et de
richesse. Ils se trompaient. Une fois investi de l’autorité palatine, l’égoïste Ébroïn
ne songe plus qu’à sa propre fortune. Jamais tyran semblable n’a été vu parmi les
Franks. Il met en oubli les lois et l’équité. Il vend la justice au plus offrant. Sa rapa-
cité est insatiable, et il ne travaille qu’à amasser des trésors, n’importe par quels
moyens. II foule aux pieds les leudes et les évêques. En vain la mère du roi, la
pieuse Bathilde, qui n’a pas dépouillé, en montant les marches du trône, les vertus
qu’elle a pratiquées dans son humble condition de serve, s’efforce-t-elle de ramener
le despote à des sentiments plus humains. Ébroïn et ses complices l’enferment dans
le couvent de Chelles. Dès lors l’autorité que le maire s’arroge dans tout l’empire ne
connaît plus de bornes. Elle ne respecte pas même les hommes d’Église ; car il fait
mettre à mort dix évêques et un grand nombre de prêtres. En 670, après la mort de
Clotaire, il va jusqu’à élever de son propre chef, et sans l’avis d’aucun des leudes,
Théodéric III à la royauté en Neustrie et en Bourgogne. Mais la mesure est comble.
Les seigneurs comprennent qu’Ébroïn n’a porté ce prince au trône que pour mieux
consolider sa propre puissance. Aussi les voilà qui courent aux armes et saisissent
le nouveau roi, qu’ils confinent dans l’abbaye de Saint-Denis, et son maire qu’ils
font tondre dans le monastère de Luxeuil. En même temps ils proclament souverain
des trois royaumes Childéric II d’Ostrasie. Cependant trois années s’écoulent, et ce
prince, devenu odieux par sa faiblesse et par ses désordres, disparaît à son tour,
frappé à mort dans la forêt de Livri par les ducs Bodilo, Ingolbert et Amalbert. A
cette nouvelle, le maire Wulfoald s’enfuit en Ostrasie, fait tirer Dagobert II du mo-
nastère irlandais où ce prince avait passé dix-sept ans, et le présente aux leudes
ostrasiens, qui le reconnaissent pour leur roi. Dans ces entrefaites, Bodilo et son
compagnon ouvrent les portes de Saint-Denis et en font sortir Théodéric II, qu’ils in-
vestissent pour la seconde fois des royaumes de Neustrie et de Bourgogne à Nogent-
sur-Seine, en lui adjoignant, en qualité de maire palatin, Leudesius, fils d’Erchi-
noald. On semble pouvoir espérer quelque repos, quand on apprend tout à coup
qu’Ébroïn s’est échappé du monastère de Luxeuil et qu’il se dispose à ressaisir le pou-
voir. En effet, il se hâte de rassembler autour de lui ses serviteurs, ses anciens
complices et tout ce qu’il peut recruter d’hommes prêts à servir une cause quelcon-
que, pourvu qu’elle offre une chance de fortune. Avec ces forces, il se rend au Pont-
Sainte-Maxence sur l’Oise, où il surprend et massacre l’escorte de Théodéric. II court
ensuite à Baisiu, près de Corbie, où il s’empare du trésor royal. Puis il se met à la
poursuite de Leudesius, à qui il demande une entrevue et qu’il fait traîtreusement
mettre à mort dans cette conférence. Ce n’est pas tout. Renforcé des secours que lui
BIOGRAPHIE NATIONALE.
Dagobert II, fils unique de Sigebert III, depuis que ce jeune prince avait été écarté,
à l’âge d’un an, par l’usurpateur Grimoald et enfoui, par l’évêque Dido de Poitiers,
dans un monastère inconnu d’Irlande.
Or, le maire Erchinoald ne tarda pas à suivre dans la tombe Clovis II, après une
administration à la sagesse de laquelle tous les contemporains rendent hommage.
Alors les leudes neustriens et bourgondes lui donnèrent pour successeur le comte
Ébroïn, homme de basse extraction, mais qui s’était élevé au premier rang par sa
bravoure, et dans lequel les seigneurs, si bien tenus en bride par la fermeté d’Erchi-
noald, crurent voir un instrument capable de satisfaire leur soif de pouvoir et de
richesse. Ils se trompaient. Une fois investi de l’autorité palatine, l’égoïste Ébroïn
ne songe plus qu’à sa propre fortune. Jamais tyran semblable n’a été vu parmi les
Franks. Il met en oubli les lois et l’équité. Il vend la justice au plus offrant. Sa rapa-
cité est insatiable, et il ne travaille qu’à amasser des trésors, n’importe par quels
moyens. II foule aux pieds les leudes et les évêques. En vain la mère du roi, la
pieuse Bathilde, qui n’a pas dépouillé, en montant les marches du trône, les vertus
qu’elle a pratiquées dans son humble condition de serve, s’efforce-t-elle de ramener
le despote à des sentiments plus humains. Ébroïn et ses complices l’enferment dans
le couvent de Chelles. Dès lors l’autorité que le maire s’arroge dans tout l’empire ne
connaît plus de bornes. Elle ne respecte pas même les hommes d’Église ; car il fait
mettre à mort dix évêques et un grand nombre de prêtres. En 670, après la mort de
Clotaire, il va jusqu’à élever de son propre chef, et sans l’avis d’aucun des leudes,
Théodéric III à la royauté en Neustrie et en Bourgogne. Mais la mesure est comble.
Les seigneurs comprennent qu’Ébroïn n’a porté ce prince au trône que pour mieux
consolider sa propre puissance. Aussi les voilà qui courent aux armes et saisissent
le nouveau roi, qu’ils confinent dans l’abbaye de Saint-Denis, et son maire qu’ils
font tondre dans le monastère de Luxeuil. En même temps ils proclament souverain
des trois royaumes Childéric II d’Ostrasie. Cependant trois années s’écoulent, et ce
prince, devenu odieux par sa faiblesse et par ses désordres, disparaît à son tour,
frappé à mort dans la forêt de Livri par les ducs Bodilo, Ingolbert et Amalbert. A
cette nouvelle, le maire Wulfoald s’enfuit en Ostrasie, fait tirer Dagobert II du mo-
nastère irlandais où ce prince avait passé dix-sept ans, et le présente aux leudes
ostrasiens, qui le reconnaissent pour leur roi. Dans ces entrefaites, Bodilo et son
compagnon ouvrent les portes de Saint-Denis et en font sortir Théodéric II, qu’ils in-
vestissent pour la seconde fois des royaumes de Neustrie et de Bourgogne à Nogent-
sur-Seine, en lui adjoignant, en qualité de maire palatin, Leudesius, fils d’Erchi-
noald. On semble pouvoir espérer quelque repos, quand on apprend tout à coup
qu’Ébroïn s’est échappé du monastère de Luxeuil et qu’il se dispose à ressaisir le pou-
voir. En effet, il se hâte de rassembler autour de lui ses serviteurs, ses anciens
complices et tout ce qu’il peut recruter d’hommes prêts à servir une cause quelcon-
que, pourvu qu’elle offre une chance de fortune. Avec ces forces, il se rend au Pont-
Sainte-Maxence sur l’Oise, où il surprend et massacre l’escorte de Théodéric. II court
ensuite à Baisiu, près de Corbie, où il s’empare du trésor royal. Puis il se met à la
poursuite de Leudesius, à qui il demande une entrevue et qu’il fait traîtreusement
mettre à mort dans cette conférence. Ce n’est pas tout. Renforcé des secours que lui