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Viollet-le-Duc, Eugène-Emmanuel
Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne a la renaissance (Band 1) — Paris, 1858

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https://doi.org/10.11588/diglit.1313#0428
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400 VIE PRIVÉE DÉ LA HAUTE BOURGEOISIE.

sous le rapport du goût et de l'exécution ; mais s'il s'agit de multi-
plier ces produits à l'infini, d'en exporter des milliers, ils seront la
plupart défectueux, négligés, incomplets. Ce malheureux défaut,
qui tient à notre caractère, nous a fermé des débouchés sur toute la
surface du globe ; tandis que nos voisins les Anglais, inférieurs à
nous sur bien des points, s'emparent des marchés par l'égalité de
leurs produits. L'organisation des jurandes et maîtrises apportait un
frein à cette déplorable habitude de fabriquer d'autant moins bien
qu'on fabrique davantage. Nous avons tous éprouvé que l'on ne peut
aujourd'hui prendre dans le commerce les objets qui demandent
une exécution régulière et soignée, et que si nous voulons, par
exemple, de bonnes serrures, il faut les faire faire exprès ; que si
nous avons un appartement à meubler, nous devons commander
chaque meuble et veiller à ce que son exécution soit irrépro-
chable.

L'amour irréfléchi pour le luxe qui s'est répandu dans toutes les
classes est venu encore augmenter chez nous cette disposition de
l'industrie mobilière à donner son attention à l'apparence, au
détriment du fond. Si bien que, pour aucun prix, l'on ne trouve,
dans les ateliers, un meuble simple , mais irréprochable comme
exécution ; s'il vous prend fantaisie d'en posséder un, il faut le faire
faire. Il est vrai qu'aujourd'hui un chef de famille change cinq ou six
fois son mobilier pendant le cours de sa vie, et qu'autrefois les
mêmes meubles servaient à deux ou trois générations. Les meubles
étaient de la famille, on les avait toujours vus, on s'y attachait,
comme il est naturel de s'attacher à tout objet témoin des événe-
ments de la vie et des occupations de chaque jour. Sans être très-
profond observateur, chacun peut reconnaître qu'il s'établit entre
les hommes et les objets qui les entourent, quand ces objets demeu-
rent constamment sous leurs mains, certains rapports harmonieux
qui, à notre avis, donnent aux habitations un caractère particulier,
comme une âme.

Tout s'enchaîne et se tient dans la vie des hommes ; il serait
illogique de demander aux familles du xixe siècle une perpétuité
dans leurs meubles qui n'existe plus dans les mœurs. Les familles se
dispersent aujourd'hui à chaque génération, après chaque décès, et
nous ne pouvons raisonnablement demander à un chef de famille de
meubler sa maison pour un temps illimité, puisque, lui mort, sa
maison sera démembrée. Mais telle est la force des traditions, malgré
les lois, malgré les mœurs, que nous voyons cependant chaque jour
des hommes graves oublier qu'ils sont, au xixe siècle, à l'auberge
 
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