366 REMARQUES DE L’ESSAI
Rien ne la révoltait plus que la puérilité de quelques
écrivains qui pensent orner Ces siècles de barbarie , et qui
donnent le portrait d’Agilulphe et de Grifon, comme s’ils
avaient Scipion et Céfar à peindre. Elle ne put souffrir
dans Daniel ces récits continuels de batailles , tandis qu’elle
cherchait l’histoire des états-généraux, des parlemens , des
lois municipales , de la chevalerie, de tous nos usages,
et sur-tout de la société autrefois sauvage , et aujourd’hui
civilisée. Elle cherchait dans Daniel l’hiftoire du grand
Henri IV, et elle y trouvait celle du jésuite Coton : elle
voyait dant cet écrivain le père de Louis attaqué d’une
maladie mortelle , ses courtisans lui proposant une jeune
fille comme une guérison infaillible, et ce prince mourant
martyr de sa chasteté. Ce conte tant de fois répété,
rapporté long - temps auparavant de tant de princes,
démenti par la médecine et par la raison, était gravé dans
Daniel au - devant de la vie de Louis VIII.
Elle ne pouvait comprendre comment un historien qui
a du sens pouvait dire , après tant d’autres mal inftruits ,
que les Mammelucs voulurent choifir en Egypte pour leur
roi Se Louis , prince chrétien leur ennemi , l’ennemi de
leur religion, leur prisonnier, qui ne connaissait ni leur
langue, ni leurs mœurs. On lui disait que ce fait est dans
Joinville ; mais il n’y est rapporté que comme un bruit
populaire , et elle ne pouvait savoir que nous n’avons pas
la véritable histoire de Joinville. (*)
La fable du vieux de la montagne qui dépéchait deux
dévots du mont Liban pour aller vite assassintr Sf Louis
dans Paris, et qui le lendemain sur le bruit de ses vertus
(*) On en a retrouvé depuis, en 1748 , un manuscrit qui , par Je
style et les caractères , paraît du fiécle de JoinviUe , il a été imprimé
à l'imprimerie royale.
Rien ne la révoltait plus que la puérilité de quelques
écrivains qui pensent orner Ces siècles de barbarie , et qui
donnent le portrait d’Agilulphe et de Grifon, comme s’ils
avaient Scipion et Céfar à peindre. Elle ne put souffrir
dans Daniel ces récits continuels de batailles , tandis qu’elle
cherchait l’histoire des états-généraux, des parlemens , des
lois municipales , de la chevalerie, de tous nos usages,
et sur-tout de la société autrefois sauvage , et aujourd’hui
civilisée. Elle cherchait dans Daniel l’hiftoire du grand
Henri IV, et elle y trouvait celle du jésuite Coton : elle
voyait dant cet écrivain le père de Louis attaqué d’une
maladie mortelle , ses courtisans lui proposant une jeune
fille comme une guérison infaillible, et ce prince mourant
martyr de sa chasteté. Ce conte tant de fois répété,
rapporté long - temps auparavant de tant de princes,
démenti par la médecine et par la raison, était gravé dans
Daniel au - devant de la vie de Louis VIII.
Elle ne pouvait comprendre comment un historien qui
a du sens pouvait dire , après tant d’autres mal inftruits ,
que les Mammelucs voulurent choifir en Egypte pour leur
roi Se Louis , prince chrétien leur ennemi , l’ennemi de
leur religion, leur prisonnier, qui ne connaissait ni leur
langue, ni leurs mœurs. On lui disait que ce fait est dans
Joinville ; mais il n’y est rapporté que comme un bruit
populaire , et elle ne pouvait savoir que nous n’avons pas
la véritable histoire de Joinville. (*)
La fable du vieux de la montagne qui dépéchait deux
dévots du mont Liban pour aller vite assassintr Sf Louis
dans Paris, et qui le lendemain sur le bruit de ses vertus
(*) On en a retrouvé depuis, en 1748 , un manuscrit qui , par Je
style et les caractères , paraît du fiécle de JoinviUe , il a été imprimé
à l'imprimerie royale.