Voltaire; Thurneysen, Johann Jakob [Oth.]; Haas, Wilhelm [Oth.]: Oeuvres Complètes De Voltaire (Tome Cinquante-Septieme = Recueil Des Lettres, Tome II): 1737-1741 (A Basle: De l'Imprimerie de Jean-Jaques Tourneisen, Avec des caractères de G. Haas, 1788) [VD18 90793404]

A Cirey, le ; avril-,

JVÏON cher ami , je vous remercie d’un des plus
grands plaisirs que j’aye goûtés depuis long-temps.
Je viens de lire des morceaux admirables dans une
tragédie pleine de génie , et où les ressources sont
aussi grandes que le sujet était ingrat. Mon cher
PoUion , ami des arts, qui vous connaissez si bien en
vers , qui en faites de si aimables , je vous adresse
mes sincères remercimens pour M. de la Noue. Si
vous trouviez que mes petites idées, vaïussent la
peine de paraître à la queue de sa pièce r je m’en
tiendrais honoré. Dites , je vous prie , à l’auteur
que je suis à jamais son partisan et son ami. Vous
savez, mon cher Cideville, si mon cœur est capable
de jalousie , si les arts ne me sont pas plus chers que
mes vers. Je ressens vivement les injures , mais je suis
encore plus sensible à tout ce qui est bon. Les gens
de lettres devraient être tous frères ; et ils ne sont
presque tous que des faux frères. J’espère de la pièce
de Linant. Elle n’est pas au point où je la voudrais ,
mais il y a des beautés. Elle peut être jouée , et il
en a besoin.
Adieu , mon très-cher ami. Madame du Châtelet
vous fait mille complimens ; vous lui êtes présent.
quoiqu’elle ne vous ait jamais vu. Adieu.