D E M. DE VOLTAIRE.
447
LETTRE C C X I.
A M. HELVETIUS.
A Bruxelles, ce 14 d’auguste.
JlXT. O N cher confrère en Apollon , j’ai reçu de vous--
une lettre charmante , qui me fait regretter plus que V4i.
jamais que les ordres de Plutus nous séparent, quand
ies Muses devraient nous rapprocher. Vous corrigez
donc vos ouvrages , vous prenez donc la lime de
Boileau pour polir des pensées à la Corneille. Voilà
l’unique façon d’être un grand-homme. Il est vrai
que vous pourriez vous palser de cette ambition.
Votre commerce est si aimable que vous n’avez pas
besoin de talens ; celui de plaire vaut bien celui d’être
admiré. Quelques beaux ouvrages que vous fassiez ,
vous serez toujours au-delsus d’eux par votre carac-
tère. C’est , pour le dire en palsant, un mérite que
n’avait pas ce Boileau dont je vous ai tant vanté le
style correct et exact. Il avait besoin d’être un grand
artiste pour être quelque chose. Il n’avait que ses
vers, et vous avez tous les charmes de la société. Je
suis très-aise qu’après avoir bien raboté en poésie, vous
vous jetiez dans les profondeurs de la métaphysique.
On se délasse d’un travail par un autre. Je sais bien
que de tels délalsemens fatigueraient un peu bien
des gens que je connais, mais vous ne serez jamais
comme bien des gens en aucun genre.
Permettez - moi d’embrasser votre aimable ami,
qui a remporté le prix de l’éloquence. Votre maison
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LETTRE C C X I.
A M. HELVETIUS.
A Bruxelles, ce 14 d’auguste.
JlXT. O N cher confrère en Apollon , j’ai reçu de vous--
une lettre charmante , qui me fait regretter plus que V4i.
jamais que les ordres de Plutus nous séparent, quand
ies Muses devraient nous rapprocher. Vous corrigez
donc vos ouvrages , vous prenez donc la lime de
Boileau pour polir des pensées à la Corneille. Voilà
l’unique façon d’être un grand-homme. Il est vrai
que vous pourriez vous palser de cette ambition.
Votre commerce est si aimable que vous n’avez pas
besoin de talens ; celui de plaire vaut bien celui d’être
admiré. Quelques beaux ouvrages que vous fassiez ,
vous serez toujours au-delsus d’eux par votre carac-
tère. C’est , pour le dire en palsant, un mérite que
n’avait pas ce Boileau dont je vous ai tant vanté le
style correct et exact. Il avait besoin d’être un grand
artiste pour être quelque chose. Il n’avait que ses
vers, et vous avez tous les charmes de la société. Je
suis très-aise qu’après avoir bien raboté en poésie, vous
vous jetiez dans les profondeurs de la métaphysique.
On se délasse d’un travail par un autre. Je sais bien
que de tels délalsemens fatigueraient un peu bien
des gens que je connais, mais vous ne serez jamais
comme bien des gens en aucun genre.
Permettez - moi d’embrasser votre aimable ami,
qui a remporté le prix de l’éloquence. Votre maison