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RECUEIL DES LETTRES
- pas allez d’une intrigue , il la faut intéresiante, il la
Ï“4I- faut tragique, il ne la faut pas compliquée; sans
quoi il n’y a plus de place pour les beaux vers, pour
les portraits, pour les sentimens , pour les pallions ;
auili ne peut-on retenir par cœur vingt vers de ce
cadet , qui est par-tout un homme médiocre en
poésie , aussi- bien que son cher neveu , d’ailleurs
homme d’un mérite très-étendu.
Il me tarde bien, mon cher confrère en Apollon,
de raisonner avec vous de notre art dont tout le
monde parle , que h peu de gens aiment , et que
moins d’adeptes encore savent connaître. Nous
sommes le petit nombre des élus , encore sommes-
nous dispersés. Il y a un jeune Helvétius qui a bien
du génie; il fait de temps en temps des vers admi-
rables. En parlant de Locke , par exemple , il dit :
D’un bras il abaissa l’orgueil du platonisme ,
De l'autre il rétrécit le champ du pyrrhonisme.
Je le prêche continuellement d’écarter les torrent
de fumée dont il offusque le beau feu qui l’anime. Il
peut, s’il veut, devenir un grand-homme. Il est déjà
quelque chose de mieux ; bon enfant, vertueux et
srmple. Embrasfez pour moi mon cher Cidcville à qui
j’écrirai bientôt. Adieu; aimez-moi et encouragez-
moi à n’abandonner les vers pour rien au monde.
Adieu , mon très - aimable ami.
RECUEIL DES LETTRES
- pas allez d’une intrigue , il la faut intéresiante, il la
Ï“4I- faut tragique, il ne la faut pas compliquée; sans
quoi il n’y a plus de place pour les beaux vers, pour
les portraits, pour les sentimens , pour les pallions ;
auili ne peut-on retenir par cœur vingt vers de ce
cadet , qui est par-tout un homme médiocre en
poésie , aussi- bien que son cher neveu , d’ailleurs
homme d’un mérite très-étendu.
Il me tarde bien, mon cher confrère en Apollon,
de raisonner avec vous de notre art dont tout le
monde parle , que h peu de gens aiment , et que
moins d’adeptes encore savent connaître. Nous
sommes le petit nombre des élus , encore sommes-
nous dispersés. Il y a un jeune Helvétius qui a bien
du génie; il fait de temps en temps des vers admi-
rables. En parlant de Locke , par exemple , il dit :
D’un bras il abaissa l’orgueil du platonisme ,
De l'autre il rétrécit le champ du pyrrhonisme.
Je le prêche continuellement d’écarter les torrent
de fumée dont il offusque le beau feu qui l’anime. Il
peut, s’il veut, devenir un grand-homme. Il est déjà
quelque chose de mieux ; bon enfant, vertueux et
srmple. Embrasfez pour moi mon cher Cidcville à qui
j’écrirai bientôt. Adieu; aimez-moi et encouragez-
moi à n’abandonner les vers pour rien au monde.
Adieu , mon très - aimable ami.