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dû vous remettre de ma part un A nti-Machiavel ;--
vous avez eu la Philosophie leibnitzienne de la main Q41*
de son aimable et illustre auteur. Si Leibnitz vivait
encore, il mourrait de joie de le voir ainsi expli-
qué, ou de honte de se voir surpasser en clarté,
en méthode et en élégance. Je suis en peu de choses
de l’avis de Leibnitz: je l’ai même abandonné sur
les forces vives; mais, après avoir lu presque tout
ce qu’on a fait en Allemagne sur la philosophie, je
n’ai rien vu qui approche à beaucoup près du livre
de madame du Châtelet. C’est une chose très-hono-
rable pour son sexe et pour la France. 11 est peut-être
aussi honorable pour l’amitié d’aimer tous les gens
qui ne sont pas de notre avis, et même de quitter,
pour son adversaire, un roi qui me comble de
bontés, et qui veut me fixer à sa cour par tout ce
qui peut ssatter le goût, l’intérêt et l’ambition. Vous
savez, mon cher ami, que je n’ai pas eu grand
mérite à cela, et qu’un tel sacrifice n’a pas dû me
coûter. Vous la connaissez; vous savez si on a jamais
joint à plus de lumières un cœur plus généreux,
plus consiant et plus courageux dans 1 amitié. Je
crois que vous me mépriseriez bien si j’étais resté à
Berlin. AJ. Greffit, qui probablement a des engage-
ments plus légers, rompra sans doute ses chaînes à
Paris, pour aller prendre celles d’un roi à qui on ne
peut préférer que madame du Chàselet. J’ai bien dit
à sa Majesté prussi'enne que Grejf'et lui plairait plus
que moi, mais que je n’étais jaloux ni comme
auteur ni comme courtisan. Sa roaison doit être
comme celle d’Horace * ,ejl locus unicuiq’ic siais. Pour
moi, il ne me manque à préfent que mon cher
Correfy. générale, Tome IJ. B b
dû vous remettre de ma part un A nti-Machiavel ;--
vous avez eu la Philosophie leibnitzienne de la main Q41*
de son aimable et illustre auteur. Si Leibnitz vivait
encore, il mourrait de joie de le voir ainsi expli-
qué, ou de honte de se voir surpasser en clarté,
en méthode et en élégance. Je suis en peu de choses
de l’avis de Leibnitz: je l’ai même abandonné sur
les forces vives; mais, après avoir lu presque tout
ce qu’on a fait en Allemagne sur la philosophie, je
n’ai rien vu qui approche à beaucoup près du livre
de madame du Châtelet. C’est une chose très-hono-
rable pour son sexe et pour la France. 11 est peut-être
aussi honorable pour l’amitié d’aimer tous les gens
qui ne sont pas de notre avis, et même de quitter,
pour son adversaire, un roi qui me comble de
bontés, et qui veut me fixer à sa cour par tout ce
qui peut ssatter le goût, l’intérêt et l’ambition. Vous
savez, mon cher ami, que je n’ai pas eu grand
mérite à cela, et qu’un tel sacrifice n’a pas dû me
coûter. Vous la connaissez; vous savez si on a jamais
joint à plus de lumières un cœur plus généreux,
plus consiant et plus courageux dans 1 amitié. Je
crois que vous me mépriseriez bien si j’étais resté à
Berlin. AJ. Greffit, qui probablement a des engage-
ments plus légers, rompra sans doute ses chaînes à
Paris, pour aller prendre celles d’un roi à qui on ne
peut préférer que madame du Chàselet. J’ai bien dit
à sa Majesté prussi'enne que Grejf'et lui plairait plus
que moi, mais que je n’étais jaloux ni comme
auteur ni comme courtisan. Sa roaison doit être
comme celle d’Horace * ,ejl locus unicuiq’ic siais. Pour
moi, il ne me manque à préfent que mon cher
Correfy. générale, Tome IJ. B b