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LE PALAIS DE CRISTAL.

Diorama, on eût ouvert une fenêtre d'où l'œil dé-
couvrait la belle et immense foliée de Sarnem,
en Suisse : puis, un instant après, sous le jeu d'un
appareil qui, en faisant tourner le public assis sur
des stalles, semblait l'emporter dans quelque voya-
ge fantastique, le visiteur du Diorama voyait s'ou-
vrir une porte ; et tout à coup une chapelle aux vi-
traux gothiques, dont la cloche tintait, invitait à la
prière: car ce n'était plus une toile, ce n'était
pas un tableau, c'était bien la chapelle d'Holij-
rood.

lîien ne peut rendre compte des émotions que
produisit, a Paris, cet étrange et splendide inven-
tion; en 1822, le génie de 51. Daguerre avait résolu
le premier le problème des illusions les plus saisis-
santes, eu surprenant tes secrets de la lumière.

Pendant quinze ans, l'artiste livrait au public le
spectacle le plus curieux. Toutes les combinaisons
de la lumière, depuis les aspects les plus sombres,
comme l'effet des voûtes intérieures de Saint-Etienne
du-Mont, jusqu'aux effets d'un éclat éblouissant,
comme la vue du Temple de Salomon, étaient réali-
sées. Depuis quinze ans, le public de Paris admirait
cette œuvre, véritable conquête de l'art sur la ma-
tière, lorsqu'un incendie dévora les belles produc-
tions du Diorama.

Mais Daguerre ne voulait pas être vaincu : si le
feu avait voulu se venger des audacieuses découver-
tes de ce Prométhée de la lumière, il ne put ar-
rêter l'essor de sa volonté, et la lumière devint
bientôt captive.- Daguerre forgea ses chaînes: le
Daguerréotype fut inventé.

La photographie est une de ces découvertes qui
prennent place parmi les merveilles les plus impré-
vues que l'esprit humain puisse accomplir ; et il est
glorieux pour notre siècle que l'on ait à enregis-
trer parmi les grands faits de l'humanité la décou-
verte des propriétés de la vapeur, et la photogra-
phie.

Léonard de Vinci, le grand peintre de la renais-
sance, avait posé la première base de cette merveil-
leuse découverte, en jetant les premiers fondements
de la théorie physique de la vision, et en trouvant le
principe de la chambre noire.

C'est, en effet, la chambre noire qui sert de point
de départ à la fixation de la lumière par le daguer-
réotype. Tout le monde sait ce que c'est que ce cu-
rieux appareil, au moyen duquel les rayons lumineux,
après avoir été réfléchis sur un miroir incliné et
placé à la partie supérieure d'une espèce de chemi-
née, traversant une. lentille convergente, viennent
peindre les images redressées des objets par le mi-
roir sur le papier du dessinateur.

Ce fut vers la lin du seizième siècle que Léonard
de Vinci découvrit cette propriété fort curieuse; et
un siècle plus tard un physicien napolitain, Porta,
perfeclionna ou plutôt appliqua ce que le grand
peintre de François 1er n'avait fait qu'indiquer.

Voici quelle fut l'origine de la photographie :

Lorsqu'on perce un petit trou dans le volet d'une
fenêtre, tous les objets extérieurs viennent se peindre
d'eux-mêmes sur le mur de la chambre qui lui fait
face, en conservant leurs rapports de grandeur et
de position, et même, leurs couleurs. On rend l'ex-
périence plus complète, si on place dans le trou du
volet un de ces verres bi-convexes que les physi-
ciens appellent une lentille.

Dans le premier cas, l'image n'est pas exemple
d'un peu de confusion, et, dans le second cas, au
contraire, elle acquiert une netteté admirable.

C'est à Porta que l'on doit l'idée d'avoir appliqué
la lentille à ce nouvel usage.

Or, il existe une substance dont les propriétés
sont très-curieuses : c'est le chlorure d'argent.
Les alchimistes l'appelaient lune corme. C'est une
poudre blanche qui se forme lorsqu'on verse une
dissolution de sel marin dans une dissolution de ni-
trate d'argent. Au moment où il vient d'être préparé,
le chlorure est blanc, mais il ne conserve sa blan-
eheurque dans l'obscurité. Si on l'expose à la lumière,
il noircit et cela d'autant plus vite, que la lumière a
plus d'intensité. Il résulte de cette propriété que si
on couvre une feuille de papier d'une couche de chlo-
rure d'argent, et qu'on l'expose au foyer d'une
chambre noire, elle reproduit, dans ses moindres dé-
tails, l'image qui tombe à sa surface, les parties
vivement éclairées de l'image étant accusées par des
noirs puissants, et les demi-teintes par des gris plus
ou moins foncés. Ces deux actions : la formation de
l'image par la chambre noire et l'impression de cette

image au moyen du chlorure d'argent, résument
toute la science de la photographie (I).

La pensée qui résulta de cette propriété du chlo-
rure de fixer les objets tracés par la lentille de la
chambre noire frappa l'esprit d'un physicien fran-
çais, chargé d'un cours dans les salles du Louvre,
il y a cinquante ans. M. Charles produisit des sil-
houetles au moyen de la lumière par ce procédé.

Wedgwood, en Angleterre, et sirHumphrey Davy
l'avaient aussi appliqué-, mais toutes ces tentatives
étaient timides, incomplètes; et la véritable étude
des facultés du chlorure d'argent ne commença que
vers l'année 1827, lors des essais presque simul-
tanés de il. Daguerre et d'un ancien officier re-
traité à Cliàlon, M. Niepce, qui s'occupait de sciences
avec succès.

Déjà même, en 1826, ce dernier s'était mis en
rapport avec la Société Royale de Londres et avait
adressé un mémoire de ses travaux de photogra-
phie.

Pendant le même temps, Daguerre travaillait de son
côté ; et sans le savoir, ces deux artistes suivaient à
peu près sur les mêmes données une découverte qui
devait les unir pour la même gloire. Un opticien de
Paris, ami de il. Niepce, vint faire part à Daguerre
des travaux de celui-là; et une correspondance s'é-
tablit entre les deux chercheurs.

En décembre 1829, un traité fut conclu entre
eux, et il. Niepce communiqua à M. Daguerre tous
les faits relatifs à ses procédés photographiques.

Les inconvénients de ces procédés frappèrent
l'esprit de son associé. Voici comment M. Arago les
détermine :

« Après une multitude d'essais infructueux,
M. Niepce avait, à peu près, renoncé à reproduire
les images de la chambre obscure ; c'est que les pré-
parations dont il faisait usage ne noircissaient pas
assez vite sous l'action lumineuse; c'est qu'il lui
fallait dix à douze heures pour engendrer un dessin;
c'est que, pendant de si longs intervalles de temps,
les ombres portées se déplaçaient beaucoup; c'est
qu'elles passaient de la gauche à la droite des objets;
c'est que ce mouvement, partout où il s'opérait,
donnait naissance à des teintes plates, uniformes;
c'est que, dans les produits d'une méthode aussi
défectueuse, tous les effets résultant des contrastes
d'ombre et de lumière étaient perdus; c'est que,
malgré ces immenses inconvénients, on n'était pas
même toujours sur de réussir; c'est qu'après des
précautionsinlinies, des causes insaisissables, fortui-
tes, faisaient qu'on avait tantôt un résultat passable,
tantôt une image incomplète, ou qui laissait çà et là
de larges lacunes; c'est, enfin, qu'exposés aux
rayons solaires, les enduits sur lesquels les images
se dessinaient, s'ils ne noircissaient pas, se divi-
saient, se séparaient par petites écailles. »

Tous ces inconvénients furent vaincus au moyen
des procédés employés par Daguerre.

On ne peut se faire une idée de la stupéfaction
avec laquelle le monde savant accueillit la merveil-
leuse découverte de cet artiste. On se rappelle avec
quelle ardeur on se rendait, en 1839, au Palais-
d'Orsay, qui, à cette époque, était en construction.
Là, dans une salle immense, où l'on avait fait l'obs-
curité, nous voyons encore M. Daguerre expliquant,
devant un auditoire nombreux de femmes élégantes,
de savants accourus de tous les points du globe, de
littérateurs et d'artistes, les procédés qu'il employait,
et, en quelques secondes, livrant à notre admira-
tion des plaques argentées, sur lesquelles venait se
produire, devant nous, sous nos yeux, à l'instant
même où il parlait, le pont Royal, les bains Vigier,
les Tuileries et quelques voitures qui stationnaient,
dont l'image avait pu être saisie, dans ce travail
spontané et si vif de l'action de la lumière, sur la
lentille de son merveilleux instrument, auquel tout
le monde donna, par acclamation, le nom de Da-
guerréotype.

L'Etat se préoccupa de cette découverte. Une pen-
sion de 6,000 francs fut allouée à Daguerre, une de
4,000 à M. Niepce fils, et dans son rapport, M. Arago
ne tarit pas d'élogessur ce fait considérable qui de-
vait donner aux arts un moyen si puissant, si dé-
cisif de propagation.

A ce propos, le savant accadémicien faisait res-
sortir aux yeux des membres de la Chambre des dé-
putés, les immenses services qu'eût rendus en 1798,
à la commission de l'Egypte, les procédés du Da -
guerréotype, et il traitait, comme il suit, cette

(1) Voir l'excellent ouvrage de M. Blanquart-Ëvrart,
de Lille, publié par Lerebours.

question ainsi que celle de savoir quel lien existe
entre cette découverte et les arts :

« Pour copier les millions et millions de hiérogly-
phes qui couvrent, même à l'extérieur, les grands
monuments de Thèbes,de Memphis, de Karnak, etc.,
il faudrait des vingtaines d'années et des légions de
dessinateurs. Avec le Daguerréotype, un seul homme
pourrait mener à bonne fin cet immense travail.
Munissez (Institut d'Egypte de deux ou trois appa-
reils de M. Daguerre, et sur plusieurs des grandes
planches de l'ouvrage célèbre, frnit de notre im-
mortelle expédition, de vastes étendues de hiéro-
glyphes réels iront remplacer des hiéroglyphes fic-
tifs ou de pure convention; et les dessins surpasse-
ront partout en fidélité, en couleur locale, les œu-
vres des plus habiles peintres; et les images photo-
graphiques étant soumises dans leur formation aux
règles de la géométrie, permettront, à l'aide d'un
petit nombre de données, de remonter aux dimen-
sions exactes des parties les plus élevées, les plus
inaccessibles des édifices.

« Ces souvenirs où les savants, où les artistes, si
zélés et si célèbres attachés à l'armée d'Orient, ne
pourraient, sans se méprendre étrangement, trouver
l'ombre d'un blâme, reporteront sans doute les
pensées vers les travaux qui s'exécutent aujourd'hui
dans notre pays, sous le contrôle de la Commission
des monuments historiques. D'un coup d'œil, cha-
cun apercevra alors l'immense rôle que les procédés
photographiques sont destinés à jouer dans aette
grande entreprise nationale; chacun comprendra
aussi que les nouveaux procédés se distingueront
par l'économie, genre de mérite qui, pour le dire en
passant, marche rarement dans les arts avec la per-
fection des produits :

« Se demande-t-on, enfin, si l'art, envisagé en
lui-même, doit attendre quelques progrès de l'exa-
men, de l'étude de ces images dessinées par ce que
la nature otfre de plus subtil, de plus délié : par des
rayons lumineux ? M. Paul Delaroche va nous ré-
pondre.

« Dans une note rédigée à notre prière, ce pein-
célèbre déclare que les procédés de M. Daguerre :
« portent si loin la perfection de certaines condi-
« tions essentielles de l'art, qu'ils deviendront pour
« les peintres, même les plus habiles, un sujet d'ob-
« servations et d'études. » Ce qui le frappe dans les
dessins photographiques, c'est que le fini, d'un «pré-
« deux inimaginable, ne trouble en rien la tran-
« quillité des niasses, ne nuit en aucune manière à
« l'effet général. » « La correction des lignes, dit
« ailleurs M. Delaroche, la précision des formes est
« aussi complète que possible dans les dessins de
« M. Daguerre, et l'on y reconnaît en même temps
« un modèle large, énergique et un ensemble aussi
« riche de ton que d'effet... Le peintre trouvera dans
« ce procédé un moyen prompt de faire des collec-
« tions d'études qu'il ne pourrait obtenir autrement
« qu'avec beaucoup de temps, de peine et d'une ma-
« nière bien moins parfaite, quel que fût d'ailleurs son
« talent. » Après avoir combattu par d'exellents argu-
ments les opinions de ceux qui se sont imaginé que
la photographie nuirait à nos artistes et surtout à
nos habiles graveurs, M. Delaroche termine sa note
par cette réflexion : « En résumé, l'admirable décou-
« verte de M. Daguerre est un immense service ren-
« du aux arts. »

Cependant la science de la photographie n'avait
pas dit encore son dernier mot.

On regrettait que lemiroitage des plaques daguer-
riennes, vînt contrarier l'effet de ses procédés : des
tentatives furent faites et l'on parvint à l'atténuer;
ce fut à une découverte de M. Fizeau que l'on dût
les résultats les plus satisfaisants.

Mais là ne dût pas s'arrêter la découverte de Da-
guerre.

En 1834, un physicien anglais poursuivait déjà la
réalisation des procédés photographiques en les ap-
pliquant au papier; et non-seulement, M. Talbot
obtenait une reproduction fidèle de la chambre noire,
mais il multipliait indéfiniment la première épreuve,
et se servait de celle-ci comme d'une véritable plan-
che gravée.

Nous ne pouvons ici donner de détails sur les dif-
férents agents employés par M. Talbot, afin d'obte-
nir raison de ses images inverses ou négatives
et de ses images directes et positives : c'est là une
partie de théorie photographique que l'on ne peut
traiter que spécialement et très-longuement.

Nous ne dirons qu'un mot : c'est que la méthode
du physicien anglais parut très-compliquée ; seule-
 
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