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MATEJKO W PARYŻU

drait sans doute pour fonder sa réputa-
tion de trois peintres de genre. Le
jeune homme (il doit être jeune) qui,
dans l’école de Cracovie, loin des
exemples et des encouragements qui
abondent ici, trouve le temps et le
moyen de construire un tableau de
cette importance, est digne de toutes
nos sympathies. Il ose énormément, et
il sait déjà beaucoup : il ira bien, j’ose
le prédire.
Pourvu qu’il ne prenne pas cette
première étape pour le but ! C’est quel-
que chose assurément que de mettre sur
pied une vaste composition, de grouper
vingt figures, de dessiner tant de types
et de costumes ; mais ce n’est pas tout.
La première loi du genre historique, tel
que Paul Delaroche l’a popularisé chez
nous, est de représenter une action dra-
matique, claire et connue. Le livret
nous apprend que M. Matejko a peint le
prêre Skarga (inconnu dans l’Europe
occidentale), prêchant à Cracovie
devant une assemblée de personnages
considérables, mais presque tous
oubliés aujourd’hui. Pour tous ceux qui
n’ont pas le douloureux honneur d’ap-
partenir à la nation polonaise, la plupart
de ces noms sont des hiéroglyphes, et
le sujet du tableau ressemble à
l’énigme d’un sphinx. Quel homme
était ce prêtre Skarga ? Sur quel texte
prêche-t-il avec tant de véhémence ?
Pourquoi tel auditeur est-il ému tandis
qu’un autre s’endort au sermon ? Le
premier mérite du maître, c’est à dire

de Paul Delaroche, est la clarté. Vous
entrez de plain-pied dans son sujet,
sans explication ni commentaire,
comme un spectateur arrivé tard au
théâtre comprend d’un seul coup d’oeil
le cinquième acte de Polyeucte'. J’ai
revu plusieurs fois le tableau de M.
Matejko, et j’en suis encore à me
demander quelle action ou quelle idée
il représente. On viendrait pendant la
nuit enlever tous les personnages, y
compris l’orateur, et les remplacer par
d’autres figures, que je ne serais nulle-
ment désappointé demain matin. Or, le
sujet n’est pas matière indifférente
dans un tableau de cette école. Rubens
ou Michel-Ange, Raphaël ou Titien, le
Corrège ou Watteau, commandant
l’admiration par les qualités intrin-
sèques de l’art, on s’inquiète peu de ce
qu’ils ont voulu dire ; le langage est si
beau que la forme emporte le fond.
Pour transporter la comparaison sur le
terrain de la littérature, une période de
Bossuet peut forcer l’admiration des
esprits les plus sceptiques ; une strophe
de lord Byron peut ravir un croyant,
abstraction faite des idées qu’elle
exprime. Mais prenez au hasard une
phrase dans un roman de Walter Scott,
un trait dans un tableau de Paul
Delaroche, vous n’aurez rien ou peu de
chose. Dans cet art moyen (je n’ai pas
dit médiocre) la forme a besoin d’être
soutenue par le fond.
3 Comeille’a.

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