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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 1)

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NOTRE BIBLIOTHÈQUE.

69

Dans ces temps si mouvementés, où la guerre sévissait presque
sans relâche, où les dissidences religieuses étaient la question
brûlante dans la nouvelle république dos Provinces-Unies, la
politique et les événements du jour occupaient tous les esprits.
Et tandis que des pamphlets sans nombre paraissaient, tandis que
les relations de batailles et de conclusions de paix en feuilles
volantes suppléaient au manque de journaux réguliers, on ne se
contentait ni de pamphlets ni de descriptions. On voulait voir les
min des chefs de parti, des pasteurs que l'on estimait ou qu'es- i
timait le parti contraire, voir les portraits des généraux et des 1
hommes d'État ou des magistrats qui donnaient leur appui aux
partis religieux. Et cela, non-seulement les collectionneurs amou-
reux de l'art exquis qui se manifestait dans plusieurs de ces
estampes, mais le négociant, le bourgeois qui, n'ayant pas de
portefeuille, en tapissait les parois de ses vastes chambres. •

C'est ainsi que, si l'on parcourt l'œuvre de la plupart des
graveurs de l'époque, les portraits y sont en majorité; chez
Goltzius, chez Muller, chez les Van de Pas, par exemple; et si
l'on examine l'œuvre de Willem Jacobszoon Delff, on reconnaît
que les portraits en constituent la presque totalité.

M. Franken entre dans les détails biographiques les plus
minutieux et en même temps les plus attachants au sujet de
l'excellent graveur, dont la famille avait pris pour nom celui de
sa ville natale.

La contrefaçon des livres et des gravures publiés dans les
Provinces-Unies s'exerçait sur une vaste échelle. Delff s'adressa
aux États-Généraux pour faire respecter sa propriété artistique;
le 22 juillet 1622, ils lui accordèrent un privilège, portant défense
de copier les portraits gravés par lui, de les vendre ou d'en im-
porter sous peine d'une amende de six cents florins carolus. De
son côté, l'artiste était tenu de présenter aux Etats chaque planche
qu'il terminait; cette clause, loin de lui être onéreuse, lui valut
de nombreuses commandes des Etats-Généraux M. Franken
s'écrie à bon droit : t II est vraiment intéressant de voir de quelle
manière les autorités dans les Pays-Bas, depuis les Etats-Géné-
raux jusqu'aux Conseils d'Amirauté et municipaux, favorisaient
l'art durant le xvii" siècle, tant en offrant aux fonction-
naires et ambassadeurs, pour services rendus , des tableaux et
objets d'art, qu'en aidant à la publication de livres, d'estampes. »
Nobles récompenses que celles-là, et qu'on ne saurait trop dési-
rer voir revivre! — L'écrivain néerlandais continue avec amer-
tume : « C'est surtout intéressant, quand on voit le Gouvernement
actuel déclarer que favoriser l'art n'est pas dans ses attribu-
tions. »

Delff était le gendre de Miereveld, et il fut le graveur en titre
de son beau-père. Personne n'a mieux rendu Miereveld, « comme
Suyderhoeff a, mieux que personne, traduit la touche de Frans
Hais ..

M. Franken juge très-sagement, et avec infiniment d'impar-
tialité, l'artiste dont il décrit l'œuvre : « Dire que Delff a été un
graveur de beaucoup de talent n'implique pas que toutes ses
planches sont d'un mérite égal. On lui a reproché de ne pas assez
centraliser la lumière dans ses portraits, et il y a dans son œuvre
des pièces que l'on pourrait dire traitées d'un burin froid et mo-
notone. Mais d'autres, et c'est la majorité, sont dignes de tout
éloge. »

Le Catalogue raisonné comprend cent quatre pièces, puis
viennent les Pièces douteuses, au nombre de sept; enfin M. Fran-
ken indique dix pièces mentionnées par Ch. Le Blanc dans son
Manuel de l'amateur d'Estampes, sous les n"8 4, 6, 7 , 24, 25 ,
27, 31 , 44, 47 et 49 , et qu'il déclare, quant à lui, n'avoir
« vues nulle part. «

N'oublions pas de signaler l'excellente liste chronologique
des planches, qui précède le Catalogue, et pour laquelle l'auteur
a fait reproduire les diverses signatures de Delff.

Adolphe Lefebvrl.

IX.

LES FEMMES D'ARTISTES (1" série) par Alphonse Daudet,
avec une eau-forte de A. GUI. Un volume in-18 de 177 pages.
1874 : Paris, Alphonse Lemerre, éditeur, 27 et 29, passage
Choiseul.

« Je conviens qu'en général le mariage est une chose excel-
lente et que la plupart des hommes ne commencent à compter que
lorsque la famille les complète ou les agrandit. Souvent même
c'est une exigence de profession. Un notaire garçon ne s'imagine
pas. Ça n'aurait pas l'air posé, étoffé... Mais pour nous tous,
peintres, poètes, sculpteurs, musiciens, qui vivons en dehors de
la vie, occupés seulement à l'étudier, à la reproduire, en nous
tenant toujours un peu loin d'elle, comme on se recule d'un
tableau pour mieux le voir, je dis que le mariage ne peut être
qu'une exception. A cet être nerveux, exigeant, impressionnable,
à cet homme-enfant qu'on appelle un artiste, il faut un type de
femme spécial, presque introuvable, et le plus sûr est encore de
ne pas la chercher. »

Ce couplet du prologue de M. Daudet, — ouverture dialo-
guée, duo concertant entre peintre et poète, une des plus jolies
pages de cette partitionnette littéraire, — semble faire pressentir
une série de variations sur un thème paradoxal, celui du chevalier
Carnioli dans la Dalila d'Octave Feuillet. Si piquant que soit le
motif, il ne serait peut-être pas bien difficile de le retourner
contre ce mari de peu de foi, enthousiaste et stupéfait de son
propre bonheur, sceptique dès qu'il s'agit de ses confrères. On
pourrait essayer de le développer en sens inverse, et de conclure,
à peu près en ces termes, à la condamnation du célibat artistique :

1 Je conviens que la femme de l'artiste ne se trouve point
dans le pas d'un cheval, mais le malheur est que les artistes en
général et ceux de M. Daudet en particulier ne la cherchent guère
ou la cherchent mal. Ils prennent leur compagne à l'étourdie ou se
la laissent imposer par toute sorte de circonstances qu'ils déplorent
quand il est trop tard, au lieu de les combattre en temps oppor-
tun. Ils cèdent à un caprice de l'esprit, à un entraînement des
sens; ils se grisent d'apparences, alors que leur métier, puisqu'ils
étudient la vie, est de saisir la réalité des caractères. Ils font par-
fois une affaire, rarement un choix. Supposez un notaire épousant
Corinne. Sera-t-il heureux ? Pas plus que sa femme, probablement.
Qu'est-ce que cela prouve? que le mariage n'est pas le fait du
notaire, et qu'il fera mieux de ne plus s'occuper que du mariage
de ses clients? Non, mais que ce notaire a mal choisi. Ainsi d'un
trop grand nombre d'artistes, qui n'en seraient pas moins malheu-
reux peut-être s'ils restaient garçons, et même beaucoup plus. Pas
de femme, c'est fort bien, mais en bon français cela veut dire les
femmes, ce qui est bien pis. 1

Mais l'intérêt du petit livre de M. Daudet n'est pas là. Le
prologue pique la curiosité des amateurs de plaidoieries, des
décavés de la loterie conjugale et des aspirants au baccalauréat
matrimonial. Le livre ne fera pas retirer une promesse de mariage.
C'est une collection de tableaux de genre, on pourrait presque
dire une galerie de portraits, car ces scènes de la vie d'artiste
ont tout l'air d'avoir été prises sur nature. Il en est qui n'ont que
des rapports éloignés avec la théorie esquissée dans le prologue.
Le « Fragment d'une lettre de femme trouvée rue Notre-Dame-des-
Champs • est même tout à fait engageant. Toutes sont croquées
d'une main légère, d'un crayon fin et précis, qui mêle habilement
la fantaisie au réalisme et la manière rose à la manière noire.

Une vignette symbolique de Gill sert de frontispice à ce
volume coquettement édité par Alphonse Lemerre. Une petite
dame, légèrement vêtue de la taille aux genoux, et perchée sur
une branche d'arbre, fait la chasse aux papillons. Une de ses
victimes gît à ses pieds, une épingle à travers le corps. Aussi
longtemps que les papillons se laisseront chasser et épingler de la
sorte, au lieu de faire eux-mêmes la chasse, on aura bien raison
de les dissuader du mariage. Et encore, mariés ou non, s'ils sont
 
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