UN COUP D'ŒIL SUR L'ART ITALIEN MODERNE. 291
impossible de s'y tromper. Du reste, c'est bien la même touche que celle dont nous avons admiré la
force et la justesse sur le tableau appartenant à l'École de dessin et de mathématiques. Cette sûreté
de main est une des raisons qui nous font attribuer cette page à Louis-Michel Vanloo et non à Carie,
dont la peinture plus finie « d'une touche trop douce et trop uniforme », comme le dit Diderot, est
loin d'avoir cette ampleur de facture. C'était surtout dans le portrait qu'excellait Louis-Michel
Vanloo. L'allégorie convenait peu à son tempérament. En 1761, il expose le portrait du roi; au
Salon de 1765, le portrait de Carie, son oncle. Nous ne pouvons résister au plaisir de citer ce que dit
Diderot de ce tableau. — « Michel Vanloo : Le plus remarquable de ses portraits au Salon était celui de
Carie, son oncle. Il était placé sur la face la plus éclairée. On voyait au-dessus la Suzanne, l'Auguste et
les Grâces; de chaque cûté, trois de ses'esquisses ; au-dessus, les anges qui semblaient porter au ciel
saint Crégoire et le peintre; plus bas, à quelque distance, la Vestale et les Arts suppliants. C'était un
mausolée que Chardin avait élevé à son confrère. Carie, en robe de chambre, en bonnet d'atelier, le
corps de profil, la tète de face, sortait du milieu de ses propres ouvrages. On dit qu'il ressemblait à
étonner. Sa veuve ne put le regarder sans verser des larmes. La touche en est vigoureuse. Il est peint
de grande manière, cependant un peu rouge. En général Michel fait les portraits d'hommes largement,
et les dessine bien. Pour ceux des femmes, c'est antre chose; il est lourd, il est sans finesse de ton, il
vise à la craie de Drouais. Michel est un peu froid; Drouais est tout à fait faux. Quand on tourne les
yeux sur,toutes ces figures mornes qui tapissent le Salon, on s'écrie : La Tour! La Tour, ubi es? » Au
Salon de 1767, Louis Michel essaya du genre allégorique et ne réussit que médiocrement. Ses deux
tableaux de la Peinture et de la Sculpture, comme' le constate la critique, étaient encore du portrait.
On ne saurait trop citer les contemporains, surtout lorsque ces contemporains ont nom Diderot. Nous
emprunterons donc au célèbre critique ce portrait de Louis-Michel Vanloo tracé en deux lignes :
« Il a du dessin, de la couleur, de la sagesse et de la vérité. Il est excellent pour les grands tableaux
de famille. 11 fait les étoffes à merveille, et il y a de bons portraits de lui. »
// est excellent pour les grands tableaux de famille. La gravure que nous donnons permet de se faire
une idée de sa manière large et spirituelle. La fille de Carie Vanloo est d'une prétention charmante :
les jeunes gens qui sont au second plan se groupent d'une façon délicieuse avec Christine Sommis,
leur mère, qui occupe le fond du tableau. Vanloo a su tirer un grand parti de leur air curieux. Il
leur a donné une physionomie naturelle et spirituelle à la fois qui, tout en conservant la ressem-
blance nécessaire dans un portrait, rompt la monotonie qui est tant à redouter dans ces sortes
d'ouvrages. Quant au portrait de Carie Vanloo, il n'y a qu'à admirer. L'attitude, l'expression de
bonhomie empreinte sur le visage, qui résument heureusement Vanloo homme et artiste, font com-
prendre l'éloge de Diderot. Malgré nos recherches sur l'authenticité du tableau appartenant à l'École
de dessin et de mathématiques, nous n'avons pu trouver aucun document qui nous permit d'appuyer
notre dire sur des preuves historiques, et nous sommes forcé de nous en rapporter à notre impression
personnelle.
?. Rioux-Maillou
UN COUP D'ŒIL
SUR
L'ART ITALIEN MODERNE
Il y a quarante ans, l'Académie régnait en tyran de notre art. Celui-ci était par conséquent froid
et conventionnel dans les sujets et dans l'exécution, exact et correct très-souvent dans le dessin, mais
rarement vrai dans le coloris. Les sujets étaient ou grecs ou romains, ou pastoraux ou arcadiques;
depuis les types jusqu'aux draperies, tout était fait d'après certaines règles.
Personne ne se hasardait à introduire une nouveauté quelconque, personne n'osait s'appliquer
à une libre étude de la nature, personne parmi les artiste: n'aurait songé à illustrer la vie réelle
impossible de s'y tromper. Du reste, c'est bien la même touche que celle dont nous avons admiré la
force et la justesse sur le tableau appartenant à l'École de dessin et de mathématiques. Cette sûreté
de main est une des raisons qui nous font attribuer cette page à Louis-Michel Vanloo et non à Carie,
dont la peinture plus finie « d'une touche trop douce et trop uniforme », comme le dit Diderot, est
loin d'avoir cette ampleur de facture. C'était surtout dans le portrait qu'excellait Louis-Michel
Vanloo. L'allégorie convenait peu à son tempérament. En 1761, il expose le portrait du roi; au
Salon de 1765, le portrait de Carie, son oncle. Nous ne pouvons résister au plaisir de citer ce que dit
Diderot de ce tableau. — « Michel Vanloo : Le plus remarquable de ses portraits au Salon était celui de
Carie, son oncle. Il était placé sur la face la plus éclairée. On voyait au-dessus la Suzanne, l'Auguste et
les Grâces; de chaque cûté, trois de ses'esquisses ; au-dessus, les anges qui semblaient porter au ciel
saint Crégoire et le peintre; plus bas, à quelque distance, la Vestale et les Arts suppliants. C'était un
mausolée que Chardin avait élevé à son confrère. Carie, en robe de chambre, en bonnet d'atelier, le
corps de profil, la tète de face, sortait du milieu de ses propres ouvrages. On dit qu'il ressemblait à
étonner. Sa veuve ne put le regarder sans verser des larmes. La touche en est vigoureuse. Il est peint
de grande manière, cependant un peu rouge. En général Michel fait les portraits d'hommes largement,
et les dessine bien. Pour ceux des femmes, c'est antre chose; il est lourd, il est sans finesse de ton, il
vise à la craie de Drouais. Michel est un peu froid; Drouais est tout à fait faux. Quand on tourne les
yeux sur,toutes ces figures mornes qui tapissent le Salon, on s'écrie : La Tour! La Tour, ubi es? » Au
Salon de 1767, Louis Michel essaya du genre allégorique et ne réussit que médiocrement. Ses deux
tableaux de la Peinture et de la Sculpture, comme' le constate la critique, étaient encore du portrait.
On ne saurait trop citer les contemporains, surtout lorsque ces contemporains ont nom Diderot. Nous
emprunterons donc au célèbre critique ce portrait de Louis-Michel Vanloo tracé en deux lignes :
« Il a du dessin, de la couleur, de la sagesse et de la vérité. Il est excellent pour les grands tableaux
de famille. 11 fait les étoffes à merveille, et il y a de bons portraits de lui. »
// est excellent pour les grands tableaux de famille. La gravure que nous donnons permet de se faire
une idée de sa manière large et spirituelle. La fille de Carie Vanloo est d'une prétention charmante :
les jeunes gens qui sont au second plan se groupent d'une façon délicieuse avec Christine Sommis,
leur mère, qui occupe le fond du tableau. Vanloo a su tirer un grand parti de leur air curieux. Il
leur a donné une physionomie naturelle et spirituelle à la fois qui, tout en conservant la ressem-
blance nécessaire dans un portrait, rompt la monotonie qui est tant à redouter dans ces sortes
d'ouvrages. Quant au portrait de Carie Vanloo, il n'y a qu'à admirer. L'attitude, l'expression de
bonhomie empreinte sur le visage, qui résument heureusement Vanloo homme et artiste, font com-
prendre l'éloge de Diderot. Malgré nos recherches sur l'authenticité du tableau appartenant à l'École
de dessin et de mathématiques, nous n'avons pu trouver aucun document qui nous permit d'appuyer
notre dire sur des preuves historiques, et nous sommes forcé de nous en rapporter à notre impression
personnelle.
?. Rioux-Maillou
UN COUP D'ŒIL
SUR
L'ART ITALIEN MODERNE
Il y a quarante ans, l'Académie régnait en tyran de notre art. Celui-ci était par conséquent froid
et conventionnel dans les sujets et dans l'exécution, exact et correct très-souvent dans le dessin, mais
rarement vrai dans le coloris. Les sujets étaient ou grecs ou romains, ou pastoraux ou arcadiques;
depuis les types jusqu'aux draperies, tout était fait d'après certaines règles.
Personne ne se hasardait à introduire une nouveauté quelconque, personne n'osait s'appliquer
à une libre étude de la nature, personne parmi les artiste: n'aurait songé à illustrer la vie réelle