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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 1)

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Yriarte, Charles: J.-F. Millet
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https://doi.org/10.11588/diglit.16670#0175

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mais l'exécution le tourmentait. 11 lui arrivait parfois de fixer à la plume sur le canevas ces grandes
silhouettes, qu'on aurait cru plus lâchées et moins arrêtées sous la peinture ; puis, une fois ces lignes
bien fixées et l'assiette irrévocablement établie, il préparait le tableau dans son ensemble, ce qui
est à coup sûr le meilleur moyen d'arriver à l'harmonie. C'est ainsi que certaines œuvres qu'il a
laissées inachevées, ainsi que des dessins commencés, semblent d'abord terminés, tout en restant
d'une gamme au-dessous de leur valeur définitive. Millet avait un idéal de rendu qu'il n'a jamais
atteint, il voulait exprimer l'épidémie des choses, le tissu, le grain, la toison, le bois, la terre, la
matière textile de la plante ; et passant des objets tangibles à l'éther, aux vapeurs, aux miasmes
même, il prétendait exprimer encore les brouillards légers, l'air bridant du Midi, le scintillement de
ces vibrantes effluves qui, s'échappant de la terre pendant les embrasements de l'été, s'interposent
entre nos yeux et le foyer du jour. Il est certain que le procédé de Millet est insaisissable, et l'homme
du métier qui s'arrête devant ses toiles n'en parvient pas toujours à comprendre le mode d'exécution;
on peut dire que la touche n'existe plus.

Cette recherche constante eut d'ailleurs ses dangers ; l'artiste est arrivé parfois à une surdité de
ton, une neutralité d'effet, une tristesse d'aspect qui font regretter, même dans ses meilleures
toiles, certaines notes sonores qu'il a jetées au début de sa carrière, et qu'on retrouve, par exemple,
dans le premier Semeur. De plus, quand il a cherché la justesse absolue du geste, qu'il trouvait
parfois avec un rare bonheur, — comme dans le mouvement du vieillard aveugle dans le Tobie, —
ou le côté épique de la ligne; s'il ne touchait point absolument le but, il arrivait à la pauvreté et à
l'insuffisance. Comme tous les hommes d'un caractère très-tranché et d'un génie original, il ne se
trompait point à demi, et, le geste manqué, le charme de l'exécution, l'harmonie des tons et la sonorité
de la note n'étaient pas là pour racheter le vice originel de la composition, comme cela arrivait chez
Delacroix, par exemple.

Quelques-uns de ceux qui ont personnellement connu l'artiste diront si nous nous trompons,
mais nos souvenirs ne nous indiquent pas plus de quatre-vingt toiles signées du nom de Millet, et de
sa manière définitive. Il ne produisait guère plus de trois œuvres par année, mais il faut porter à
son avoir une énorme quantité de dessins et de pastels, tout aussi importants que l'œuvre peint, et
qui, disons-le hardiment, sont peut-être plus maître au vrai sens du mot.

J'ai dit que Millet n'avait pas d'histoire et qu'il fallait le chercher dans son œuvre; mais à
défaut de faits mouvementés, d'épisodes curieux, d'anecdotes vives et de péripéties étranges, il faut
constater que, dans ce cerveau d'un peintre qui était un penseur, s'agitèrent à une certaine époque
bien des idées tumultueuses.

Ce fut vers 1863 qu'il voulut élargir son champ d'action; passant de la peinture anecdotique
de la vie des champs aux grandes actions générales, il voulait exprimer des idées d'une portée plus
haute. Le public ne le suivit point dans cette voie. 11 donna le Tobie où, ayant reproduit un épisode
de la vie de famille, on lui prêta des idées beaucoup plus ambitieuses que celles qu'il avait eues; il
peignit le Bûcheron et la Mort, et cette toile ne fut pas comprise, ou du moins, malgré de hauts
suffrages, le sujet en soi ne fut point accepté. Decamps avait été cependant très-frappé du parti
que Millet avait tiré de ce squelette bien drapé, d'un beau geste, et qui, tout en saisissant sa proie,
dérobait au public son horrible face.

L'artiste revint alors aux sujets plus humbles, et, dans la sphère où il se renferma, il alla aussi
loin qu'il le put par la ligne et par l'intensité de l'expression. Il eut, vers la même époque, l'occasion
de donner sa mesure dans un genre qui ne lui était point habituel. Un amateur intelligent, auquel
il fallut alors un certain courage pour persister dans sa résolution, lui offrit line décoration de salle
à manger qui se composait de trois panneaux, avec figures grandes comme nature, et d'un plafond
central. C'était flatter le penchant secret de l'artiste. Millet, à ses heures, rêvait de faire de la
grande peinture; on sait maintenant que la direction des Heaux-Arts, qui aime à remonter les courants
— ce dont il faut lui faire un mérite — l'avait jugé capable de grands efforts dans le sens décoratif.
Millet avait été désigné pour orner l'une des murailles de Sainte-Geneviève.

La salle à manger de M. S... est curieuse et intéressante, l'artiste a donné là une note
nouvelle, sinon dans les panneaux, au moins dans le plafond; nous ne croyons pas cependant,
 
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