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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 1)

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Sarcey, Francisque: De la mise en scène, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16670#0219

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DE LA MISE EN SCÈNE. 201

moment on n'y avait fait nulle attention. On ne voit point que Molière, Corneille, Racine s'en
soient préoccupés. Leurs pièces, une fois mises au jour, étaient jouées n'importe où, dans des granges,
devant quatre chandelles fichées en terre ; les situations n'en étaient pas moins émouvantes, ni les
vers moins beaux. Cette indifférence des auteurs dramatiques dura bien plus longtemps qu'on ne
croit généralement et presque jusqu'à nos jours.

Ce n'est pas assurément que beaucoup d'écrivains n'eussent cherché, bien avant notre génération,
des stimulants à l'émotion ou à la curiosité dans le choix de certains détails de mise en scène. Tout
le monde sait, par exemple, le soin de Beaumarchais à régler les habillements de ses personnages,
à varier les spectacles qui se succèdent dans le Mariage de Figaro. Et plus tard, quand l'école
romantique prit possession du théâtre, qui ne sait l'attention qu'elle porta sur cette partie de l'art?
Les drames de Victor Hugo sont pleins de détails sur la façon dont les acteurs doivent être costumés,
dont les décors doivent être entendus, dont le cérémonial des scènes à effet doit être disposé.

.Mais ce n'étaient là pour eux que des curiosités d'archéologie dramatique. Ils satisfaisaient un
je ne sais quel goût de bric-à-brac historique, auquel ils accordaient sans doute plus d'importance
qu'il n'en mérite, mais qui ne les détournait point de porter tout l'effort de leur pensée sur le drame
en lui-même. Ils n'étaient point des réalistes au vrai sens du mot, ou plutôt ce mot leur eût fait
horreur. Réalistes! réalisme! ces termes n'étaient pas inventés; ils n'auraient répondu à rien de ce
que l'on connaissait alors.

C'est de notre temps seulement que l'on s'avisa de cette révolution. L'art dramatique avait été
jusqu'à ce moment un ensemble de conventions au moyen desquelles on traduisait sur le théâtre les
faits de la vie ordinaire et les sentiments de l'âme humaine. On ne s'était pas imaginé que l'on
put transporter sur la scène la réalité vivante, de supprimer toutes les conventions théâtrales sur
lesquelles on avait toujours vécu.

Je crois, sans en être bien sûr, que la Dame aux Camélias fut le premier pas éclatant fait dans
cette voie. Ce fut au moins elle qui donna le branle, qui formula, en quelque sorte, des aspirations
encore vagues dans la littérature et dans le public. On ne songea plus qu'à voir sur la scène des
hommes qui parlaient comme on parle, qui marchaient comme on marche, qui mouraient comme on
meurt. Et, par une association d'idées fort naturelle, on fut amené à donner à ces êtres, détachés de
la vie de tous les jours, le cadre exact dans lequel ils se meuvent quotidiennement.
La mise en scène prit alors une importance extraordinaire.

C'est qu'il y a peu d'hommes capables de juger si un sentiment est vrai, si une action est bien
de l'ordre habituel de la nature; niais il n'y a personne qui ne soit frappé très-aisément d'un détail
de mise en scène faussé. Un exemple entre mille :

« Ah! grand Dieu! s'écrie une petite paysanne, transportée de son village dans un salon du
faubourg Saint-Germain, que c'est donc beau ici! je n'ose marcher sur ces tapis! »

Il ne faut pas être un grand clerc pour s'apercevoir si le plancher du théâtre est ou n'est point
recouvert d'un tapis. Nos pères, eux, n'eussent fait nulle attention à ce détail. Ils eussent vu, des
veux de l'imagination, ce tapis étendu sur le sapin de la scène. Mais une fois cette opinion admise,
que la pièce se meut dans un milieu réel, tous les spectateurs, les moins instruits comme les plus
délicats, sont choqués de ce défaut de mise en scène et tout leur plaisir est gâté.

Ils tiennent à l'exactitude de ces menues circonstances et ils l'imposent aux auteurs qui ne
demandent pas mieux. Ce n'est pas chose aisée de présenter l'analyse fidèle d'un sentiment vrai;
mais quoi de plus simple et de plus facile que d'écrire : riche mobilier, tentures de velours rouge
aux fenêtres, fauteuils Louis XVI à droite, etc., etc. Il ne faut, pour être inventif en ce genre, que
connaître un excellent tapissier et disposer d'une grosse somme. Vous vous rappelez ce brave
Guillaume de la farce de Maître Pathelin, qui avait inventé une couleur magnifique pour étoffe avec
l'aide de son teinturier; j'imaginerais, moi aussi, d'admirables décors, en collaboration avec tm
marchand de bric-à-brac intelligent.

Je me souviens que, lorsqu'on reprit au Gymnase, il y a quelques années, la Dame aux Camélias,
la toile s'étant levée au cinquième acte sur la chambre à coucher de Marguerite, un des familiers de
la maison se pencha vers moi et d'un ton d'enthousiasme sincère :

Tomj; I. 25
 
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