7S
L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE
3 Septembre 1876.
le crh:rj fantastique
Jamais l'inventeur du cri-cri, autrement dit tam-
bour japonais, ne saura à quel point il est maudit
parla famille de mon ami Balthazar.
Maudit, oui, et il y a de quoi.
.1 ugez-en.
XX
Balthazar, honnête commerçant de la rue des Lom-
bards, a l'habitude de faire, tous les dimanches, son
petit tour de fêtes suburbaines. Depuis quelques se-
maines, il avait les nerfs horriblement crispés par
les cri-cris, qui le poursuivaient partout, depuis le
boulevard jusqu'à Asnières (et"retour), sur l'impé-
riale des wagons, à la gare, partout, partout! Baltha-
zar en perdait la tète; le lundi il se trompait dans
ses additions; le mardi, il envoyait des bonnets de
coton à un client qui attendait une douzaine de
paires de chaussettes; le mercredi, il disait à sa
femme, qui avait cassé une assiette : Joséphine, je
vous fiche vos huit jours! le jeudi, il prenait la taille
de sa bonne! Et ainsi de suite, tout le long, le long
de cette diable de semaine parisienne, si intermina-
ble pour le petit boutiquier! Enfin n'y tenant plus,
dimanche dernier, Balthazar eut une idée lumi-
neuse.
— Je m'expatrierai! s'écria-t-il en nouant sa cra-
vate. Plus de cri-cri! Il n'en faut plus, ou je deviens
enragé !
XX
Et Balthazar prit le train pourune station sérieuse,
c'est-à-dire il gagna un pays suffisamment éloigné
de Paris pour ne plus entendre l'instrument de sa
torture.
Le voilà donc libre, en plein soleil, devant un ho-
rizon superbe. Il part de son pied léger, sans but,
au hasard. Il a chaud, mais il est heureux; il trans-
pire, mais il respire! Un champ de luzerne étage de-
vant lui ses splendeurs verdoyantes. Il s'y engage
jusqu'au genou. Tout à coup, un cri-cri, deux cri-cris,
trois, quatre, mille cri-cris se font entendre, de vrais,
d'indiscutables, d'authentiques cri-cris... Balthazar
est pris de vertige. Il court, ils'enfuit ventre à-herbe;
mais les cri-cris impitoyables le reconduisent jusqu'à
la station; là Balthazar eut un instant de repos. Il
voulut en profiter pour envoyer une dépèche à sa
femme, afin de la prévenir de son retour. Il entra
au bureau du télégraphe, rédigea sa missive et...
Tac ! tac ! tac !
• Nouveau cri-cri, intermittent, celui-ci, mais non
moins abrutissant que les autres. C'était le bruit de
l'appareil télégraphique. Balthazar prit ses jambes
à son cou, sauta dans le train qui partait, et arriva
à Paris sans avoir desserré les dents.
' z., xx
L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE
3 Septembre 1876.
le crh:rj fantastique
Jamais l'inventeur du cri-cri, autrement dit tam-
bour japonais, ne saura à quel point il est maudit
parla famille de mon ami Balthazar.
Maudit, oui, et il y a de quoi.
.1 ugez-en.
XX
Balthazar, honnête commerçant de la rue des Lom-
bards, a l'habitude de faire, tous les dimanches, son
petit tour de fêtes suburbaines. Depuis quelques se-
maines, il avait les nerfs horriblement crispés par
les cri-cris, qui le poursuivaient partout, depuis le
boulevard jusqu'à Asnières (et"retour), sur l'impé-
riale des wagons, à la gare, partout, partout! Baltha-
zar en perdait la tète; le lundi il se trompait dans
ses additions; le mardi, il envoyait des bonnets de
coton à un client qui attendait une douzaine de
paires de chaussettes; le mercredi, il disait à sa
femme, qui avait cassé une assiette : Joséphine, je
vous fiche vos huit jours! le jeudi, il prenait la taille
de sa bonne! Et ainsi de suite, tout le long, le long
de cette diable de semaine parisienne, si intermina-
ble pour le petit boutiquier! Enfin n'y tenant plus,
dimanche dernier, Balthazar eut une idée lumi-
neuse.
— Je m'expatrierai! s'écria-t-il en nouant sa cra-
vate. Plus de cri-cri! Il n'en faut plus, ou je deviens
enragé !
XX
Et Balthazar prit le train pourune station sérieuse,
c'est-à-dire il gagna un pays suffisamment éloigné
de Paris pour ne plus entendre l'instrument de sa
torture.
Le voilà donc libre, en plein soleil, devant un ho-
rizon superbe. Il part de son pied léger, sans but,
au hasard. Il a chaud, mais il est heureux; il trans-
pire, mais il respire! Un champ de luzerne étage de-
vant lui ses splendeurs verdoyantes. Il s'y engage
jusqu'au genou. Tout à coup, un cri-cri, deux cri-cris,
trois, quatre, mille cri-cris se font entendre, de vrais,
d'indiscutables, d'authentiques cri-cris... Balthazar
est pris de vertige. Il court, ils'enfuit ventre à-herbe;
mais les cri-cris impitoyables le reconduisent jusqu'à
la station; là Balthazar eut un instant de repos. Il
voulut en profiter pour envoyer une dépèche à sa
femme, afin de la prévenir de son retour. Il entra
au bureau du télégraphe, rédigea sa missive et...
Tac ! tac ! tac !
• Nouveau cri-cri, intermittent, celui-ci, mais non
moins abrutissant que les autres. C'était le bruit de
l'appareil télégraphique. Balthazar prit ses jambes
à son cou, sauta dans le train qui partait, et arriva
à Paris sans avoir desserré les dents.
' z., xx
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Les bains froids
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
S 25 / T 6
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré, 9.1876, S. 27_078
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg