ï" Année. — N' 144.
PRIX : 5 CENTIMES
Charleville, le 11 Février 1916.
Gazette des Ardennes
JOURNAL DES PAYS OCCUPÉS PARAISSANT TROIS FOIS PAR SEMAINE
On s'abonne dans tous les bureaux de poste
LES RAPATRIÉS EN FRANCE
La presse gouvernementale française, dont le prin-
cipal souci consiste a fomenter par tous les moyens la
haine aveugle de l'Allemagne, précieuse auxiliaire de
la politique officielle et de ses funestes illusions, cette
presse ne pouvait laisser passer, sans en profiter à sa
façon, l'occasion unique que vient de leur offrir le
retour en France des évacués civils des territoires occu-
pés. L'eût-elle fait, que ses lecteurs l'en seraient forcé-
ment étonnés. Car voilà un an et demi qu'on leur
bourre l'imagination de descriptions terrifiantes des
atrocités, soi-disant commises par les a barbare! » sur
la pauvre population des départements envahis. Us
n'eussent donc pas compris, les lecteurs ainsi « ren-
seignés », qu'on ne leur offrît pas le récit tout frais de
quelque victime échappée à l'enfer de l'occupation
u boche ».
De cet « enfer », l'imagination farouche d'un
Clemenceau n'a-t-elle pas traoé (dans 1" « Homme En-
chaîné » N" A5i), le tableau dont voici les grandes
lignes :
« L'immonde Boche installé chez soi, dont lu seule
présence est une souillure pour les yeux. Ses brutalités,
moins odieuses que ses grâces. Ses violences de sau-
vage, quand il croit à l'impunité. L'implacable loi de
la brute, agrémentée d'un jargon de teutonnerie. Le
foyer méthodiquement mis au pillage, l'argent volé,
les faiblesses violentées parmi lts rauques chansons de
la barbarie.... Des railleries sous le talon de fer, ou
l'ignoble attendrissement dea lourdes ivresses traver-
sées du souvenir des créatures qui leur servent, là bas,
de femme» et d'enfants. (C'est des femmes et des en-
fants allemands que parle en ces termes un homme
d'Etat français. — La Réd.) Que de joies autour de la
chère table lointaine, à l'arrivée des caisses de pillage,
un peu macuiéee de taches rouges, mais d'un com-
merce profitable. ... Me. »
Ces visions issue* ue sa propre exaspération, le
\i Tigre » eut bien aimé en obtenir confirmation de
ceux qui ■ savent », de ceux qui « ont vu ». 11 s'eat
adressé a cet effet, à des évacués.
Nous ignorons ce qu'ils lui répondirent Lui au-
raient-ils ditj par hasard, la même chose qu'écrivait,
dans l'article « Allemands et Français », publié au der-
nier numéro de la « Gazette », un Français clairvoyant
et intègre ? Lui auraient-ils cnnfîtW nu ■
.i dans tes département* Jd rencontre,
maintenant, beaucoup de Français qui ont changé
d'opinion, du tout au tout, sur les « Boches », le* « tttes
carrées «, le* « mangeurs de. choucroute », les n Bar-
bares », qu'il* appellent courtoisement les « Alle-
mands ».... Les Français et les Françaises des dépar-
tements investis savent, d'expérience, que les Alle-
mands ne se conduisent pas en soudards, en brutes, en
barbare*.... qu'ii* m font pas violence aux hommes,
respectent les femmes, aiment beaucoup les enfants .. .
gué daJts tts villages, où il n'y a plu* de docteurs, ce
sont les médecins-majors allentands qui assurent le ser-
vice de santé, qui soignent tes malades, les femmes et
les enfant- de ctux qui %orJ à la guerre, etc.... »
Jusqu à quel point les rapatrié* questionnés par
M. Clemenceau ont-ils confirmé ce témoignage spon-
tané d'un de leurs compatriotes P Nous l'ignorons.
Mais leurs récit* ont évidemment désillusionné le
» Tigre » courroucé. Et voilà de quelle façon il défigure
et couvre de sa bave rageuse la constatation du simple
fait que les soldats allemands ne sont pas ce qu'il croit
et ce qu'il redit Bans cesse à ses crédules lecteurs :
u Même, j'apprends des pays envahis que, pour
tâcher de faire oublier l'inoubliable, le » Landstarm »
boche se fait bonhomme, joue avec les petits enfants,
affecte une déférence de chevalerie humanitaire envers
ce qui a survécu aux dévergondages de 6a bestialité.
L'un de nos rapatriés a reçu ce message : « Dites donc
à vos Français que nous ne sommes pas si méchants. »
Pour un peu, l'immonde bête s'offrirait à nous salir de
son amitié. Bas les pattes l » (« Hommr Enchaîné >i
du a3 décembre. 1
Il est bon que la population du territoire occupé
lise ces lignes. Il est bon qu'elle apprenne que les poli-
ticiens de Paris ont le principe d'injurier a tout prix
l'adversaire, jusque dans ses actes les plus humains
et les plus respectables.
Et c'est héla*, dans ce même esprit que sont rédigés,
sinon tous, du moins une série d'articles de journaux
qui nous apportent J'echo du retour en France dea
derniers rapatriés du territoire occupé. Nous avons
sous les veux plusieurs de ces documents fantaisistes,
mais nous ne saurions les reproduire tous. Nous nous
contenterons donc de citer les principaux passages d'un
article paru dans le « Progrès de Lyon » du i3 jan-
vier igi6 :
Cinq cent* Rapatriés arrivent u Chainbcry
Chambéry, 12 janvier.
Nous avons pu causer avec plusieurs de ces réfugié», la
plupart du département des Ardennes. Parmi eux, 160 en-
viron ont été ohligvM do partir ; les autres sont venus de
leur plein gré, pour quitter le joug leuton. Ils appartiennent,
en majorité, a la classe moyenne : commerçants, employés,
petite rentiers, et, contrairement a ceux que nous avons vus
le* premiers jour» de la guerre, ils avaient avec eux une
aaacz grande quantité de linge.
Le moral purmt ces braves gens est resté excellent,
malgré tous les moyens employé* par les Bocliei pour les
démoraliser. Le seul journal imprimé en français dont on
trtru^ cAÀAIA^UV /vVl^VL<^At ^Wrttf> OrSAJL TrtrW/ fauMArt/W^ ci - A- 0 m£" .
j\fôvVi 1£^lMt<rwj iwt^vvtWl flU 'vit. J^ca/ato™* ^ojm, jtlut tow^ovu
-tu.- tvW £sV« tyafl Sl m. jJtaùrtfblt. àjJ> QMâMWAdj- cfu*, AWlÀ WrUed/j
avec £to &aZ\X<wÙ!> (SL jacfit ^ 'jvfîtcu^w AÙasJia A<ua* ^Uq^aa, cU,
âaa. i <>*/jmaa. àjùy^X ce £ou crUAA^iOA^Ctrn, . vU, t/rt ^cfWY^aZt/ -wwxyt/
OfMs vtaa^ vt)yvOiMrtAM^- 4m. ^trwwt, «antt ifove/> cyuvi Offwt cA%jn/i.
leur permettait la lecture, la l Gazette des Ardennes t,
rédigé par des Allemands, leur faisait connaître cfeiaqtM jour
de graves défaites françaises. On leur disait que la France
était en révolution et que le peuple réclumuil la paix *
grands cris. Les grande» nouvelles politique» leur étaient,
en général, cachées. Cependant, 1a u Gazette » annonça
l'entrée en lice de l'Italie par un article rageur contre no»
alliés.
Ouvrons ici une parenthèse pour demander au
« Progrès » qu'il précise un peu « les grandes nou-
velles » qui furent cachées aux lecteurs de la « Gazette ».
De la part de la preesc française, qui ne publie même
pas les communiqués officiels de l'adversaire, pareil
reproche fait sourire. Et quand donc avons-nous dit
que la « Fiance est en révolution » ? Quant ù l'article
irès cûime que nous publiâmes lorsque l'Italie entra en
guerre (« La Fiance et l'Italie», au N* &a de la «Go-f
zeffe »), nos lecteurs qui s'en souviennent avoueront
que nos conclusions prudentes d'alors bc trouvent non
seulement pleinement confirmées, mais même sensible-
ment dépassées par les faits I Après ces simples consta-
tations, rendons la parole au « l'rogrès », qui continue
ainsi son article ;
La oommanderll veillait étroitement à ce que les nou-
velles n'arrivent pas par d'autre» sources que par ledit jour-
nal. Mais la vérité tiltruit tout de mêjni et les encourageait.
Lorsqu'il y eut un raid d'avions alliés sur Charleville, plu-
sieurs habitants qui s'upprocliereut, espérant avoir quelques
proclamations lancées par les aviateury, lurent tués par les
soldat* qui avaient des ordres sévères et formels à cet égard.
Mais de tout cela la « Gazette » n'a pas parlé.
Les Allemands, demandons-nous, ont-ils réellement com-
mis toutes le» horreurs dont on les accuse }
— Au déhut de l'envahissement, oui ; ils se montrèrent
brutaux et commirent toutes sortes do crimes. Mai» à pré-
sent ils se sont bien apaUés. Les chefs sont simplement durs,
très durs, comme avec leurs soldats. Ils ne volent plu», car
il n'y a plus rien a prendre. Toutes les maisons ont éti
dévalisées ; il» ont tout expédié en Allemagne. Les meubles
qui restaient leur ont scivi pour bc construire des abris ou
pour se chauffa dans les usines. Il» ont détruit toutes les
machines, simplement pour en arracher ie cuivie dont ils
ont le plus grand besoin. Malheur à celui qui proteste. »
La discipline, pour les civil», est très sévère. Notre Inter-
locuteur nous montre un vieillard qui fut condamne u six
mois de prison pour s'être rendu à son jardin sans une
autorisation écrite de la coiriiuaiidrrfc.
Au sujet de» vivres, les réfugié» »ont unanimes à dire
qu'une grande amélioration leur fut apportée, grâce au
ravitaillement américain. Mais avant celle organisation la
vie était abominablement chère. Les œufs valaient plus de
sept francs la douzaine.... u
Nous avons leno ù mettre sous les yeux de nos lec-
teurs cet article, afin qu'ils se rendent compte de la
façon dont leurs compatriotes de France sont rensei-
gnés. La précision de certaines affirmations rendant
possible leur réfutation, les autorités militaires alle-
mandes ont prié les autorités civiles françaises de la
région en question de rétablir simplement la vérité.
Voici la lettre qu'ont reçue, à cet effet, les autorités
municipales de Charleville, Mézièies et Mohon ;
CharUville, le 29 janvier 1DJ6.
Messieurs,
Sous le titre icCinq conta Rapatrié* arrivent à Cham-
béry » le ii Progrès de Lyon » publie, dans une lettre
datée 12 f, lit, la passages suivants ;
i) JVou* avons pu causer avec plusieurs de ces réfu-
giés, la plupart du département des Ardennes. Parmi
eux i50 environ ont été obligés de partir.
a) Lorsqu'if y eut un raid d'avions alliés sur
Charleville, plusieurs habtianfs qui s'approchèrent,
espérant avoir quelques proclamations lancées pac les
aviateurs, furent tués par les soldais qui avaient des
ordres sévères et formels à cet égard,. Mais de tout celat
la « Gazette » n'a pas parlé.
3) Les Allemands se montrèrent bruiaux et com-
mirent toutes sortes de crimes. Ils ne volent plus, car
il n'y a plus rien à prendre. Toutes les maisons ont été
dévalisées.
i) Notre interlocuteur nous montre un uieillard
qui fut condamné à six mois de prison pour s'êtr*
rendu à son jardin sans une autorisation écrite de ta
Kommandantur.
5) Avant le ravitaillement américain, les aeu/i
valaient plu* de sept francs la douzaine.
Puisque la phrase sous 2) fait supposer que les
événements se rapportent à CharlevîUe et environs,
vous êtes priés de rectifier les cinq points marquis,
c^dessus d'une façon strictement conforme à la pure
vérité et selon votre conscience, en ajoutant votrt
remarque à chaque phrase.
Agréez, Messieurs, l'assurance de ma parfaite estime^
'(signée).
Cette lettre a reçu les trois réponses suivantes :
VILLE DE CHARLEVILLE
(aivdsnnes)
Le 29 janvier 1916.
Monsieur le Commandant,
Aux questions que vous posez par votre lettre dt
ce jour, nous répondons :
i' Question : les rapatriés de la ville de CharlevilU
sont partis volontairement. Le nombre des demandes
a dépasse très sensiblement le nombre des places dis-
ponibles.
aj II n'y a pas eu de raids d'avions sur Charleville,
sauf, en fin avril où un avion a lancé quelques bomba
qui n'ont occasionné que des dégâts insignifiants.
Aucun habitant n'a été tué par les soldat* allemands.
Le fait rapporté est donc inexact.
3) Il n'y a pas eu à notre connaissance de maisons
pillées à Charleville. Il y a eu des déplacements de
mobiliers et des réquisitions.
/i) Nous ne pouvons dire si le fait est exact, nous
n'en avons pas eu connaissance.
o) Le ravitaillement américain n'a pas infuencé sur,
le prix des œufs, car il n'en a pas importé. Ce prix est
monté à fr. Q.UO ces temps derniers.
Veuifiez agréer, Monsieur le Commandant, /'assu-
rance de notre parfaite considéra (ion.
Le Président de la Commission municipale,
(Signature.)
VILLE DE MÉZIÉflES
Le 29 janvier i9t€.
Monsieur le Commandant,
1. — Le rapatriement de décembre 49i5 a eu lieu
à la suite d'un auis publié dans « La Gazette d>>s Ar-
dennes ».
Les demandes d'inscription ont été reçues )>ar les
Mairies et la liste des personnes à rapatrier a été arrê-
tée par l'autorité allemande au vu des inscriptions.
2. — <4ucun coup de feu n'a été tiré sur la popu-,
lation lors du raid d'avions alliés sur Charleville^
Mézièrcs.
3. — Aucun crime n'a été commis àkfézières parles
soldais allemands qui n'ont jamais brutalisé la popu-
lation.
4- — Le Maire n'a jamais eu connaissance de ce fait
particulier.
5. — Le ravitaillement américain ne paraît pas
avoir eu d'influence sur le cours des œufs qui n'ont
/nméifl atteints le prix ci-contre.
Le Maire de Mézières,
(Signature.)
• Le 29 janvier 1916.
VILLE DE MOHON
Le Maire de la ville de Mohon
A l'honneur de faire réponse ci-dessous ans ques-
tions contenues dans la lettre, communiquée :
1. — Les émigrés de Mohon sont tous partis volon-
tairement.
2. — Nous n'avons pas connaissanse que le raid
d'avions qui a eu lieu sur Charleville ait fait des victi-
mes, nous n'avons entendu parler que de dégâts maté-
riels insignifiants. Mous n'avons aucune connaissance
non plus que les soldats allemands ont commis des
brutalités vis-à-vis des habitants ni ont fait des victimes^
, 3. — Concernant Mohon, aucune plainte ne nous
est revenue ayant trait aux faits dont il est question.
4. — A'ous n'avons aucune connaissance à Mohon,
de la prétendue condamnation.
5. — ^uan( le ravitaillement américain, les ceufs
étaient même beaucoup meilleur marshé qu'actuelle-
ment, ils valaient environ 0 fr. 15 pièce.
Le Maire de Mohon, Conseiller général,
(Signature.)
Les originaux des documents que nous reprodui-
sons ci-dessus restent entre les mains de* autorités alle-
mandes. Ne voulant pas exposer, sans défense possible^
les respectables citoyens français, qui ont signé, en
dme et conscience, ces rectifications, à Ut rancune dç
leurs compatriotes journalistes, nous avons supprimtj
leurs noms, bien qu'ils ne nous aient paj demandé
cette discrétion.
La population des territoires occupée n'a d'ailleurf
pas besoin de cette mise au point pour savoir.ee que
valent les articles de journaux du genre de celui qu*
nous citona plus haut. Quant aux Français de France*,
PRIX : 5 CENTIMES
Charleville, le 11 Février 1916.
Gazette des Ardennes
JOURNAL DES PAYS OCCUPÉS PARAISSANT TROIS FOIS PAR SEMAINE
On s'abonne dans tous les bureaux de poste
LES RAPATRIÉS EN FRANCE
La presse gouvernementale française, dont le prin-
cipal souci consiste a fomenter par tous les moyens la
haine aveugle de l'Allemagne, précieuse auxiliaire de
la politique officielle et de ses funestes illusions, cette
presse ne pouvait laisser passer, sans en profiter à sa
façon, l'occasion unique que vient de leur offrir le
retour en France des évacués civils des territoires occu-
pés. L'eût-elle fait, que ses lecteurs l'en seraient forcé-
ment étonnés. Car voilà un an et demi qu'on leur
bourre l'imagination de descriptions terrifiantes des
atrocités, soi-disant commises par les a barbare! » sur
la pauvre population des départements envahis. Us
n'eussent donc pas compris, les lecteurs ainsi « ren-
seignés », qu'on ne leur offrît pas le récit tout frais de
quelque victime échappée à l'enfer de l'occupation
u boche ».
De cet « enfer », l'imagination farouche d'un
Clemenceau n'a-t-elle pas traoé (dans 1" « Homme En-
chaîné » N" A5i), le tableau dont voici les grandes
lignes :
« L'immonde Boche installé chez soi, dont lu seule
présence est une souillure pour les yeux. Ses brutalités,
moins odieuses que ses grâces. Ses violences de sau-
vage, quand il croit à l'impunité. L'implacable loi de
la brute, agrémentée d'un jargon de teutonnerie. Le
foyer méthodiquement mis au pillage, l'argent volé,
les faiblesses violentées parmi lts rauques chansons de
la barbarie.... Des railleries sous le talon de fer, ou
l'ignoble attendrissement dea lourdes ivresses traver-
sées du souvenir des créatures qui leur servent, là bas,
de femme» et d'enfants. (C'est des femmes et des en-
fants allemands que parle en ces termes un homme
d'Etat français. — La Réd.) Que de joies autour de la
chère table lointaine, à l'arrivée des caisses de pillage,
un peu macuiéee de taches rouges, mais d'un com-
merce profitable. ... Me. »
Ces visions issue* ue sa propre exaspération, le
\i Tigre » eut bien aimé en obtenir confirmation de
ceux qui ■ savent », de ceux qui « ont vu ». 11 s'eat
adressé a cet effet, à des évacués.
Nous ignorons ce qu'ils lui répondirent Lui au-
raient-ils ditj par hasard, la même chose qu'écrivait,
dans l'article « Allemands et Français », publié au der-
nier numéro de la « Gazette », un Français clairvoyant
et intègre ? Lui auraient-ils cnnfîtW nu ■
.i dans tes département* Jd rencontre,
maintenant, beaucoup de Français qui ont changé
d'opinion, du tout au tout, sur les « Boches », le* « tttes
carrées «, le* « mangeurs de. choucroute », les n Bar-
bares », qu'il* appellent courtoisement les « Alle-
mands ».... Les Français et les Françaises des dépar-
tements investis savent, d'expérience, que les Alle-
mands ne se conduisent pas en soudards, en brutes, en
barbare*.... qu'ii* m font pas violence aux hommes,
respectent les femmes, aiment beaucoup les enfants .. .
gué daJts tts villages, où il n'y a plu* de docteurs, ce
sont les médecins-majors allentands qui assurent le ser-
vice de santé, qui soignent tes malades, les femmes et
les enfant- de ctux qui %orJ à la guerre, etc.... »
Jusqu à quel point les rapatrié* questionnés par
M. Clemenceau ont-ils confirmé ce témoignage spon-
tané d'un de leurs compatriotes P Nous l'ignorons.
Mais leurs récit* ont évidemment désillusionné le
» Tigre » courroucé. Et voilà de quelle façon il défigure
et couvre de sa bave rageuse la constatation du simple
fait que les soldats allemands ne sont pas ce qu'il croit
et ce qu'il redit Bans cesse à ses crédules lecteurs :
u Même, j'apprends des pays envahis que, pour
tâcher de faire oublier l'inoubliable, le » Landstarm »
boche se fait bonhomme, joue avec les petits enfants,
affecte une déférence de chevalerie humanitaire envers
ce qui a survécu aux dévergondages de 6a bestialité.
L'un de nos rapatriés a reçu ce message : « Dites donc
à vos Français que nous ne sommes pas si méchants. »
Pour un peu, l'immonde bête s'offrirait à nous salir de
son amitié. Bas les pattes l » (« Hommr Enchaîné >i
du a3 décembre. 1
Il est bon que la population du territoire occupé
lise ces lignes. Il est bon qu'elle apprenne que les poli-
ticiens de Paris ont le principe d'injurier a tout prix
l'adversaire, jusque dans ses actes les plus humains
et les plus respectables.
Et c'est héla*, dans ce même esprit que sont rédigés,
sinon tous, du moins une série d'articles de journaux
qui nous apportent J'echo du retour en France dea
derniers rapatriés du territoire occupé. Nous avons
sous les veux plusieurs de ces documents fantaisistes,
mais nous ne saurions les reproduire tous. Nous nous
contenterons donc de citer les principaux passages d'un
article paru dans le « Progrès de Lyon » du i3 jan-
vier igi6 :
Cinq cent* Rapatriés arrivent u Chainbcry
Chambéry, 12 janvier.
Nous avons pu causer avec plusieurs de ces réfugié», la
plupart du département des Ardennes. Parmi eux, 160 en-
viron ont été ohligvM do partir ; les autres sont venus de
leur plein gré, pour quitter le joug leuton. Ils appartiennent,
en majorité, a la classe moyenne : commerçants, employés,
petite rentiers, et, contrairement a ceux que nous avons vus
le* premiers jour» de la guerre, ils avaient avec eux une
aaacz grande quantité de linge.
Le moral purmt ces braves gens est resté excellent,
malgré tous les moyens employé* par les Bocliei pour les
démoraliser. Le seul journal imprimé en français dont on
trtru^ cAÀAIA^UV /vVl^VL<^At ^Wrttf> OrSAJL TrtrW/ fauMArt/W^ ci - A- 0 m£" .
j\fôvVi 1£^lMt<rwj iwt^vvtWl flU 'vit. J^ca/ato™* ^ojm, jtlut tow^ovu
-tu.- tvW £sV« tyafl Sl m. jJtaùrtfblt. àjJ> QMâMWAdj- cfu*, AWlÀ WrUed/j
avec £to &aZ\X<wÙ!> (SL jacfit ^ 'jvfîtcu^w AÙasJia A<ua* ^Uq^aa, cU,
âaa. i <>*/jmaa. àjùy^X ce £ou crUAA^iOA^Ctrn, . vU, t/rt ^cfWY^aZt/ -wwxyt/
OfMs vtaa^ vt)yvOiMrtAM^- 4m. ^trwwt, «antt ifove/> cyuvi Offwt cA%jn/i.
leur permettait la lecture, la l Gazette des Ardennes t,
rédigé par des Allemands, leur faisait connaître cfeiaqtM jour
de graves défaites françaises. On leur disait que la France
était en révolution et que le peuple réclumuil la paix *
grands cris. Les grande» nouvelles politique» leur étaient,
en général, cachées. Cependant, 1a u Gazette » annonça
l'entrée en lice de l'Italie par un article rageur contre no»
alliés.
Ouvrons ici une parenthèse pour demander au
« Progrès » qu'il précise un peu « les grandes nou-
velles » qui furent cachées aux lecteurs de la « Gazette ».
De la part de la preesc française, qui ne publie même
pas les communiqués officiels de l'adversaire, pareil
reproche fait sourire. Et quand donc avons-nous dit
que la « Fiance est en révolution » ? Quant ù l'article
irès cûime que nous publiâmes lorsque l'Italie entra en
guerre (« La Fiance et l'Italie», au N* &a de la «Go-f
zeffe »), nos lecteurs qui s'en souviennent avoueront
que nos conclusions prudentes d'alors bc trouvent non
seulement pleinement confirmées, mais même sensible-
ment dépassées par les faits I Après ces simples consta-
tations, rendons la parole au « l'rogrès », qui continue
ainsi son article ;
La oommanderll veillait étroitement à ce que les nou-
velles n'arrivent pas par d'autre» sources que par ledit jour-
nal. Mais la vérité tiltruit tout de mêjni et les encourageait.
Lorsqu'il y eut un raid d'avions alliés sur Charleville, plu-
sieurs habitants qui s'upprocliereut, espérant avoir quelques
proclamations lancées par les aviateury, lurent tués par les
soldat* qui avaient des ordres sévères et formels à cet égard.
Mais de tout cela la « Gazette » n'a pas parlé.
Les Allemands, demandons-nous, ont-ils réellement com-
mis toutes le» horreurs dont on les accuse }
— Au déhut de l'envahissement, oui ; ils se montrèrent
brutaux et commirent toutes sortes do crimes. Mai» à pré-
sent ils se sont bien apaUés. Les chefs sont simplement durs,
très durs, comme avec leurs soldats. Ils ne volent plu», car
il n'y a plus rien a prendre. Toutes les maisons ont éti
dévalisées ; il» ont tout expédié en Allemagne. Les meubles
qui restaient leur ont scivi pour bc construire des abris ou
pour se chauffa dans les usines. Il» ont détruit toutes les
machines, simplement pour en arracher ie cuivie dont ils
ont le plus grand besoin. Malheur à celui qui proteste. »
La discipline, pour les civil», est très sévère. Notre Inter-
locuteur nous montre un vieillard qui fut condamne u six
mois de prison pour s'être rendu à son jardin sans une
autorisation écrite de la coiriiuaiidrrfc.
Au sujet de» vivres, les réfugié» »ont unanimes à dire
qu'une grande amélioration leur fut apportée, grâce au
ravitaillement américain. Mais avant celle organisation la
vie était abominablement chère. Les œufs valaient plus de
sept francs la douzaine.... u
Nous avons leno ù mettre sous les yeux de nos lec-
teurs cet article, afin qu'ils se rendent compte de la
façon dont leurs compatriotes de France sont rensei-
gnés. La précision de certaines affirmations rendant
possible leur réfutation, les autorités militaires alle-
mandes ont prié les autorités civiles françaises de la
région en question de rétablir simplement la vérité.
Voici la lettre qu'ont reçue, à cet effet, les autorités
municipales de Charleville, Mézièies et Mohon ;
CharUville, le 29 janvier 1DJ6.
Messieurs,
Sous le titre icCinq conta Rapatrié* arrivent à Cham-
béry » le ii Progrès de Lyon » publie, dans une lettre
datée 12 f, lit, la passages suivants ;
i) JVou* avons pu causer avec plusieurs de ces réfu-
giés, la plupart du département des Ardennes. Parmi
eux i50 environ ont été obligés de partir.
a) Lorsqu'if y eut un raid d'avions alliés sur
Charleville, plusieurs habtianfs qui s'approchèrent,
espérant avoir quelques proclamations lancées pac les
aviateurs, furent tués par les soldais qui avaient des
ordres sévères et formels à cet égard,. Mais de tout celat
la « Gazette » n'a pas parlé.
3) Les Allemands se montrèrent bruiaux et com-
mirent toutes sortes de crimes. Ils ne volent plus, car
il n'y a plus rien à prendre. Toutes les maisons ont été
dévalisées.
i) Notre interlocuteur nous montre un uieillard
qui fut condamné à six mois de prison pour s'êtr*
rendu à son jardin sans une autorisation écrite de ta
Kommandantur.
5) Avant le ravitaillement américain, les aeu/i
valaient plu* de sept francs la douzaine.
Puisque la phrase sous 2) fait supposer que les
événements se rapportent à CharlevîUe et environs,
vous êtes priés de rectifier les cinq points marquis,
c^dessus d'une façon strictement conforme à la pure
vérité et selon votre conscience, en ajoutant votrt
remarque à chaque phrase.
Agréez, Messieurs, l'assurance de ma parfaite estime^
'(signée).
Cette lettre a reçu les trois réponses suivantes :
VILLE DE CHARLEVILLE
(aivdsnnes)
Le 29 janvier 1916.
Monsieur le Commandant,
Aux questions que vous posez par votre lettre dt
ce jour, nous répondons :
i' Question : les rapatriés de la ville de CharlevilU
sont partis volontairement. Le nombre des demandes
a dépasse très sensiblement le nombre des places dis-
ponibles.
aj II n'y a pas eu de raids d'avions sur Charleville,
sauf, en fin avril où un avion a lancé quelques bomba
qui n'ont occasionné que des dégâts insignifiants.
Aucun habitant n'a été tué par les soldat* allemands.
Le fait rapporté est donc inexact.
3) Il n'y a pas eu à notre connaissance de maisons
pillées à Charleville. Il y a eu des déplacements de
mobiliers et des réquisitions.
/i) Nous ne pouvons dire si le fait est exact, nous
n'en avons pas eu connaissance.
o) Le ravitaillement américain n'a pas infuencé sur,
le prix des œufs, car il n'en a pas importé. Ce prix est
monté à fr. Q.UO ces temps derniers.
Veuifiez agréer, Monsieur le Commandant, /'assu-
rance de notre parfaite considéra (ion.
Le Président de la Commission municipale,
(Signature.)
VILLE DE MÉZIÉflES
Le 29 janvier i9t€.
Monsieur le Commandant,
1. — Le rapatriement de décembre 49i5 a eu lieu
à la suite d'un auis publié dans « La Gazette d>>s Ar-
dennes ».
Les demandes d'inscription ont été reçues )>ar les
Mairies et la liste des personnes à rapatrier a été arrê-
tée par l'autorité allemande au vu des inscriptions.
2. — <4ucun coup de feu n'a été tiré sur la popu-,
lation lors du raid d'avions alliés sur Charleville^
Mézièrcs.
3. — Aucun crime n'a été commis àkfézières parles
soldais allemands qui n'ont jamais brutalisé la popu-
lation.
4- — Le Maire n'a jamais eu connaissance de ce fait
particulier.
5. — Le ravitaillement américain ne paraît pas
avoir eu d'influence sur le cours des œufs qui n'ont
/nméifl atteints le prix ci-contre.
Le Maire de Mézières,
(Signature.)
• Le 29 janvier 1916.
VILLE DE MOHON
Le Maire de la ville de Mohon
A l'honneur de faire réponse ci-dessous ans ques-
tions contenues dans la lettre, communiquée :
1. — Les émigrés de Mohon sont tous partis volon-
tairement.
2. — Nous n'avons pas connaissanse que le raid
d'avions qui a eu lieu sur Charleville ait fait des victi-
mes, nous n'avons entendu parler que de dégâts maté-
riels insignifiants. Mous n'avons aucune connaissance
non plus que les soldats allemands ont commis des
brutalités vis-à-vis des habitants ni ont fait des victimes^
, 3. — Concernant Mohon, aucune plainte ne nous
est revenue ayant trait aux faits dont il est question.
4. — A'ous n'avons aucune connaissance à Mohon,
de la prétendue condamnation.
5. — ^uan( le ravitaillement américain, les ceufs
étaient même beaucoup meilleur marshé qu'actuelle-
ment, ils valaient environ 0 fr. 15 pièce.
Le Maire de Mohon, Conseiller général,
(Signature.)
Les originaux des documents que nous reprodui-
sons ci-dessus restent entre les mains de* autorités alle-
mandes. Ne voulant pas exposer, sans défense possible^
les respectables citoyens français, qui ont signé, en
dme et conscience, ces rectifications, à Ut rancune dç
leurs compatriotes journalistes, nous avons supprimtj
leurs noms, bien qu'ils ne nous aient paj demandé
cette discrétion.
La population des territoires occupée n'a d'ailleurf
pas besoin de cette mise au point pour savoir.ee que
valent les articles de journaux du genre de celui qu*
nous citona plus haut. Quant aux Français de France*,