LA VUE DE SIN-LE-NOBLE, PRÈS DOUAI1
PAR COROT
'était au mois de juillet 4 873. Corot avait
soixante-dix-sept ans. On connaît le beau
vieillard qu’il était et sa verte vigueur
Tous les jours, debout à cinq heures et
aussitôt à l’œuvre. A travers la rosée
matinale, le voilà parti, et trois heures
durant il s’applique à copier amoureu-
sement la capricieuse arabesque des bran-
ches et à traduire la magie changean te des
nuages. Il est à Douai, dans une famille à
qui l’attachent vingt-cinq années d’amitié. Son hôte se nomme Alfred
Robaut. C’est le gendre de Dutilleux, cet enthousiaste qui, dès 1847,
a distingué le rayonnement du génie dans l’œuvre d’un artiste bien
peu gâté par le succès et, gage suprême de son admiration, est venu
d’Arras lui acheter ses tableaux, que les Parisiens regardaient encore
le plus souvent avec dédain. Dutilleux n’est plus, et le temps est
déjà loin où, dans la campagne artésienne, chaque année, à la belle
saison, le modeste provincial, fier d’accueillir sous son toit son grand
ami, plantait son chevalet à côté du sien et réchauffait son zèle au
contact de cette ardente flamme. Mais ses enfants sont les pieux héri-
tiers de ses sentiments. Au lendemain de la guerre et pendant les
douloureuses semaines de mai 1871, ils ont eu le privilège de voir le
cher vieillard accepter l’hospitalité à leur foyer et, depuis lors,
celui-ci a repris volontiers l’habitude d’un petit séjour annuel dans le
Nord. Quelle fête pour ceux qui l’accueillent! Comme ils s’ingénient
à lui rendre agréable cette villégiature! Sa visite, cette année,
1. C’est le titre qu’il convient de restituer au tableau de la collection Thomy-
Thiéry qu’on a appelé La Route d’Arras.
PAR COROT
'était au mois de juillet 4 873. Corot avait
soixante-dix-sept ans. On connaît le beau
vieillard qu’il était et sa verte vigueur
Tous les jours, debout à cinq heures et
aussitôt à l’œuvre. A travers la rosée
matinale, le voilà parti, et trois heures
durant il s’applique à copier amoureu-
sement la capricieuse arabesque des bran-
ches et à traduire la magie changean te des
nuages. Il est à Douai, dans une famille à
qui l’attachent vingt-cinq années d’amitié. Son hôte se nomme Alfred
Robaut. C’est le gendre de Dutilleux, cet enthousiaste qui, dès 1847,
a distingué le rayonnement du génie dans l’œuvre d’un artiste bien
peu gâté par le succès et, gage suprême de son admiration, est venu
d’Arras lui acheter ses tableaux, que les Parisiens regardaient encore
le plus souvent avec dédain. Dutilleux n’est plus, et le temps est
déjà loin où, dans la campagne artésienne, chaque année, à la belle
saison, le modeste provincial, fier d’accueillir sous son toit son grand
ami, plantait son chevalet à côté du sien et réchauffait son zèle au
contact de cette ardente flamme. Mais ses enfants sont les pieux héri-
tiers de ses sentiments. Au lendemain de la guerre et pendant les
douloureuses semaines de mai 1871, ils ont eu le privilège de voir le
cher vieillard accepter l’hospitalité à leur foyer et, depuis lors,
celui-ci a repris volontiers l’habitude d’un petit séjour annuel dans le
Nord. Quelle fête pour ceux qui l’accueillent! Comme ils s’ingénient
à lui rendre agréable cette villégiature! Sa visite, cette année,
1. C’est le titre qu’il convient de restituer au tableau de la collection Thomy-
Thiéry qu’on a appelé La Route d’Arras.