Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 1)

DOI Artikel:
Genevay, Antoine: Jean Baptiste Isabey, [1]
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.16670#0049

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
d'installation ; or mes cinq louis se trouvaient réduits à deux. J'entrai tout de suite en relation avec
un tabletier qui me commanda des couvercles de tabatière... Chaque médaillon m'était payé de six à
huit livres, sans l'ivoire. Comme il était encore de mode de porter des boutons de la grandeur d'une
pièce de cinq francs, sur lesquels on peignait en camaïeu des amours, des paysages, des fleurs, je me
livrai à ce travail commercial... Chaque bouton m'était payé douze sols. »

A cette maigre ressource, par son esprit, sa bonne grâce, sa gentillesse, Isabey en joignit bientôt
une autre. 11 s'était fait bien venir par quelques bourgeois de la rue Saint-Denis, et ses prix étant fort
modestes, ceux-ci lui commandèrent quelques portraits un peu mieux payés que ses tabatières. Il vivait
ainsi, tant bien que mal, plutôt mal que bien, lorsqu'une grave maladie de son père le rappela à Nancy.
Il y resta peu, mais à son retour ayant trouvé l'hôtel de la rue Cassette désert, la tristesse de son
pauvre gîte lui pesa; il le quitta pour venir partager près du Louvre la chambre d'un de ses camarades.
Ce n'était point un boudoir, mais elle ne coûtait que six livres par mois. Les rapins, en ce temps-là,
étaient bien sages! Son colocataire le conduisait assez souvent à Versailles, chez son père, placé dans
la domesticité du marquis de Sérens, personnage fort bien en cour. Ce serviteur lui parla un jour du
jeune Lorrain; il se trouva précisément que le marquis avait été chargé de trouver un artiste pour
peindre sur un médaillon les portraits du duc d'Angoulème et du duc de Berry. La reine voulait faire,
pour le jour de sa fête, ce cadeau et cette surprise à leur mère, la comtesse d'Artois.

M. de Sérens se fit présenter le jeune peintre; il le trouva aimable, discret; il lui plut, il l'agréa.
Quelle chance! s'écriera-t-on. Sans doute, c'en était une, mais restait à prouver qu'on la méritait; c'est
ce que fit Isabey. Il a raconté cet épisode de sa vie; nous lui emprunterons son récit, en l'abrégeant,
mais en ayant soin d'en garder le tableau final, qui reflète les mœurs plus que singulières qui régnaient
alors, même dans les entours de la reine. Nous y trouverons la preuve, un témoignage du moins, de
ces légèretés, innocentes sans doute, mais compromettantes, qui ont si tristement influé sur les des-
tinées de Marie-Antoinette.

Isabey peignait donc les deux enfants, lorsque tout à coup on annonce : la Reine ! « Il
faut se reporter, dit-il, à ce temps monarchique, tenir compte de ma jeunesse, du point de départ
de mon existence pour bien comprendre l'émotion dont je fus saisi... Mes mains tremblaient, je
ne pouvais reprendre mon travail ; elle me sourit, et dit au comte d'Artois, qui l'accompagnait :
« Voilà donc, cher frère, ce jeune homme dont vous m'avez parlé? »

« Je me sentis encouragé en reconnaissant que Monseigneur avait à l'avance parlé de moi.
La Reine vint s'asseoir à mes côtés, et mon orgueil s'épanouit en entendant les éloges que l'on
voulait bien donner à l'œuvre commencée. Sa Majesté se leva, et, en sortant, me dit avec
bonté : « Continuez, mon enfant, c'est très-bien. »

« Trois jours après, je reçus l'ordre de me rendre à Trianon , et la Reine me confia la
copie d'un portrait peint d'après elle par Sicardi. Une séance me fut accordée pour quelques
modifications au costume. »

Alors Isabey, entré en lumière par une si belle porte, Isabey, que l'on n'appelait plus que
le petit Lorrain, le petit peintre de la Reine, s'établit à Versailles, fréquenta les pages et entra
dans ce monde de velours et de soie qu'il ne devait plus quitter.

Mais reprenons sa narration pour y trouver l'anecdote à laquelle nous avons fait allusion.
Elle réveillera assurément chez nos lecteurs, sinon chez nos lectrices, le souvenir peu moral d'un
roman de cette époque.

« J'allais souvent au théâtre, dit Isabey... Povir rien au monde, je n'aurais manqué les bals
costumés, qui faisaient fureur. La Reine prit envie d'assister à l'un d'eux; il se donnait au
Grand-Théâtre. Comme il arrive toujours en pareil cas, le secret ne fut pas si bien gardé que
chacun ne sût la nouvelle. C'était une invitation indirecte faite à la galanterie du temps; tout
le monde se mit en frais pour la fête.

« La comtesse de Calignac, à qui je donnais des leçons de dessin, paria avec Mme de Simiane que,
sous des vêtements de femme, elle me mènerait à cette mascarade, où je passerais pour une de ses
amies. Nouveau Chérubin, je fus livré aux mains des caméristes de la comtesse. Grâce à mon menton
imberbe, à mes joues roses, à ma petite taille, l'illusion, jusqu'à un certain point, était possible.
 
Annotationen