LA GRAVURE EN MÉDAILLES. 139
la nature avec une sincérité qui devrait donner à penser à ceux qui voudraient proscrire l'étude des
monuments du passé.
£es graveurs étaient toujours en même temps des sculpteurs et des peintres, et ce qu'ils deman-
daient surtout à l'art antique, c'était de leur montrer à mieux voir la nature.
La vue des beaux portraits des empereurs romains, qu'on admire sur les médailles, leur inspira
la pensée de reproduire par un moyen semblable l'effigie des hommes illustres de leur temps.
Les premiers artistes qui tentèrent ainsi de ressusciter un art oublié depuis l'antiquité procé-
dèrent d'abord par le même moyen que les graveurs de sceaux. Leurs médailles sont des épreuves
coulées dans des moules et reciselées ensuite par l'artiste ou par ses élèves sous sa direction. C'est
de cette façon qu'ont été exécutées les médailles du xve siècle.
C'est le nord de l'Italie qui a produit les artistes auxquels on doit les plus grands chefs-d'œuvre.
Vérone, Mantoue, Padoue, Venise, Parme, Florence, voilà les villes où ils se sont formés. Les villes
de l'Italie méridionale et de la Sicile qui, dans le temps des colonies grecques, avaient donné à
l'art tant de chefs-d'œuvre, n'ont contribué que d'une façon tout à fait subalterne au mouvement
de la Renaissance.
Vérone a été pour la gravure en médailles, comme Florence pour la peinture, le berceau
commun d'une foule de maîtres auxquels sont dus les chefs-d'œuvre des xve et xvi' siècles. On ne
voit pas au juste comment cet art y a pris naissance, ni pourquoi il s'est développé là plutôt qu'ailleurs.
Pisano, le père de l'école, est aussi son plus grand maître. On ne connaît pas bien ses devanciers,
et c'est ce qui fait que ses œuvres commencent toujours la série des médailles italiennes. Mais un
grand artiste ne s'improvise pas ; il voit plus loin que ses maîtres et développe au profit de l'art les
principes qu'il a reçus d'eux. Ainsi, quand on désigne Van Eyck comme le plus ancien peintre
du Nord, c'est faute de connaître ceux qui l'ont précédé. Il en est de même de Pisano.
Victor Pisano était joeintre et signait ses médailles : « Ouvrage de Pisano, peintre. » Il reste
aujourd'hui peu de traces de ses peintures, quoiqu'elles fussent fort estimées, et qu'il en ait fait un
grand nombre à Rome et à Vérone, sa patrie.
La grande célébrité de Pisano vient de ses médailles. Il a exécuté celles d'un grand nombre
d'hommes illustres et a été fort recherché des princes de son temps. Martin V l'a emmené à
Rome et Mahomet II a voulu l'avoir aussi. Les poètes ses contemporains ont célébré à l'envi son
talent et l'ont comparé à Phidias et à Polyclète.
Les médailles de Pisano sont traitées d'une manière simple et large, qui leur donne un caractère
grandiose. La vérité est son but et son point de départ. Il rend la nature naïvement, brutalement
même, et sait résumer en quelques traits toute une personnalité humaine. Rien de vague dans son
idéal; c'est la vie qu'il veut traduire avant tout. C'est là, au surplus, le caractère de cette grande
école italienne du xvc siècle, où les artistes n'ont pas encore de système préconçu et marchent droit
au but sans connaître les théories maniérées qui prévaudront plus tard.
A côté de Pisano se groupe une série de graveurs admirables, car, dans l'histoire des beaux-arts,
les maîtres se trouvent toujours par groupe, et il n'y a pas d'exemples d'une invidualité complètement
isolée; ce sont : Mattheo Pasti de Vérone, Sperandio de Mantoue, Boldu de Venise, Jules délia
Torre, et bien d'autres. Les noms des plus grands peintres se'retrouvent sur la liste des artistes
qui ont gravé des médailles. Le célèbre critique Mariette cite Francia parmi les plus habiles graveurs
de médailles.
Gentil Bellin, dont le nom est si célèbre dans la grande école vénitienne, a fait une belle
médaille de Mahomet II. Les trois couronnes placées au revers font allusion aux souverainetés de
Constantinople, Trébizonde et Iconium. Ce revers porte pour légende le nom et les titres du graveur:
« Gentil Bellin, Vénitien, chevalier décoré d'une chaîne d'or, et comte palatin, a fait. »
11 ne nous est pas possible de nous arrêter sur tous les magnifiques ouvrages que la gravure en
médaille produisit alors en Italie. Nous avons voulu seulement montrer quel genre d'influence les
artistes de ce pays pouvaient exercer sur ceux du nôtre.
L'Italie offrait dans les beaux-arts vin magnifique développement lorsque Charles VIII y arriva.
la nature avec une sincérité qui devrait donner à penser à ceux qui voudraient proscrire l'étude des
monuments du passé.
£es graveurs étaient toujours en même temps des sculpteurs et des peintres, et ce qu'ils deman-
daient surtout à l'art antique, c'était de leur montrer à mieux voir la nature.
La vue des beaux portraits des empereurs romains, qu'on admire sur les médailles, leur inspira
la pensée de reproduire par un moyen semblable l'effigie des hommes illustres de leur temps.
Les premiers artistes qui tentèrent ainsi de ressusciter un art oublié depuis l'antiquité procé-
dèrent d'abord par le même moyen que les graveurs de sceaux. Leurs médailles sont des épreuves
coulées dans des moules et reciselées ensuite par l'artiste ou par ses élèves sous sa direction. C'est
de cette façon qu'ont été exécutées les médailles du xve siècle.
C'est le nord de l'Italie qui a produit les artistes auxquels on doit les plus grands chefs-d'œuvre.
Vérone, Mantoue, Padoue, Venise, Parme, Florence, voilà les villes où ils se sont formés. Les villes
de l'Italie méridionale et de la Sicile qui, dans le temps des colonies grecques, avaient donné à
l'art tant de chefs-d'œuvre, n'ont contribué que d'une façon tout à fait subalterne au mouvement
de la Renaissance.
Vérone a été pour la gravure en médailles, comme Florence pour la peinture, le berceau
commun d'une foule de maîtres auxquels sont dus les chefs-d'œuvre des xve et xvi' siècles. On ne
voit pas au juste comment cet art y a pris naissance, ni pourquoi il s'est développé là plutôt qu'ailleurs.
Pisano, le père de l'école, est aussi son plus grand maître. On ne connaît pas bien ses devanciers,
et c'est ce qui fait que ses œuvres commencent toujours la série des médailles italiennes. Mais un
grand artiste ne s'improvise pas ; il voit plus loin que ses maîtres et développe au profit de l'art les
principes qu'il a reçus d'eux. Ainsi, quand on désigne Van Eyck comme le plus ancien peintre
du Nord, c'est faute de connaître ceux qui l'ont précédé. Il en est de même de Pisano.
Victor Pisano était joeintre et signait ses médailles : « Ouvrage de Pisano, peintre. » Il reste
aujourd'hui peu de traces de ses peintures, quoiqu'elles fussent fort estimées, et qu'il en ait fait un
grand nombre à Rome et à Vérone, sa patrie.
La grande célébrité de Pisano vient de ses médailles. Il a exécuté celles d'un grand nombre
d'hommes illustres et a été fort recherché des princes de son temps. Martin V l'a emmené à
Rome et Mahomet II a voulu l'avoir aussi. Les poètes ses contemporains ont célébré à l'envi son
talent et l'ont comparé à Phidias et à Polyclète.
Les médailles de Pisano sont traitées d'une manière simple et large, qui leur donne un caractère
grandiose. La vérité est son but et son point de départ. Il rend la nature naïvement, brutalement
même, et sait résumer en quelques traits toute une personnalité humaine. Rien de vague dans son
idéal; c'est la vie qu'il veut traduire avant tout. C'est là, au surplus, le caractère de cette grande
école italienne du xvc siècle, où les artistes n'ont pas encore de système préconçu et marchent droit
au but sans connaître les théories maniérées qui prévaudront plus tard.
A côté de Pisano se groupe une série de graveurs admirables, car, dans l'histoire des beaux-arts,
les maîtres se trouvent toujours par groupe, et il n'y a pas d'exemples d'une invidualité complètement
isolée; ce sont : Mattheo Pasti de Vérone, Sperandio de Mantoue, Boldu de Venise, Jules délia
Torre, et bien d'autres. Les noms des plus grands peintres se'retrouvent sur la liste des artistes
qui ont gravé des médailles. Le célèbre critique Mariette cite Francia parmi les plus habiles graveurs
de médailles.
Gentil Bellin, dont le nom est si célèbre dans la grande école vénitienne, a fait une belle
médaille de Mahomet II. Les trois couronnes placées au revers font allusion aux souverainetés de
Constantinople, Trébizonde et Iconium. Ce revers porte pour légende le nom et les titres du graveur:
« Gentil Bellin, Vénitien, chevalier décoré d'une chaîne d'or, et comte palatin, a fait. »
11 ne nous est pas possible de nous arrêter sur tous les magnifiques ouvrages que la gravure en
médaille produisit alors en Italie. Nous avons voulu seulement montrer quel genre d'influence les
artistes de ce pays pouvaient exercer sur ceux du nôtre.
L'Italie offrait dans les beaux-arts vin magnifique développement lorsque Charles VIII y arriva.