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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 1)

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Exposition des oevres d'un peintre de dix ans
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quable. La palette du peintre n'est pas personnelle, ai-je dit ; non,
mais ses harmonies sont toujours fines et distinguées. Quant à
son exécution, elle est étonnante de fermeté et d'esprit, ou plutôt
d'adresse.

« Mais ces éloges ne vont pas sans de graves restrictions. Et
ces restrictions, je les trouve dans les déclarations mêmes des
admirateurs de l'enfant-prodige.

« Il ne paraît pas, dit l'un d'eux, qu'il ait été dessiner et
« peindre dans la campagne ou qu'il l'ait seulement contemplée

• en observateur attentif, ainsi que Claude Lorrain, se fiant à sa
« mémoire pour en tracer ensuite un portrait exact. // se bornait,
i dit l'un d'eux, à copier, en partie d'instinct et en partie
t d'après des tableaux qu'il avait constamment sous les yeux, des

• sites empruntes aux gravures qui furent les premiers instru-

• ments de son éducation artistique. »

« Ainsi la composition des tableaux du jeune van de Kerkhove
est empruntée à des gravures? Que deviennent dès lors les qua-
lités que nous y constations tout à l'heure, le style, la ligne,
l'ordonnance ? Rien de tout cela ne serait plus la propriété de
l'artiste-enfant. Et notons que les gravures fournissent non-seu-
lement l'arrangement, la silhouette, le caractère, mais encore la
distribution de la lumière et de l'ombre, c'est-à-dire l'effet, l'ex-
pression elle-même.

« De même c'était à des tableaux qu'il empruntait ces har-
monies délicates qui charment dans ces petits panneaux.

« Voilà, on en conviendra, un double aveu fait pour diminuer
singulièrement la portée du phénomène autour duquel il s'est fait
tant de bruit! Ainsi toutes ces qualités de l'artiste-enfant, le
style, l'ordonnance, le caractère, l'effet, la gamme du ton même,
ces qualités qui sont les meilleures de son œuvre et les plus diffi-
ciles que comporte son art, ne sont que des qualités d'emprunt !
Mais alors que lui reste-t-il donc ?

« L'exécution. Véritablement ce n'est plus assez pour traiter
l'enfant-peintre d'artiste de génie. D'autant plus qu'ici encore il
y a plus d'une réserve à faire.

« Cette exécution étonne surtout par cette particularité qu'elle
ne ressemble en rien au faire d'un enfant. Les prôneurs eux-
mêmes en conviennent.

« Et d'abord pas l'ombre de naïveté. C'est même tout le con-
traire. Ces tableautins résumenc tous les trucs, toutes les ficelles
du métier.

« Mais cette absence absolue de naïveté dans le faire, ces
roueries d'exécutant, connues des vieux praticiens, mais si surpre-
nantes chez un artiste de dix ans, ce n'est rien encore. Ce qui est
plus singulier chez cet enfant, et surtout chez ce malade, — car
sa vie, d'après son biographe, n'aurait été qu'un long martyre, —
c'est l'absence de toute faiblesse. Aucune défaillance ; partout
cette sûreté d'exécution qu'on ne possède que dans la maturité
du talent, lorsque l'artiste, sachant enfin son art par cœur, rompu
à toutes les difficultés, en arrive à créer comme on fabrique,
d'une façon quasi mécanique, par des procédés immanquables.
Pas même l'ombre d'une inégalité. Les tableaux de 1870 sont
aussi forts que ceux de 1873, et l'auteur y esc déjà en posses-
sion de ses moyens. Ce peintre-enfant, on ne le voit même pas
se développer et grandir.

« Comment expliquer de telles anomalies? D'où viennent tant
de contradictions entre l'œuvre ec l'auteur?

« Beaucoup d'artistes croient les expliquer en disant qu'il y a
là le travail de deux mains différentes.

« L'une, celle de l'enfant, aurait posé les masses et ébauché
vaguement les ciels, les terrains, les fabriques ou les arbres, etc.

L'autre — celle d'un homme — aurait accentué, raffermi,
précisé, réalisé.

« Ce double travail, ajoute-t-on, est parfaitement distinct à
la loupe.

« On va plus loin. Il y a dans tous ces tableaux deux détails
qui n'ont pas d'importance apparente, mais qui n'en prouvent
pas moins une rare dextérité.

« D'abord la signature, toujours tracée aussi nettement que
si elle était écrite et non peinte, — mérite plus rare qu'on ne
pense.

« Ensuite une petite silhouette noire qui reparaît à l'avanc-
plan de chaque tableau et qui représente le paysagiste enfant qui
en est l'auteur. Cette silhouette, très-librement jetée en deux coups
de pinceau, est toujours parfaite de mouvement et de tournure.
Elle est juste à la place où elle doit être, elle fait juste l'effet
qu'elle doit produire; or on saie quel problème c'est pour les
paysagistes que le placement de la moindre figure, qui tue le
paysage dès qu'elle ne l'anime pas.

I Vous demandez, disent les douceurs, qui a pu retou-
cher ces tableaux? Eh bien! ne cherchez pas davantage. Il est
évidenc que l'auceur de ces figures ec de ces signacures écaic de
force à donner à cous ces sices les concours ec les accencs qui les
précisent ec les terminent.

« Or cet auteur, c'esc le père de l'enfanc, qui est lui-même
peintre de genre.

« Faut-il conclure à une supercherie? Non, puisqu'il n'est
j pas faic marché ec spéculacion des cableaux exposés. Mais quoi
de plus naturel qu'un père se plaisant à corriger ec à complécer
l'œuvre de son enfanc, alors surcouc qu'elle existe déjà par elle-
même? Il ne s'esc pas vancé de ces correccions ? Mais combien
ne voyons-nous pas cous les jours de maîcres naïfs, oublianc crès-
sincèremenc la parc qu'ils onc prise aux ouvrages de leurs élèves,
ec les prônanc, les admiranc eux-mêmes comme des œuvres ori-
ginales?

« Une dernière objeccion esc celle-ci. Si un aucre que le jeune
van de Kerkhove a mis la main à ses cableaux, pourquoi ce colla-
boraceur anonyme n'a-c-il pas proficé de son calenc pour lui-
même? Nous avons déjà répondu. On oublie que ce calenc est
touc de faccure, necomporce pas d'invention propre, ec emprunte
jusqu'à ses gammes de coloration. Un tel calenc peuc suffire à la
répucation d'un enfant. Il ne suffirait pas à la fortune d'un
homme. »

J'ajoute qu'il m'a été donné de voir des tableaux du père ce
que j'ai écé frappé, comme bien d'autres, de leur ressemblance
| avec ceux du fils. C'esc mieux qu'une ressemblance; c'esc presque
l'idencicé.

II convienc néanmoins de prendre acce d'une déclaration du
père qui, adressant à un journal de Liège, la Meuse, quelques
petites rectifications sans grande importance, s'exprime en ces
termes :

« Je profite de l'occasion, monsieur, pour déclarer sur l'hon-
neur que jamais, sauf la petite silhouette peinte par moi, comme
souvenir de notre enfant, quelques minuscules réparations d'écail-
lures accidentelles et la signature (le pauvre Fritz n'ayant jamais
songé à signer quoi que ce fùc), couc esc absolument du cher
mort. »

Où est la vérité ? On ne le saura peut-être jamais. Le père
esc un homme honorable, mais le doute subsiste malgré sa
déclaration, cane le faic esc singulier.

M. Jean Rousseau demande une enquêçe, non pas une inves-
tigation judiciaire, mais une enquêce d'arcistes. L'enquête esc
dans les vœux des deux partis ec de la famille elle-même.
Aboutira-t-elle? On ne sait.

Pour vous donner une idée du problème ec de la querelle,
j'ai cru devoir cicer les principales opinions émises dans le débat,
où la critique parisienne sera, dic-on, ■ conviée, car il esc ques-
cion de transplancer à Paris l'exposicion van Kerkhove.

C. T.

P. S. — Dans le dernier numéro de son Journal des Beaux-Arts
qui a paru sous la dace du 28 février, M. Adolphe Sirec consacre
un nouvel article à l'Exposicion de « l'enfanc de Bruges », aux
impressions du public ec aux appréciacions de la presse. Il donne
l'adresse du père, 10, quai Long, à Bruges, en déclaranc avec
son autorisation que M. J. van Kerkhove tient à-la disposition
 
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