Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 1)

DOI Artikel:
Despois, Eugène: Les exposition des Beaux-Arts pendant la Révolution
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.16670#0369

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
c'était encore de sa part bien' de la bonté que de daigner ainsi descendre des hauteurs de l'Olympe
académique pour se prêter à l'admiration des mortels. Pourquoi s'exposer ainsi à leurs jugements
téméraires, s'il était avéré que quiconque n'était pas académicien, dût-il l'être plus tard, était néces-
sairement un juge incompétent ?

Il va sans dire que les beautés de ce merveilleux système n'éblouissaient pas alors tous les yeux,
et que, le moment venu, le tiers état artistique, lui aussi, allait demander à être compté pour quelque
chose. C'était si évident, qu'un esprit qu'on ne regardera pas sans doute comme un fougueux révolu-
tionnaire, Quatremère de Quincy, dès le début de la Révolution, réclamait des expositions accessibles à
tous comme le seul moyen d'en finir avec tous les abus. « Ce moyen sera, disait-il, dans la république
des arts ce qu'est la liberté de la presse dans un État.1 » L'assimilation est juste, et même à peine au
niveau de la vérité. Si dans l'ancien régime les conditions de publicité eussent été les mêmes pour le
littérateur que pour l'artiste, s'il n'eût eu moyen de publier ses ouvrages, comme l'artiste de montrer les
siens, qu'une fois arrive au fauteuil académique , de quoi se composerait donc la littérature française?
Et combien de chefs-d'œuvre faudrait-il retrancher? Mais disaient les privilégiés (c'est Quatremère qui
nous l'apprend), tous les artistes n'ont-ils pas le droit de montrer chez eux leurs ouvrages ? Sans aucun
doute, comme le littérateur peut garder son œuvre en manuscrit et en faire lecture à quelques amis.
Sauf de bien rares exceptions, la publicité réelle et sérieuse pour le peintre et le statuaire, c'est celle que
l'État seul peut donner; elle est pour lui ce que l'impression est pour l'homme de lettres. Si quelques-
uns pouvaient à la rigueur se passer des avantages des expositions publiques et y suppléer par des
expositions particulières, c'étaient justement les artistes déjà connus et qui avaient le moins besoin des
unes et des autres, tandis que ce système maintenait dans l'obscurité les talents pauvres et inconnus
auxquels les expositions publiques étaient particulièrement indispensables, et les expositions privées à
peu près impossibles.

Mais ce n'étaient pas seulement les droits .de tous les artistes qui se trouvaient ainsi lésés;
c'étaient les intérêts de l'art même qui se trouvaient compromis, et c'est là-dessus surtout qu'insistait
Quatremère. Il n'avait pas de peine à montrer quelle tyrannie funeste un corps armé d'aussi
monstrueux privilèges faisait peser non-seulement sur le sort des artistes, mais sur les destinées de
l'art et du goût : « Dispensateur unique de toutes les gloires, propriétaire exclusif de tous les titres
d'honneur, de tous les moyens de réputation, de tous les encouragements publics, il force tous les
talents à briguer sa faveur, il tyrannise tous les goûts, maîtrise toutes les dispositions et dirige
impérieusement vers lui toutes les inclinations. »

On avait bien souvent signalé les inconvénients de toutes sortes que présentait, sous l'ancien
régime, le système des jurandes et des maîtrises, et ces inconvénients avaient parfois un côté
grotesque. On avait vu, par exemple, au commencement du xvm'' siècle la corporation des chapeliers
se coaliser contre un de ses membres qui avait trouvé le secret de fabriquer des chapeaux moins
chers et plus durables en y mêlant du poil de vigogne, et les coalisés avaient réussi à faire interdire
à cet insolent novateur un procédé utile au public, funeste aux chapeliers ; les nouveaux chapeaux
duraient trop! La jurande académique n'avait-elle pas tout autant de raisons et d'intérêt à se prémunir
contre l'éclosion des originalités nouvelles que la corporation des chapeliers contre les améliorations
à craindre dans la confection des chapeaux? Depuis la révolution même, la proscription d'Hernani,
vainement sollicitée auprès du roi Charles X par quelques membres de l'Académie française, nous
prouve assez à quelle intolérance naïve et sincère peut se porter un corps qui se croit gardien juré
des saines doctrines et, comme tel, responsable des déviations du goût.

Quatremère concluait en demandant des expositions annuelles, ouvertes à tous, sans autre
exclusion que celles des sujets obscènes. Un décret de l'Assemblée nationale du 21 août arrêta :
« Que tous les artistes, français ou étrangers, membres ou non de l'Académie de peinture et de
sculpture, seraient également admis à exposer leurs ouvrages dans la partie du Louvre destinée à
cet objet. » La direction du département, sous les ordres du Ministre de l'intérieur, devait « surveiller
ladite exposition, quant à l'ordre, et au respect dû aux lois et aux mœurs. »

1. Considérations sur les arts : etc., 1791, p. 102.
 
Annotationen