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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 1)

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Despois, Eugène: Les exposition des Beaux-Arts pendant la Révolution
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https://doi.org/10.11588/diglit.16670#0371

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fermée pour eux, l'institution du Musce national allait pour la première fois montrer réunies les
œuvres des maîtres, auparavant dispersées dans les résidences princières et inaccessibles, pour la
plupart, même aux artistes privilégiés. Avant cette époque, on peut se demander où les élèves de
l'École de peinture, dépendante de l'Académie, pouvaient aller chercher des modèles, et quels
tableaux de maîtres devaient connaître ceux qui n'obtenaient pas le prix de Rome et le séjour en
Italie. 11 est vrai qu'à défaut des grands modèles, on avait une ressource, fort préconisée alors,
c'était d'étudier la nature ; jamais ce mot n'avait été plus prononcé qu'à cette date où la chose môme
était rarement entrevue ; et c'est sans doute pour se conformer à cette tradition qu'à l'une des
expositions nouvelles, le Conservatoire, chargé de la diriger, ayant demandé aux artistes d'indiquer
les maîtres sous lesquels ils avaient étudié, l'un d'eux crut se poser assez carrément comme un génie
qui ne relevait que de lui-même, en faisant mettre sur le livret à la suite de son nom : Elève de la
nature et de la méditation. C'était Baltard qui prenait ce titre, non comme architecte, il est vrai
( on n'habiterait pas avec une sécurité entière une maison bâtie sans autres études préliminaires
que celles dont il se vantait), mais comme paysagiste, ce qui est un peu plus admissible. Même
en ce genre toutefois, les leçons de la nature et de la méditation ne l'ont pas mené bien loin. C'est que
dans tous les arts, il y a des procédés que la nature, non plus que la méditation, n'enseigne
point; des traditions qu'il faut connaître, ne fût-ce que pour avoir le droit de s'en écarter, des
inspirations enfin que le génie le plus original ne 'dédaignera pas de puiser chez ses devanciers.

Qu'on se figure donc quels éblouissements, quelles admirations fécondes dut produire l'ouver-
ture du Muséum central des Arts, le 8 novembre 1793! On y comptait déjà cinq cents tableaux
de maîtres de diverses écoles, et, dès l'année suivante, il devait s'accroître encore des richesses
artistiques amenées à Paris par les victoires de nos armées. On ne fait remonter d'ordi-
naire les conquêtes de ce genre qu'à l'année 1796, et on ne manque pas d'en attribuer
l'idée et l'initiative à Bonaparte ; c'est lui-même qui a imposé à l'histoire trop docile ce petit
anachronisme. A propos des vingt tableaux exigés du duc de Parme par l'armistice de Plaisance,
en 1796, il a osé écrire dans ses Mémoires: « C'est dans cette occasion que Napoléon imposa une
contribution d'objets d'art pour le Musée de Paris. C'est le premier exemple de ce genre qu'on rencontre
dans l'histoire moderne1. » Pardon; c'est tout au plus le second. Cette erreur intéressée a été
reproduite partout. Le premier exemple de ce genre, au contraire, est antérieur de deux ans à l'envoi
fait par Bonaparte : il est dû aux succès des armées du Nord et de Sambre-et-Meuse (septembre 17941-
Plus de cent tableaux de Rubens, de Rembrandt, de Van Dyck, d'Albert Durer? sans compter les
Holbein, les Téniers, les Paul Potter, les Van Ostade, etc., étaient venus prendre place dans le
Musée, en attendant les œuvres des écoles italiennes qu'y devait amener le traité de Campo-Formio.
Quel plus riche sujet d'études et de comparaisons instructives, quelle révélation pour les artistes et
pour tout le monde, que cette réunion inouïe de chefs-d'œuvre! Et quelles leçons d'école, — fussent-
elles données, comme elles l'étaient en 1789, par des illustres tels que MM. Bridau, Branats, Gois et
Du Rameau « peintre de la chambre du Roi », — eussent valu un pareil enseignement? La chute de
l'Empire devait retrancher du nombre de nos richesses artistiques les conquêtes des armées républi-
caines ; mais le Musée national était fondé.

Les artistes avaient désormais les moyens de se former et aussi de se produire ; combien y en a-t-il
aujourd'hui qui sachent à quelle période de notre histoire ils sont redevables de ce double bienfait ?

Eugène Despois.

1. Mémoires, t. III, p. 311.
 
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