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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 1)

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Yriarte, Charles: Fortuny, [1]: né à Reuss (Catalogne) le 11 Juin 1839, mort à Rome le 22 Novembre 1874
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https://doi.org/10.11588/diglit.16670#0396

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mettait de compter sur des revenus fixes, Fortuny revint à Rome, organisa s.i maison, augmenta son
atelier et commença d'importants travaux. C'est véritablement à cette époque que se rattache la
constitution de ce cénacle hispano-italien, où on ne prononçait son nom qu'avec admiration. Les
noms de la plupart de ceux qui le composèrent de 1866 à 1870 sont aujourd'hui connus de ceux qui
s'occupent d'art. C'était Villegas, Rico, Jorris, Ferrandiz, Ximenez, Agrasso, Tapiro, etc. Les ateliers
allemands furent un peu bouleversés, les disciples prudents et circonspects de l'ascétique Overbeck
anathématisaient ce transfuge et ces Andaloux qui osaient parler de lumière, d'atmosphère, de trans-
parence de tons, de chatoiements de couleurs, ces fantaisistes brillants et sans traditions qui, au lieu de
vivre dans l'Olympe ou dans la nébuleuse mythologie de Kaulbach et les ennuyeuses allégories de
Cornélius, demandaient leur inspiration au soleil de Rome, à sa lumière, à sa campagne, prenaient
leurs modèles dans la vie réelle et cherchaient même des procédés nouveaux pour peindre avec
plus de transparence, plus de limpidité et d'éclat.

Cette période de 1866 à 1870 est la grande période de cette existence trop courte. Il n'est que
bien rarement question de la Prise de Tetuan; la toile est roulée, la municipalité de Barcelone,
de temps en temps, demande à l'artiste ce que devient la commande; Fortuny répond d'une manière
évasive : il s'est fait un nom dans une manière très-différente, il a tout à perdre, et il semble qu'il
ait peur. Un jour enfin il propose de rendre la somme qu'on lui a payée; on la refuse; il insiste
pendant des années; quand on a bien compris qu'il n'exécutera jamais sa grande toile, on annule le
contrat. Il est piquant d'apprendre que l'homme, qui a vendu ueux tableaux de i"',4o, 75.000 francs
chacun, devait recevoir 6,000 francs de la ville de Barcelone pour cette composition qui mesu-
rait 15 mètres de long sur 4 mètres de haut.

Ce ne sont pas les Espagnols seulement qui se groupent autour de Fortuny, son atelier est
un de ceux qu'on visite le plus à Rome : De Boston, de Philadelphie, de Cuba, de New-York
et de Chicago, on lui envoie des visiteurs qui font de la propagande à cette peinture brillante,
.curieuse , habile et encore plus faite pour charmer les yeux que pour toucher le cœur. L'atelier lui-
même est plein d'intérêt, c'est un cabinet d'amateur, un petit musée. Les murs nus lui l'ont
horreur, Fortuny couvre tout son atelier de brillantes étoffes, il dresse contre les parois de grandes
vitrines pleines d'objets céramiques, de plaques persanes, de morceaux d'azulejos, de spécimens
de l'art hispano-arabe ou de l'art persan, armes précieuses, buires, plats à reflets métalliques, verre-
ries de Murano, étoffes de l'Orient. Tout ce qui brille, tout ce qui miroite, tout ce qui retient
la lumière, il le recherche et le collectionne. Un jour, à Grenade, il a vu un grand Cantaro
qui rappelle le fameux vase de l'Alhambra, il n'a de cesse qu'il soit en sa possession. Un
de ses compatriotes, le peintre Ferrandiz, a d'ailleurs reproduit à l'une de nos dernières expo-
sitions annuelles l'intérieur de cet atelier qui ressemblait plus à une salle d'exposition d'art orien-
tal qu'à un lieu d'étude. On se demande même comment l'artiste pouvait peindre dans un tel milieu,
où l'œil est sollicité par tant de choses qui papillottent et qui accrochent les points lumineux, sans
pouvoir jamais se fondre dans une harmonie générale et se tenir discrètement à leur place. Mais
après tout, ce sont là les éléments de travail de l'artiste et quand il les mettra en œuvre, luttant d'éclat
dans ses toiles avec les tapis d'Orient et les étoffes pailletées, il saura peut-être amortir les chocs de
lumière, tempérer les éclats et donner à son ensemble l'harmonie nécessaire.

C'est vers cette époque que Henri Regnault fait la connaissance de Fortuny; sa correspondance
est un document très-intéressant qui montre jusqu'à quel point il fut impressionné à la vue des
œuvres du peintre catalan. « J'ai passé avant-hier la journée chez Fortuny et cela m'a cassé bras et
jambes. 11 est étonnant ce gaillard-là! Il a des merveilles chez lui; c'est notre maître à tous. »
Malgré ce grand cri poussé par l'artiste que nous avons tous pleuré, et comme Français, et comme
peintre, c'est cependant encore une sorte de huis-clos que cette suprématie de Fortuny à Rome.
Les raffinés, les voyageurs, les cosmopolites de Paris savent bien qu'il y a là-bas une person-
nalité très-vive qui s'affirme, mais l'écho ne se répercute ici que dans un monde restreint. Les
expositions privées de la rue Chaptal, celles de la place de l'Opéra ne servent qu'à aiguiser la
 
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