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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 1)

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Yriarte, Charles: Fortuny, [1]: né à Reuss (Catalogne) le 11 Juin 1839, mort à Rome le 22 Novembre 1874
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https://doi.org/10.11588/diglit.16670#0398

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370 L'ART.

de morceaux pris çà et là ; il a placé la scène au xvm" siècle, ce qui lui a permis de donner au groupe
des mariés et des invités les costumes de ce joli monde à paillettes qui circule dans l'œuvre de Goya. 11
y a là des roses vifs, des jaunes soufre, des tons rares et chatoyants qui font un contraste avec le carac-
tère de l'édifice; les physionomies des prêtres et des sacristains sont bien observées et pleines d'inten-
tions fines ; les groupes des mariés et des parents s'opposent heureusement les uns aux autres par une
diversité qui fait antithèse. Au milieu de ce monde bariolé circule un être étrange, avec le torse nu et
la cagoule en tète; c'est un pénitent de confrérie qui va demandant l'aumône et présentant la limosnéra.
11 y a là trois sortes d'attraits : les types, tous faits pour retenir le regard, la mise en scène, aussi ingé-
nieuse par l'arrangement que séduisante par le caractère ; et enfin l'exécution, qui est d'un grand charme
quoiqu'elle ait été, dans l'état définitif, inférieure à ce qu'elle fut à un moment donné.

Nous avions vu le tableau de la Vicaria, dans l'atelier de l'artiste bien longtemps avant qu'il fût
livré, et il a passé par différentes phases. Fortuny le regardait comme terminé vers le mois de
mai 1869; tout était alors largement et grassement touché, les visages, si séduisants, étaient indiqués
d'une main habile, mais vive et franche; il y avait dans cette exécution quelque chose de la touche du
Goya de l'Alameda des ducs d'Ossuna, c'est-à-dire le Goya contenu, gracieux, spirituel, de la
Romeria de San Isidro. Plus tard certaines exigences amenèrent l'artiste à blaireauter les tètes et à
imprimer à l'ensemble une uniformité de facture qui, en rendant le tableau plus accessible au goût du
public, en énervait les qualités. Fortuny, à la fin de sa vie, regrettait ces concessions. Je lis même
dans une lettre datée d'octobre 1873 : « Aujourd'hui je n'ai pas de dettes, j'ai même quelque chose de
côté, et mon indépendance est assurée, je vais seulement commencer à faire ce que je sens et ce qui
me plaît. »

Au lendemain de la Vicaria l'artiste était en possession de sa pleine renommée, il allait exécuter
une autre toile importante dans son œuvre, qui devait fortifier une réputation incontestablement établie,
et confirmer les prix considérables qu'on attribuait à ses œuvres. Ce n'est qu'après la guerre que le
public a eu connaissance, par les récits des visiteurs de son atelier de Rome, de la toile intitulée
« Réception d'un modèle à l'Académie » ; mais elle était commencée depuis longtemps. Elle fut interrompue
par le voyage que l'artiste fit en Andalousie, voyage qui produisit l'impression profonde que le séjour
aux pays du soleil avait toujours faite sur sa nature. Il est singulier que Fortuny, qui était très-silencieux,
très-concentré, et dont l'esprit ne se révélait ni par des mots ni par des saillies comme chez son
spirituel compatriote Zamacoïs, ait plusieurs fois montré, dans ses œuvres, des intentions d'une
très-grande finesse et donné à ses physionomies des expressions d'une acuité et d'une délicatesse
rares. 11 avait imaginé une Académie comme on en eût rêvé une dans l'atmosphère où se passe la
Chartreuse de Parme, et les membres de ce cénacle innommé procédaient, dans un palais de splendide
architecture, à l'examen du modèle féminin.

Cette toile, qui est extraordinaire à un certain point de vue, appartient aujourd'hui à M. Stewart,
qui n'a pas moins de dix à douze tableaux de l'artiste, et des plus importants. Bien qu'il soit très-
difficile de faire comprendre l'œuvre à qui ne l'a point vue, nous allons cependant le tenter.

Fortuny a donné comme cadre à sa fantaisie l'étonnante salle d'entrée des grands appartements
du palais de l'ambassade d'Autriche à Rome; les colonnes de marbre et de porphyre se détachent sur
le fond des grandes verrières qui éclairent le vestibule à l'entrée, et, comme si ce n'était pas assez de
la richesse de cet étonnant intérieur (que la plupart de ceux qui sont allés à Rome connaissent cer-
tainement), l'artiste a meublé ces fonds de groupes de marbre et de bronze empruncés au Vatican. A
la hauteur des chapiteaux des colonnes, pour ajouter encore à la richesse, il a laissé voltiger dans l'air,
comme l'eût fait un décorateur pour une fête, des draperies splendides qui viennent s'attacher aux
fûts. Les murs de marbre de la salle sont couverts de cuivres, de bras de lumière, de glaces de Venise,
de consoles dorées qui portent des bustes de matières précieuses. Des grandes tables de mosaïque
portées par des satyres en métal ou en bois dorés, dans le goût du Brustolone, s'appuient aux murs à
droite et, monté sur ce marbre même, le modèle féminin, dans tout son jour et son entière nudité, a
pris la pose et s'offre au regard d'une dizaine d'académiciens en habits de cour à la Louis XV. Les
vieillards qui entourent cette Suzanne sans pruderie sont vêtus des étoiles les plus suaves, des couleurs
les plus osées, celles qu'on appelait alors des noms les plus étranges, les « zinzolin », les « cuisses de
 
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