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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 8.1882 (Teil 1)

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Prat, J. G.: Silhouettes d'artistes contemporains, [4]: Franҫois-Louis Franҫais
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https://doi.org/10.11588/diglit.19293#0099

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82

L’ART.

les bois, les champs, les larges chemins inondés de lumière, les sentiers mystérieux dissimulés
dans l'ombre, les neiges de l'hiver, le sourire du soleil à travers les pousses nouvelles et sur
les mousses rajeunies, les moissons jaunissantes de l’été, l’aspect mélancolique de l’automne, les
vieilles et majestueuses futaies, les riants taillis, le ciel gris et nuageux, l'azur étincelant, les
transparentes clartés du matin, les embrasements du soir, les lueurs vagues de la blonde Phcebé,
il a tout exprimé, tout représenté, tout reproduit, avec une vigueur, avec une netteté, avec un
amour de son sujet et une science de composition admirables.

11 n’est personne qui ne reconnaisse en Français un dessinateur de premier ordre. Sa
peinture seule est contestée, Les uns la trouvent trop terne et trop grise; d’autres l'accusent
d’être molle et cotonneuse.

Entendons-nous. Il y a deux écoles. L’une fait passer le dessin avant tout, et non sans une
certaine raison, puisque le dessin est la base même de l’art; l’autre, le plus souvent pour dissi-
muler son infériorité comme crayon, procède par empâtements, par profusion de couleurs
éclatantes, de manière à former de loin de véritables trompe-l’œil.

Or, il est certain que Français incline par goût et par raisonnement vers l’école du dessin;
mais il n’est pas moins certain non plus qu’il ne sacrifie en aucune façon la couleur. Je prends,
pour appuyer ma thèse, les trois toiles qui sont au Luxembourg et que tout le monde est à
même de voir.

i° Un Coucher de soleil à Montoire. —- Nous sommes au bord d’une rivière au cours
tranquille. De chaque côté, sur la rive verdoyante, de grands peupliers de Hollande dressent
hardiment dans les airs la silhouette gris sombre de leurs troncs vigoureux et leurs rameaux
dépouillés; car nous entrons à peine dans la saison du renouveau. Au fond, derrière une colline
à demi noyée dans la brume, le soleil s'est abaissé, éclairant de ses reflets d’or pâli 1 horizon
lointain, le ciel zébré de nuées floconneuses, un nuage plus sombre qui semble ramper à terre,
et la nappe grossie de la rivière, où se joue une bande de canards.

Sur le premier plan, un pêcheur retire son épervier, tandis que tout auprès une villageoise
et un villageois regardent dans un baquet le poisson déjà pris.

Voilà tout le tableau. Nous croyons qu'il est bien difficile de rendre la nature d’une façon
plus réelle et plus magistrale, avec un dessin plus correct, avec une peinture plus ferme et plus
solide. Pour tous ceux qui ont un peu vécu de la vie de la campagne, qui ont regardé, qui
ont observé, ce paysage doux, paisible, aux teintes unies, est bien celui de nos froides régions,
vers la fin de l’hiver. Ce soleil sans chaleur, ce ciel encore glacé, ces arbres défeuillés, qui ne
les a vus cent fois? La scène est douée d’une vie si intense, malgré l'apparente humilité du
sujet, les détails sont si vrais et si soignés, que l’on s’y trouve soi-même comme transporté.

2° Orphée. — Ici nous tombons dans le paysage à la Poussin, dans le paysage historique,
mythologique.

Orphée vient de perdre sa chère Eurydice. Accablé sous le poids de sa douleur, il est là,
appuyé contre un arbre, au premier plan. Sa lyre gît à ses pieds. Une rangée de cyprès cente-
naires borde le tableau à droite; à gauche se déploie un vigoureux massif de lauriers et de
chênes verts, au fond duquel se dresse obliquement un mausolée magnifique en marbre blanc.
Des théories de jeunes filles, vêtues de blanc, viennent se lamenter sur la tombe à peine fermée
de leur compagne. Elles sont arrivées par un chemin en pente, dont la déclivité rapide laisse
apercevoir, dans le vide qu’elle forme, un profond et lointain paysage. Un mince croissant de
lune, environné d’un léger halo jaunâtre, monte lentement dans l'éther, éclairant toute la scène
d'une lueur douce et cendrée; le ciel clair piqué de quelques étoiles, la campagne éloignée, la
cime des grands arbres et le sommet du mausolée, un large banc de pierre, des parties de gazon
et de terrain noirâtre, et, enfin, Orphée sur le devant.

Eh bien! nous ne craignons pas de le dire, ce tableau est pour nous un véritable tour de
force. L'illusion est complète. C'est la nature prise sur le fait, dans une chaude nuit d'été, quand
la chaste" Diane verse du haut de l'empyrée, sur les monts et les plaines, sur les bois et les
moissons, sur les êtres endormis, les flots de ses rayons argentés. De cette toile se dégage une
 
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