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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 8.1882 (Teil 1)

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Leroi, Paul: Alexis Febvre, [2]
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236

L’ART.

population de Grandcamp, où il avait des propriétés, de parcs à huîtres modèles qu’il installa
avec tous les perfectionnements imaginables. De superbes rapports insérés au Journal Officiel
témoignèrent de l’admiration gouvernementale pour cette entreprise d’ostréiculture qui est
demeurée légendaire parmi les amis de Febvre. Animé de la foi la plus robuste, il n’en rencontrait
pas un sans lui promettre une bourriche que tous reçurent la semaine des quatre jeudis. Les
huîtres mouraient comme des mouches, au sein des perfections protectrices dont il les entourait,
et il était le dernier à s’en apercevoir, fortifié qu’il était dans ses robustes convictions par la
médaille que lui avait spontanément décernée le ministère de la marine. Le pouvoir, à force de
s’extasier devant le contenant, n’avait oublié que de s’occuper du contenu !

Mais Febvre ne fut jamais l’homme des illusions inébranlables. Un beau matin ses huîtres
lui apparurent dépourvues de prestige. Aussi, pour s’en débarrasser, n’hésita-t-il pas à s’amputer
sur-le-champ de quelques centaines de mille francs, et, tout joyeux de s'ètre dépêtré de ses
mollusques, il revint définitivement cette fois à la peinture dont il s’occupa désormais jusqu’à
ses derniers jours, bien moins au point de vue du négoce qu’en amateur tout inquiet de satisfaire
ses passions d’artiste. Ce fut également alors qu’il forma sa collection d’émaux et de majoliques
absolument belle et qu’il tenait jalousement sous clef, ne la laissant entrevoir qu’à quelques
intimes à qui il ne cachait pas qu’il l’avait uniquement entreprise au point de vue de sa réputa-
tion posthume de connaisseur sérieux.

V

Ses brusqueries ne dissimulaient que fort mal un cœur d’or. Notre confrère, M. Auguste
Dalligny, n’a fait que lui rendre justice en écrivant dans le Journal des Arts 1 : « Le nombre de
gens qu’il a obligés est considérable. » Et, même sous les apparences les plus excentriques, il
avait l’art de le faire de la façon la plus délicate, ce qui est la meilleure manière de doubler
le prix d’un service. Je n’en citerai qu’un exemple dont je suis à même d’attester la parfaite
exactitude et parce que je sais être l’interprète fidèle d’un ami commun qui lui conserve le plus
reconnaissant souvenir. La personne dont il s’agit, passionnée pour tout ce qui touche à l’art,
venait subitement d’être obligée de demander à cette passion ses moyens d’existence. Elle avait
eu le bonheur de trouver le plus bienveillant accueil, suivi du plus efficace appui, chez
MM. Charles Mannheim et Charles Pillet. Febvre ne lui fut pas moins serviable sur un mot de
recommandation de son vieil ami Etienne Le Roy2, et voici une des originalités auxquelles il
eut recours pour être très efficacement utile au nouveau venu sans que celui-ci pût s’en douter :
Un vieux brave homme infirme était mort, à peu près inconnu, entouré de petits tableaux qui
avaient été sa suprême consolation ; la vente avait lieu suivant les volontés du défunt, à six
heures du soir, dans son modeste et très lointain logis, vente ignorée et que le hasard avait
apprise à Febvre le jour même des enchères. Il y court, achète presque tout pour rien, et c’était
à peu près exclusivement des morceaux de maîtres qui lui eussent donné un gros bénéfice —-
un très excellent tableautin de Millet entre autres, une jeune paysanne qui est entrée dans la
collection choisie d’un amateur belge. — Il se faisait tard; Febvre empila ses conquêtes dans un
fiacre, et fouette cocher ! le temps de déposer le tout dans le vestibule de la maison qu’il occupait
alors rue Saint-Georges, n° 14, et de courir dîner ou plutôt souper dans un des cabarets du
boulevard des Italiens. Il mourait de faim, avait large appétit, fit grandement honneur au repas,
causa avec plus de verve que jamais — dans l’intimité c’était un causeur incomparable. —•
Le temps s’était si bien écoulé que ce fut à deux heures du matin seulement qu’il se
retrouva devant sa porte. Entrer et ressortir fut l’affaire d'un instant, et, s’étant juré de ne
pas se coucher avant d’avoir mis à exécution le projet qu’il ruminait, il s’en alla sonner

1. Numéro du g décembre 1881.

2. Son testament, tout semé de legs généreux, témoigne de la vivacité de ses amitiés. C’est ainsi que désignant les experts chargés
de la vente de ses tableaux, il prie, en souvenir d’Etienne Le Roy, son fils M. Victor Le Roy, commissaire-expert des Musées Royaux de
Belgique, de se charger de cette mission avec M. Charles George, qu'il tenait avec raison en particulière estime.
 
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