L’ART DÉCORATIF
rempli les prunelles, rentre chez lui et
cherche à retrouver par sa peinture l’évo-
cation de ces splendeurs. Ici intervient la
part de restriction qu’il y a presque toujours
à faire devant l’œuvre de Turner : ce sont
là des pochades géniales, des maquettes de
décors grandioses, mais où demeure tou-
jours ce caractère d’improvisation et d’ina-
chevé. N’est-ce pas assez, pour la gloire
aussi de tout le souvenir d’un passé dont
la trace fraîche est encore sensible partout.
Il a senti, à une époque où tous les autres
ne montraient encore devant ces merveilles
qu’un étonnement banal ou la plus épaisse
inintelligence. On ne voit guère qu’artistes
et poètes eux-mêmes aient sensiblement dé-
passé, à ce moment-là, l’état d’âme du Pré-
sident Des Brosses.
TURNER
d’un artiste, que d’avoir ainsi fixé des spec-
tacles contemplés ce qu’ils offraient de plus
impondérable, quitte à négliger leurs parties
plus consistantes.
Turner n’en a pas moins découvert la
vraie et rare magnificence des paysages vé-
nitiens ; il restera assurément un des peintres
les plus prestigieux de Venise, et il a ouvert
une voie à la vision des coloristes. 11 a la
gloire d’avoir senti et compris, en un lieu
où tout semble vous exhorter à un sen-
timent puissant et subtil, fait de l’étrangeté
déconcertante du site, de la beauté souve-
raine des harmonies de nature et d’art, et
Près de Venise (National Gallery, Londres)
Turner, lui, a retrouvé la compréhension
de Venise qu’avaient dû avoir les maîtres
vénitiens pour en retirer leur conception
d’art, et le peuple même de la République
pour concevoir l’ordonnance de ses fêtes et
de ses cérémonies.
Mais si Turner est le peintre qui s’est
le premier et les plus complètement pénétré
du caractère de Venise (certaines aquarelles
antérieures de Bonington, fort intéressantes,
ne doivent pourtant pas être oubliées), il ne
nous appartient pas d’omettre un peintre
français qui demeure aussi un initiateur :
c'est Ziem. En effet, si les tableaux vénitiens
i o
rempli les prunelles, rentre chez lui et
cherche à retrouver par sa peinture l’évo-
cation de ces splendeurs. Ici intervient la
part de restriction qu’il y a presque toujours
à faire devant l’œuvre de Turner : ce sont
là des pochades géniales, des maquettes de
décors grandioses, mais où demeure tou-
jours ce caractère d’improvisation et d’ina-
chevé. N’est-ce pas assez, pour la gloire
aussi de tout le souvenir d’un passé dont
la trace fraîche est encore sensible partout.
Il a senti, à une époque où tous les autres
ne montraient encore devant ces merveilles
qu’un étonnement banal ou la plus épaisse
inintelligence. On ne voit guère qu’artistes
et poètes eux-mêmes aient sensiblement dé-
passé, à ce moment-là, l’état d’âme du Pré-
sident Des Brosses.
TURNER
d’un artiste, que d’avoir ainsi fixé des spec-
tacles contemplés ce qu’ils offraient de plus
impondérable, quitte à négliger leurs parties
plus consistantes.
Turner n’en a pas moins découvert la
vraie et rare magnificence des paysages vé-
nitiens ; il restera assurément un des peintres
les plus prestigieux de Venise, et il a ouvert
une voie à la vision des coloristes. 11 a la
gloire d’avoir senti et compris, en un lieu
où tout semble vous exhorter à un sen-
timent puissant et subtil, fait de l’étrangeté
déconcertante du site, de la beauté souve-
raine des harmonies de nature et d’art, et
Près de Venise (National Gallery, Londres)
Turner, lui, a retrouvé la compréhension
de Venise qu’avaient dû avoir les maîtres
vénitiens pour en retirer leur conception
d’art, et le peuple même de la République
pour concevoir l’ordonnance de ses fêtes et
de ses cérémonies.
Mais si Turner est le peintre qui s’est
le premier et les plus complètement pénétré
du caractère de Venise (certaines aquarelles
antérieures de Bonington, fort intéressantes,
ne doivent pourtant pas être oubliées), il ne
nous appartient pas d’omettre un peintre
français qui demeure aussi un initiateur :
c'est Ziem. En effet, si les tableaux vénitiens
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