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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 7,1.1905

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Klingsor, Tristan: Les aquarelles de Gaston Prunier
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https://doi.org/10.11588/diglit.44575#0223
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LES AQUARELLES DE GASTON PRUNIER

J’ai fréquemment observé que les artistes
réalistes étaient une sorte de magiciens
beaucoup plus surprenante que les peintres
des rêves les plus extravagants. Car la pre-
mière impression que donnent ces réalistes
— je parle des artistes — est en effet une
impression de surprise. Nous sommes, de-
vant leurs œuvres, frappés de reconnaître
subitement un aspect de la nature que nous
avions souvent eu sous les yeux et que
pourtant nous n’avions jamais vu. Et cette
surprise est d’autant plus vive que le sujet
est pris dans la réalité la plus coutumière.
C’est là le secret de leur magie.
Mais c’est là aussi qu’on reconnaît les
véritables artistes; c’est cela qui nous avertit
de la personnalité de leur vision; c’est cela
qui nous fait distinguer ceux qui ont quelque
chose d’inédit à dire de ceux qui s’enlisent
plus ou moins dans l’inutile imitation. C’est
que la condition primordiale de l’art est
d’éprouver devant la nature une émotion
neuve; la seconde est de traduire cette émo-
tion. D’où il résulte qu’on pourrait diviser

les peintres en quatre catégories : ceux qui
n’ayant rien à dire ne nous donneront ja-
mais cette surprise dont je parlais et qui,
se contentant de suivre les autres, seront
gens de talent ou médiocres selon qu’ils
sauront ou non leur métier; puis ceux qui,
ayant une personnalité, se réaliseront mal
et seront des instinctifs incomplets, ou se
réaliseront parfaitement et seront tout bonne-
ment des artistes.
Gaston Prunier est de ceux-ci. Il sera
facile en effet de vérifier qu’il allie à l’im-
prévu d’une vision des choses bien à lui, la
maîtrise de la traduction. Il découvre dans
le spectacle de la rue ou de la nature son
côté sévère et presque tragique dans sa sim-
plicité; et ce spectacle n’émeut pas seule-
ment le peintre, il émeut aussi l’homme.
Gaston Prunier ne voit pas seulement des
lignes ruées dans des ciels tourmentés, sil-
houettes de murs en ruines, d’échafaudages
ou de rochers déchiquetés; il ne' voit pas
seulement des taches de couleur puissante,
bruns sombres et rouges sanglants opposés


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