A. BESNARD
muette, glissement en silence entre
des formes spectrales qui semblent
surgir d’on ne sait quel passé, se sur-
vivre comme en dehors des temps.
Et cette évocation de conte, avec
son enveloppe de décor ensoleillé ou
lunaire, appelle avec elle une idée
d’Orient. Tout, en effet, porte ici la
trace des relations maritimes de la
République vénitienne, de l’incessant
contact avec Byzance, la Grèce, l’Asie
Mineure, les îles, la côte d’Afrique.
Cette orfèvrerie de pierre des palais,
cette étonnante gageure d’apporter un
travail aérien, fait de souffle et de
jour, dans les matériaux résistants de
la construction, ne vient-elle pas des
Arabes autant que des Gothiques ?
L’abondance des dômes et des campa-
niles, aussi bien que les façades roses,
rouges ou jaunes, que multiplie leur
reflet intense prolongé dans les eaux
en mouvement, manifestent aussi des
formes et des couleurs de suggestion
franchement orientale ; et n’entre-t-il
pas au surplus, dans notre impression
d’Orient, cette apparition de Venise
dans sa gaine de lumière dorée, qui
semble, lorsqu’on arrive du Lido, sur
la lagune, un perpétuel mirage, prêt
à s’évanouir entre le ciel et l’eau.
La population elle-même était toute
mélangée d’Orientaux, aux fastueuses
G. MITI-ZANETTI
Tristesse