F. MAILLAUD
l’éternelle poésie de Venise. Il semble que
cette poésie, dont on se sent à tout heure
imprégné, acquière une intensité particu-
lière et comme une plus ensorcelante magie
à partir du moment où le soleil a sombré.
Poésie de la nuit, tel est le titre même d’un
des plus récents tableaux peints à Venise
par M. Vail : au-dessus du pont de la Paille,
dont deux femmes drapées du châle des-
cendent les larges marches, le Palais Ducal
dresse ses arcades ; et sous les rayons lu-
naires on dirait que les pierres deviennent
elles-mêmes lumineuses et répandent une
clarté merveilleuse dans la nuit, pareilles
à l’albâtre transparent d’une lampe de sanc-
tuaire. Au fond, la façade de l’Ancienne Bi-
bliothèque reflète toute la lumière de la
Piazzetta. On sent là toute la tiède caresse
de ces ciels veloutés, la limpidité de ces
nuits où la lune semble pétrir à nouveau
les architectures dans une matière admira-
blement rare et scintillante, ou bien encore
où vibrent si nettes les étoiles semées à
profusion.
Dans l’état de rêve et d’enchantement
où l’on se trouve alors plongé, ne se sent-
on pas amené à reconnaître, dans les mu-
siques qui naissent sur l’eau, comme l’éma-
nation nécessaire de toute cette beauté éparse,
P. FRANC LAMY
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La Sainte au Soleil couchant