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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 7,1.1905

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Félice, Roger de: La peinture aux salons
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https://doi.org/10.11588/diglit.44575#0279
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L’ART DÉCORATIF

— Tune tout en blanc avec des rappels de
noir : sa chevelure brune, une cordelière à
pompons de soie en guise de chaîne-sautoir;
l’autre blonde et tout en noir avec des rap-
pels de blanc : col de guipure, ombrelle
coupant la jupe — ont un mouvement vrai,
souple, gracieux sans mièvrerie, qui est d’un
grand charme. L’opposition du noir et du
blanc n’est pas criarde : le bleu foncé de la
mer les relie puissamment dans le haut, et
les «fait chanter»; une belle lumière, rose

et dorée, les harmonise.
Blanc encore, et élégant aussi, le grand
Goûter de M. Avy. Sur la terrasse d’un
château, une aïeule, des dames en robes
claires, des messieurs très bien habillés, se
groupent autour d’une table à la nappe
éclatante, luisante de calandrage, où mi-
roitent des reflets roses. Une belle nature
morte, vivement et largement peinte: fruits
dorés, argenterie, cristaux, porcelaines
blanches. Une ombrelle en satin rosé, ou-
verte et vue de face, a un relief extraordi-
naire, tellement que son manche doit bien
avoir six pieds de long : elle vient en avant
de la table, et la jeune femme qui la tient
est derrière... Une jeune hile, inondée de
reflets vermeils, qui vient entre deux parties
de tennis faire un bout de causette, a une
silhouette d’une bien jolie souplesse. C’est
très habile, tout à fait au goût du jour,
séduisant, sans profondeur aucune.
Les tableaux de M. Hoffbauer se sui-
vent et ne se ressemblent point ! Le voilà
converti aux modernes élégances. Ses dî-
neurs ou soupeurs en partie carrée sur une
terrasse de New-York, hommes en habit las
de la course aux dollars de la journée et
qui s’assoupissent dans leurs rocking-chairs,
femmes de luxe parées comme des idoles,
sont d’une matière un peu mince et lisse,
avec des luisants désagréables, mais d’une
observation amusante, d’une extrême virtuo-
sité. Et ce paysage fantastique, ce ciel noc-
turne découpé en tranches par les rais des
projecteurs électriques, ces skyscrapers,
maisons « gratte-ciel » à vingt étages, aux
mille fenêtres éclairées, ces vapeurs blanches
de Velevated qui passe... comme «ce doit
être cela»! C’est de toute évidence, même
pour qui n’a jamais passé l’Atlantique, et
notre badauderie se délecte.
Reposons-nous un peu des mondanités
en nous arrêtant un moment — ils en valent

la peine — devant les rustres de M. Mil-
cendeau. Avec une simplicité fruste, un
franc bariolage de couleurs fortes qui rap-
pelle les faïences populaires, une facture
qui a elle-même quelque chose de paysan,
les voilà peints tels qu’ils sont, sans ou-
trance à la Zola, comme sans affadissement
idyllique; et, à force de scrupuleuse vérité,
ces hommes de la glèbe atteignent à une
véritable grandeur typique. Il est plaisant
que les rudes Maraîchins de la Scène fami-
liale, du Repas de paysans ne soient autres
que les douceâtres héros de M. René Bazin,
rendus au naturel !
M. Chialiva, qui a la spécialité des
gardeuses d’oies, dindons, moutons et autres
bêtes, nous offre un vrai régal avec sa jeune
baigneuse rustique, surprise au bord d’une
rivière par on ne sait quel indiscret, qui
met en fuite, dans un grand tumulte de
coins-coins et battements d’ailes, son trou-
peau d’oies apeurées. On entend les cris
des bêtes, l’eau remue, les reflets dansent,
la lumière vibre, c’est débordant de mouve-
ment et de vie. M. Chialiva, dont, si je ne
me trompe, voilà presque le début, a sûre-
ment un bel avenir d’artiste devant lui.
Dans le Dîner de la petite commu-
niante, où l’éclairage de la lampe est si
franchement rendu, où tout est vif, sincère,
— la petite, toute raidie dans son impor-
tance d’un jour, la bonhomie du grand-papa
qui porte un toast, l’attendrissement de la
grand’mère, la griserie que le « grand mous-
seux » met au cerveau de cette tablée de
bonnes gens avant même que d’être bu, —
M. Devambez nous convainc une fois de
plus qu’il est un des plus beaux peintres
d’aujourd’hui par la solidité magistrale de
son métier et son réalisme ramassé, à la
Maupassant, où la pointe d’ironie se fait à
peine sentir, mais n’est jamais absente.
Chez M. Veber, la fantaisie est effrénée,
les charges sont folles, mais toujours sou-
mises à un style très sûr; la verve s’en
donne à cœur-joie, mais ne tombe jamais
dans le trivial. Voyez l’irruption de l’auto-
mobile aux voyageurs vêtus de peaux de
bêtes dans un petit village de la Navarre
espagnole, le galop des chiens, l’excitation
des gamins, les imprécations des indigènes,
la reculade terrifiée des mules, le branle
affolé de la cloche... C’est irrésistible. Et
cette scène de casino ! cette ruée des mains
 
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