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LE POUSSIN, CREATEUR DE RYTHMES
PAR PIERRE COURTHION
Entre les diverses particularites qui font le genie du Poussin: le choix, le contröle,
l’ordre dans le travail, le lyrisme contenu, canalise, conduit par la raison, il en est
une qui predomine et gräce ä laquelle les peintures du maitre francais s’imposent ä nous
avec un caractere tranchant et fort original. C’est une extraordinaire faculte de creer
des rytlrmes.
Dans les arts plastiques, le rythme est souvent reparti au detriment de l’harmonie
generale lorsque, en introduisant le dynamisme dans les lignes et le tourmente dans les
expressions, il vient rompre le calme statique des oeuvres. Aussi-bien, est-il assez rare
de trouver, contenu dans une peinture ou une sculpture, «un mouvement qui ne de-
place pas les lignes». Cet admirable accord de mouvement et d’immobilite nous est
donne par la Victoire de Samotlirace. Ce bloc, ce morceau contient, sublimee dans
la limite de ses proportions tres-arretees, une enorme quantite de vie. Le torse aile
s’elance de toute sa force concentree et cela bouge, pour ainsi dire, sans venir en rien
troubler la serenite de l’ensemble. Certes, avec Poussin, il nous faut un peu descendre
de ces regions elevees oü nous transporte ce chant de la Grece.
Pour etudier ce sens du rythme que possedait le Poussin, nous devons laisser de cöte
ses premiers tableaux dans lesquels les defauts de secheresse et un certain isolement
des figures sont faciles ä relever. Erreurs dont le grand artiste se devait corriger, car
il apporta, plus tard, dans l’arrangement de ses divers themes, un souci tres-louable.
Ce que nous voulons, c’est examiner les grands travaux du Poussin pour en degager
les nombreux rythmes qui les parcourent. Apres quoi nous pourrons constater dans
quelle mesure le grand peintre possedait le sens du mouvement.
Voici l’Enlevement des Sabines. C’est le theme que donne l’histoire: du seuil
d’un portique, Romulus, elevant son manteau de pourpre, commande aux assaillants
de ravir les vierges Sabines (fig. i).
Regardez la scene tel que Poussin l’a concue. D’un cöte un Romain brutal s’est empare
d’une malheureuse qui lui tire les cheveux de toute sa force revoltee. Une mere qui
s’est jetee ä genoux essaye, mais en vain, d’apitoyer la soldatesque. De l’autre cöte du
tableau un groupe s’enfuit, pris de panique: c’est une Sabine protegee par son pere;
le masque de ce dernier est empreint de la terreur la plus vraie.
Puis, au pied des maisons et devant le temple, tout une populace vit, grouille, s’agitte
dans l’emotion de la surprise. La folie gagne les assaillants autant que les assaillies.
Les uns vont ä gauche, les autres ä droite. Deux chevaux blancs se ruent en tous
sens. Le fremissement de ces corps qui se bravent est immensement deploye sur ce
carre de toile. Le rythme de 1’ affolement general contraste avec l’immobilite du temple

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