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Blouet, Abel [Editor]; Ravoisié, Amable [Editor]
Expedition scientifique de Morée: ordonnée par le Gouvernement Français ; Architecture, Sculptures, Inscriptions et Vues du Péloponèse, des Cyclades et de l'Attique (Band 1) — Paris, 1831

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https://doi.org/10.11588/diglit.666#0009
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INTRODUCTION.

m

de ports vastes et bien abrités, eût été la province la plus favorisée du Péloponèse, sans le voisinage des Lacédémoniens,
jaloux de toute prospérité étrangère.

La sainte Élide avait pour frontières la Messénie, l'Achaïe, l'Arcadie et la mer Ionienne.

L'Achaïe, à jamais célèbre par sa ligue , qui fut le dernier boulevard de la liberté des Grecs, terminait à
l'occident et au septentrion la presqu'île de Pelops que la mer des Alcyons séparait de la Locride et de la Phocide;
enfin la Sicyonie, patrie des plus célèbres artistes, située à l'extrémité orientale de l'Achaïe, était à peine aperçue entre
le territoire de cette contrée et celui de la Corinthie.

Au centre de ces provinces brûlantes s'élevait, comme la coupole d'un vaste édifice, la pastorale Arcadie.
Couronnée de montagnes ombragées de forêts, parsemée de villes florissantes et de hameaux pittoresques, arrosée par
les urnes inépuisables du Stymphale, de l'Olbios, de l'Alphée, du Ladon, de l'Erymanthe, du Cratis orgueilleux de
devoir son origine au Styx, et de mille sources vivifiantes, la mythologie, pour ajouter aux charmes de cette région,
l'avait animée de la présence de ses divinités champêtres. Les habitants des autres contrées du Péloponèse trouvaient
dans les vallées de l'Arcadie un printemps embaumé, des eaux froides, et une température d'autant plus délicieuse,
qu'elle contrastait éminemment avec celle des plaines de l'Elide et des contrées voisines.

Tels étaient, dans leurs circonscriptions, les royaumes et les républiques du Péloponèse, riche de cent onze
villes régies par des institutions tellement sages, que quelques-unes passaient pour être l'ouvrage des immortels. Une
sorte d'inspiration les avait adaptées au génie des habitants de chacune de ses régions. Sparte, placée dans un pays
agreste, avait établi pour principe de sa législation la guerre, l'orgueil, et le fanatisme de la liberté. L'Élide , au
contraire, était le sanctuaire des arts, de l'agriculture et de la paix. Ses riches campagnes et les bords harmonieux
de l'Alphée ne voyaient que des peuples amis, qui déposaient les armes, comme inutiles et sacrilèges, en entrant
sur son territoire aimé de Jupiter. La Messénie rappelait dans ses élégies le bonheur fugitif d'un peuple paisible,
dont la valeur n'avait pu défendre ses fertiles campagnes contre le féroce Spartiate. L'Achaïe , placée sur l'avant-
scène de la presqu'île, du côté où les Romains devaient paraître pour asservir la Grèce, citait ses victoires et la
sagesse de ses conseils. Corinthe, maîtresse du commerce des deux mers, vantait son luxe, son opulence et ses
courtisanes. L'Argolide revendiquait ses rois, dont la trompette épique et les poètes scéniques avaient célébré les
exploits, la gloire, les malheurs éclatants et les forfaits héroïques. L'Epidaurie, protégée par Esculape, fils d'Apollon,
et par Hygie, offrait des conseils, des secours et des asiles aux hommes dans les maladies qui les affligent. L'Arcadie,
mère des fleuves nourriciers de la Chersonèse de Pélops, s'attribuait l'honneur d'avoir vu naître des dieux dans
son sein, et d'être le berceau des Pélasges, qui avaient préparé l'ordre social, en rassemblant dans des villes murées,
les peuplades jusqu'alors errantes et vagabondes.

La Sicyonie brillait d'un éclat incomparable entre toutes ces autonomies, par la célébrité de ses écoles de peinture
et de sculpture, dont les chefs-d'œuvre, répandus dans toutes les villes, appelaient les, hommes à l'amour de la
patrie, à l'enthousiasme de la vertu, et au culte de la Divinité, sans lequel il n'y a ni société possible, ni bonheur
durable sur la terre. Une culture vivifiante, et les prodiges des arts qui enrichissaient le Péloponèse, étaient l'ouvrage
d'une population de deux millions d'habitants, autant qu'on peut en juger d'après l'étendue des villes et des terrains
propres à les nourrir.

Ainsi, tant de merveilles, qui seraient ailleurs les résultats du nombre et de la richesse des individus , furent ici
l'œuvre d'un génie céleste et d'une population moindre que n'est celle de l'Helvétie.

Il y aurait de quoi douter de la vérité de cet état de prospérité, et j'entends accuser d'hyperbole la vénérable anti-
quité. Abordons la question, en nous attachant à la moins fertile des provinces de la Hellade. L'Attique, à l'époque
la plus florissante de ses annales, lorsque vingt et un mille citoyens d'un âge adulte possédaient douze cent mille
livres sterling de revenu ( la moitié du budget de Paris ), occupait cependant la première place dans le monde?....
C'est qu'alors tous les citoyens osaient individuellement faire valoir la liberté de leurs pensées, de leurs paroles,
de leurs actions; que des lois impartiales défendaient leurs personnes et leurs propriétés, et qu'ils avaient une
action indépendante dans l'administration de la république. Les nuances si variées et si prononcées de leur caractère
semblaient augmenter leur nombre. Forts de la liberté, échauffés par le beau nom de patrie, soutenus par une noble
émulation, ils voulaient tous se mettre au niveau de la dignité nationale. Des individus d'un esprit ou d'un courage
supérieur s'élançaient au-delà des bornes d'un œil vulgaire; et, si nous suivions le calcul des chances ordinaires pour
compter les individus d'un mérite transcendant, on serait tenté de croire , d'après la foule de ses grands hommes, que la
république d'Athènes eut d'innombrables habitants, et que le Péloponèse fut peuplé par trente millions de Français.

Dans l'enthousiasme national, Athènes était surnommée Y asile ( oppi-mpîov ) de la Grèce. Les peuples menacés par
quelques invasions, dit Aristide, se réfugient dans son sein. Le Pirée et ses rades ouvrent des abris propices à
tous les navigateurs. La ville de Minerve est le centre d'où l'on peut visiter les îles de la mer Egée, qui forment
devant elle un chœur de nymphes, qu'on peut considérer comme ses, faubourgs et des parties de son vestibule;
Apollon l'a surnommée le prytanée et le palais de la Grèce; Pindare l'appelle son rempart et son appui.

Sparte, l'implacable rivale d'Athènes, possédait à elle seule le quart de la population de la Laconie. Au temps
de Lycurgue, le nombre des hommes libres en âge de porter les armes se montait à trente-neuf mille. Cette classe
étant généralement regardée comme le quart de la population, il s'ensuit qu'on peut fixer à cent cinquante-six
mille le nombre des citoyens de la Laconie ; celui des esclaves excédait cette quantité de plus d'un quart. L'Arcadie
possédait une masse guerrière beaucoup plus considérable. Tant de prospérités furent la cause première des malheurs
de la Hellade. Ses peuples libres étaient semblables à des rois que la fortune a corrompus; environnés de flatteurs qui ne

Expéd. en Morée. b
 
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