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Blouet, Abel [Editor]; Ravoisié, Amable [Editor]
Expedition scientifique de Morée: ordonnée par le Gouvernement Français ; Architecture, Sculptures, Inscriptions et Vues du Péloponèse, des Cyclades et de l'Attique (Band 1) — Paris, 1831

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https://doi.org/10.11588/diglit.666#0013
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INTRODUCTION. vu

Le registre, continue le chroniqueur, portait ensuite les noms de plusieurs chevaliers qui avaient obtenu le don
d'un fief, et ceux d'un grand nombre de sergents. On décréta, dans un parlement tenu à ce sujet, des règlements
empruntés à l'ancienne jurisprudence française, qu'on a appelés depuis Les bons droits et assises de Jérusalem. Il
fut arrêté, en conséquence, que ceux qui possédaient quatre fiefs lèveraient bannière et feraient le service de ban-
nerets, chacun étant tenu d'avoir sous son drapeau un chevalier et douze sergents. Ceux qui possédaient plus de
quatre fiefs furent appointés à l'entretien de deux sergents à cheval, ou d'un chevalier pour chaque fief; enfin,
les chevaliers qui n'avaient qu'un fief furent tenus de servir en personne, ce qui leur fit donner le nom de sergents
de la conquête.

Les blasons de nos familles historiques furent ainsi arborés aux portes de l'Acropole d'Athènes, de la Palamide de
Nauplie, de la citadelle Larissa et de la forteresse de Patras, que Villehardouin avait fait construire sur l'emplace-
ment de Sainte-Sophie, église qui avait succédé au temple de Diane Laphrienne. Ce fut plus tard que le pavillon de
Saint-Marc flotta sur les remparts d'sibarinus ou Navarin, à Méthone et à Colonis. Le marquis de Montferrat ayant été tué,
sa veuve fut déclarée régente du royaume de Thessalonique. Il est probable que la Morée secoua momentanément le
joug de ses dominateurs : les haines religieuses y contribuèrent puissamment; les malheurs de Guillaume, qni dut
restituer ses conquêtes à l'empereur grec, firent le reste.

Nous ignorons quel fut le casuel de Rome dans la Morée, objet de la convoitise du pape Innocent III. On remarque
dans une des lettres de ce pontife, adressée à l'archevêque d'Athènes, ce passage, qui explique la cause des ressen-
timents des Grecs : « Comme nous devons notre sollicitude pastorale aux Corinthiens, dès que leur ville sera au
« pouvoir des Latins, ce qui ne peut tarder, si la chose n'est déjà faite, que les brebis du Seigneur, ramenées à
a un seul pasteur, le connaissent et soient connues de lui. C'est pourquoi nous mandons et ordonnons à votre fra-
« ternité, si Corinthe s'est rendue au très-noble G., sénéchal de Romanie, et qu'il s'y trouve quelque évêque grec,
« d'user de prudence et de moyens efficaces pour l'amener à notre obédience, en exigeant le serment usité en pareil
« cas. S'il s'y refusait, vous procéderez aussitôt à son remplacement, en lui substituant notre cher fils H., doyen
« de Châlons. » Le pape qui traçait ce plan de capitulation, ordonnait de destituer les clercs réfractaires à son
autorité, et enveloppait la Morée dans le filet de saint Pierre, sous le titre de province ecclésiastique de Corinthe.

Tout peuple blessé dans sa croyance est doublement ennemi du conquérant qui attente aux droits de sa conscience
et de son indépendance. Il n'en fallait pas tant pour rendre les Péloponésiens contraires aux Latins, et même plus
favorables aux Turcs, qui toléraient leur culte, qu'à un pontife étranger, tel que le pape.

Vainement les Latins avaient couvert la Morée de donjons, fondé Mistra ; comme ils étaient généralement haïs,
ils se trouvaient campés et non établis à demeure sur le sol de la liberté primitive du monde. Ils durent, après
avoir éprouvé des revers, abandonner une partie des provinces qu'ils avaient conquises; et la Morée vit s'élever
le gouvernement des princes Roméiques, qui furent bientôt aux prises avec les Français.

Emmanuel est le premier Grec revêtu du titre de Despote, qui lui fut conféré par son père, en 1249, avec celui de
duc de Mistra. La fille de Jean de Lusignan , qui fut depuis roi d'Arménie, lui avait été accordée en mariage du vivant
de l'empereur Andronic le jeune; mais le traité ayant été rompu, il épousa une dame de Bulgarie et mourut le jour de
Pâques 1280. Emmanuel eut alors pour successeur Théodore Paléologue, fils puîné de l'empereur Jean qui, redoutant
la puissance de Bajazet, dont les hordes avaient paru dans la Béotie, vendit le duché de Sparte aux chevaliers de Rhodes,
et la seigneurie d'Argos aux Vénitiens. Les habitants de la Laconie avaient éprouvé trop de vexations de la part des
Latins pour se soumettre aux chevaliers ; et le despote , obligé de faire résilier son contrat, étant mort, son neveu,
despote de Selyvrée, fils puîné de l'empereur Manuel, hérita de cette principauté. Il épousa Cléope, de la famille des
Malatesta, qui mourut en i433, et ayant lui-même été moissonné par la peste en i448, son despotat échut à son frère
Constantin. Celui-ci, ayant été élevé à l'empire, transmit l'investiture de ce despotat à Démétrius, son frère, qui fut le
dernier prince grec de Morée.

On peut juger d'après ce récit que les seigneurs latins étaient depuis long-temps dépossédés de la Laconie et de l'Ar-
golide; mais ils conservaient les provinces situées au nord et à l'occident de la presqu'île.

L'empereur Robert d'Anjou, mort en i364, avait donné à Marie de Bourbon, son épouse, la province d'Achaïe, dès
l'année i35y, Calamate, avec les châteaux et autres dépendances, pour les posséder en fief noble et en baronnie, suivant
la coutume, s'en réservant, et à ses successeurs, la seigneurie directe. Il avait ajouté à ces dons, par acte passé à Naples
en i359, le village alors désert de Poscarinicon et la montagne de Moudrinitza, pour joindre au château de Phanarion,
qu'elle avait acheté de Guillemette de Charoi, ci-devant dame de Vostitza, en lui accordant l'investiture par l'anneau
d'or. Ces ventes étant des espèces de dotations très-aventurées, l'impératrice Marie de Bourbon et son fils, Hugues de
Cypre, prince de Galilée, s'étaient empressés, du vivant de Robert d'Anjou , de vendre à la maison de Neri les baronnies
de Vostitza et de Nivelet. La remise en fut faite à cette famille le 17 mars i364, par Alexandre de Brancas, maréchal du
roi de Sicile.

Il en était temps ; car les Centerions, famille puissante de Gênes, concurremment avec les Paléologues et les Zacharias
Mellissènes, issus d'Alexis Strategopoulos, qui avaient expulsé les Latins de Constantinople, s'emparaient pied à pied
du Péloponèse. Les Vénitiens et les Turcs étaient sur le point de s'y trouver en présence. Ces derniers, qui y avaient déjà
fait quelques incursions, étaient parvenus, au mois de décembre, à renverser la muraille de l'isthme, et Amurath,qui
les conduisait, avait incendié Patras.

Expéd. en Morée. d

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