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des Celtes , qui, avant l'ère chrétienne , se hasardaient à passer le Rhin et
à se fixer en Germanie , traversaient le fleuve près de ce coude, un peu
en amont, précisément auprès de la localité avantageuse occupée par le
hameau principal des Rauraques. Au moment de la grande tentative d'émi-
gration des Helvétiens, les Rauraques s'étaient joints à leurs compatriotes,
et, avant de quitter leur pays, ils avaient imité leur exemple: ils avaient
mis le feu à leurs bourgades, à leurs hameaux, à leurs métairies isolées;
et dans cet incendie général, prémédité, Rauricum ou Rauracum s'était
aussi abîmée dans les flammes. Puis, lorsque les Helvétiens eurent été
refoulés, par César, du centre de la Gaule et forcés par lui de rentrer
dans leurs foyers, les Rauraques avaient repris leurs anciens domiciles;
Rauracum sortit de ses cendres.
Quarante ans plus tard, l'empereur Auguste, déterminé sans doute
par l'importance de ce passage sur le Rhin, y envoya une colonie mili-
taire, sous la conduite de Lucius Munatius Plancus (740 de Rome).
Quel était ce personnage, auquel le souverain de Rome confiait une
aussi importante mission ? Nous sommes obligés de recomposer sa bio-
graphie à l'aide de quelques lettres échangées entre lui et Cicéron , à l'aide
de quelques rares fragments disséminés dans les mémoires de César, dans
Suétone, dans Vellejus Paterculus, et à l'aide de la célèbre inscription
encastrée dans le monument sépulcral de Cajeta. Mais ces indications suf-
fisent pour laisser entrevoir la physionomie de l'homme. A ne le juger
que par l'importance des fonctions qu'il a remplies dans sa longue car-
rière, on dirait que Lucius Munatius Plancus a dû être un grand et hono-
rable citoyen. Si jamais les apparences ont été trompeuses, c'est en son
endroit. Le lieutenant de César appartient à la classe des transfuges ha-
biles, qui passent, au gré des circonstances, d'un camp dans un autre. A
lui s'appliquent les vers cornéliens:
«Lorsque deux factions se disputent l'empire,
« On choisit au hasard la meilleure ou la pire. »
Il débute, l'an 694 de Rome (ère de Varron), dans les grands emplois,
comme questeur; en 699 il est. tribun du peuple; l'année suivante, en
700 de Rome, nous le trouvons comme chef de légion avec César, dans
les Gaules. (Bell. Gall., V, 24.) Il parait avoir joui de toute la confiance
de son général. Après le retour de César de la campagne contre les Prê-
tons et Cassivelaunus, l'armée romaine prit ses quartiers d'hiver; mais
une grande disette affligeait alors la Gaule septentrionale; il fallait dissé-
miner les troupes sur un grand espace de terrains. Trois légions furent
placées dans la Gaule belgique; l'une, sous les ordres de Marcus Crassus,
des Celtes , qui, avant l'ère chrétienne , se hasardaient à passer le Rhin et
à se fixer en Germanie , traversaient le fleuve près de ce coude, un peu
en amont, précisément auprès de la localité avantageuse occupée par le
hameau principal des Rauraques. Au moment de la grande tentative d'émi-
gration des Helvétiens, les Rauraques s'étaient joints à leurs compatriotes,
et, avant de quitter leur pays, ils avaient imité leur exemple: ils avaient
mis le feu à leurs bourgades, à leurs hameaux, à leurs métairies isolées;
et dans cet incendie général, prémédité, Rauricum ou Rauracum s'était
aussi abîmée dans les flammes. Puis, lorsque les Helvétiens eurent été
refoulés, par César, du centre de la Gaule et forcés par lui de rentrer
dans leurs foyers, les Rauraques avaient repris leurs anciens domiciles;
Rauracum sortit de ses cendres.
Quarante ans plus tard, l'empereur Auguste, déterminé sans doute
par l'importance de ce passage sur le Rhin, y envoya une colonie mili-
taire, sous la conduite de Lucius Munatius Plancus (740 de Rome).
Quel était ce personnage, auquel le souverain de Rome confiait une
aussi importante mission ? Nous sommes obligés de recomposer sa bio-
graphie à l'aide de quelques lettres échangées entre lui et Cicéron , à l'aide
de quelques rares fragments disséminés dans les mémoires de César, dans
Suétone, dans Vellejus Paterculus, et à l'aide de la célèbre inscription
encastrée dans le monument sépulcral de Cajeta. Mais ces indications suf-
fisent pour laisser entrevoir la physionomie de l'homme. A ne le juger
que par l'importance des fonctions qu'il a remplies dans sa longue car-
rière, on dirait que Lucius Munatius Plancus a dû être un grand et hono-
rable citoyen. Si jamais les apparences ont été trompeuses, c'est en son
endroit. Le lieutenant de César appartient à la classe des transfuges ha-
biles, qui passent, au gré des circonstances, d'un camp dans un autre. A
lui s'appliquent les vers cornéliens:
«Lorsque deux factions se disputent l'empire,
« On choisit au hasard la meilleure ou la pire. »
Il débute, l'an 694 de Rome (ère de Varron), dans les grands emplois,
comme questeur; en 699 il est. tribun du peuple; l'année suivante, en
700 de Rome, nous le trouvons comme chef de légion avec César, dans
les Gaules. (Bell. Gall., V, 24.) Il parait avoir joui de toute la confiance
de son général. Après le retour de César de la campagne contre les Prê-
tons et Cassivelaunus, l'armée romaine prit ses quartiers d'hiver; mais
une grande disette affligeait alors la Gaule septentrionale; il fallait dissé-
miner les troupes sur un grand espace de terrains. Trois légions furent
placées dans la Gaule belgique; l'une, sous les ordres de Marcus Crassus,