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Musées Royaux des Arts Décoratifs et Industriels <Brüssel> [Editor]
Bulletin des Musées Royaux des Arts Décoratifs et Industriels — 2.1902/​3(1903)

DOI issue:
No 6 (1903)
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https://doi.org/10.11588/diglit.24672#0048
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42

BULLETIN DES MUSEES ROYAUX

les trous, pour employer le terme si expressif des
artistes modernes, mais il se conforme aussi aux
exigences décoratives de toute tenture conçue
d’après les principes du goût et de la logique. Les
tapisseries sont, en effet, destinées à couvrir les
parois intérieures d’un édifice religieux ou civil
ou même d’un simple appartement. Il importe,
dès lors, de supprimer, autant que possible, les
perspectives géométriques ou aériennes qui trou-
bleraient cette heureuse harmonie de lignes que
tout architecte avisé s’évertue d’obtenir. Les tapis-
series ne nous doivent pas donner, en effet, la
sensation de profondeur que l’on éprouve devant
les tableaux modernes.

Les tapisseries du xve siècle produisent parfois,
il est vrai, une impression un peu pénible à cause
des entassements de personnages.

A cet égard rien n’est plus caractéristique que
les scènes de guerre qui se voient dans les tapisse-
ries trouvées dans le camp de Charles le 1 éméraire
et qui sont conservées actuellement au Musée
national de Berne. On voit encore un exemple
intéressant de ce parti pris dans la Bataille de Ron-
cevaux qui, de la collection de Somzée, est entrée
dans celles de l’État belge. Il faut même un temps
notable pour dégager les personnages qui se pres-
sent, se coudoient ou se massacrent dans un pêle-
mêle héroïque. Dans un autre ordre d’idées il con-
vient aussi de mentionner la tapisserie de la même
époque, acquise récemment pour la décoration de
la salle du Louvre, affectée à la donation Roth-
schild, et sur laquelle sont retracées, d’une part,
les noces de Cana, et, de l’autre, des scènes de la
multiplication des pains. Il faut une attention très
grande pour parvenir à trier les divers éléments de
cette composition. On ferait, à plus forte raison,
une observation analogue au sujet de cette tapis-
serie française du xve siècle reproduisant un bal de
sauvages (i).

Si l’architecte n’avait aucune objection à formu-
ler au sujet d’œuvres de ce genre, il est certain
qu’un goût un peu affiné n’y trouve guère son
compte. Au lieu d’entasser les épisodes ou de les
souder les uns aux autres, maître Philippe et ses
émules les répartissent sur des terrains sans pro-
fondeur, mais qui, logiquement, sont censés . pré-
senter une certaine déclivité, quoique les person-
nages évoluent avec autant d’aisance que sur un
terrain tout à fait plan. Us ne font plus naître en
nous la sensation d’un pêle-mêle ou d’une cohue ;
mais il va sans dire que les auteurs des modèles ne
sont pas arrivés d’un bond à ce résultat.

A des œuvres d’une lecture pénible succèdent

(i) Ce tableau textile appartient à l’église de N.-D.
de Nantilly près de Saumur.

des compositions auxquelles préside une symétrie
assez rigoureuse. Les auteurs des modèles prennent
leurs inspirations chez les peintres, et ils placent
les diverses scènes dans des cadres ingénieuse-
ment disposés. On a ainsi l’impression de se trou-
ver devant des triptyques ou des polyptyques
entièrement déployés. Témoin la belle tapisserie
de Bruges donnée au Louvre parle baron Davilliers;
témoin aussi les diverses scènes constituant la Vie
de la Vierge conservées dans le palais de Madrid.
On doit encore mentionner la tapisserie de la Glo-
rification de Jésus-Christ, dont nous venons de
parler (2).

C’est à cette tradition que se rattache l’ordon-
nance de la Communion d'Herkenbald. Les colonnes
qu’on y remarque n’ont pas la mission de présen-
ter, comme dans des cases, les divers épisodes, mais
bien d’alléger la scène d’ensemble sans en restrein-
dre l’importance ; elles contribuent de cette façon
à mettre en évidence le sujet principal, à savoir la
dernière communion du terrible justicier. En recou-
rant à l’ordonnance d’un retable ou même en n’em-
ployant que de simples colonnes, l’artiste impri-
mait plus d’unité à la composition.

On sait par les documents mentionnés plus haut
que Jean van Brussel avait fourni le croquis de
l’œuvre, et ce croquis devait au moin scontenir la
distribution générale.

Nous ignorons la valeur et le rôle de ce dernier
artiste. Mais si l’on tient compte, comme nous le
disions précédemment, de son surnom de van
Roome, on est quelque peu autorisé à croire qu’il
a connu au moins les devanciers les plus qualifiés
de Raphaël. Nous ignorons également sa réelle
situation vis-à-vis de maître Philippe. Serait-il
l’auteur de modèles ayant servi à exécuter la suite
célèbre de l’Histoire de la Vierge, etc., etc., appar-
tenant à la couronne d’Espagne? Dans l’état actuel
de la question, on ne peut formuler que des hypo-
thèses. Seulement il reste acquis, comme nous en
avons déjà fait la remarque, que maître Philippe
a connu et même étudié les compositions qui vien-
nent d’être mentionnées.

Jusqu’à présent on n’est pas fixé sur la personna-
lité de l’auteur de la Descente de Croix. Le nom
de Philippe De Mol a été suggéré par Alexandre
Pinchart ; mais, de la part de cet écrivain, c’est
une conjecture pure et simple. Il ne fournit
à ce propos aucun élément de preuve, sinon le
fait d’être un contemporain de Bernard Van Orley.

(2) Cette tapisserie provenant de la collection de
Somzée reproduit dans ses grandes lignes la tapisserie
fameuse provenant du château des Aygalades, qui a été
acquise par M. Pierpont Morgan, qui l’a déposée au
South Kensington Muséum.
 
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