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LA CHRONIQUE DES ARiTS
H sera décerné quatre prix. L'auteur de la
maquette qui aura obtenu ie premier prix
sera chargé de l'ensemble du monument. Il
recevra le bronze nécessaire à la statue et une
somme de 30.000 fr. sur laquelle 7.000 fr.
seront affectés au piédestal.
L'auteur du projet classé n° 2 aura droit à
3.000 fr. ; le troisième recevra 2.000 fr. et le
quatrième i .000 fr.
Nous avons dit que le jury chargé de juger
le concours du monument de l'Assemblée
constituante, à Versailles, avait désigné
pourle premier prix le projet de MM. Formigé,
architecte, et Coutan, sculpteur. La décision
du jury n'a été rendue qu'après deux tours
de scrutin et quatre heures de délibération.
Au premier tour, MM. Formigé et Coutan
d'une part, Pujol et Falguière d'autre part,
ont obtenu chacun 6 voix; le projet de
MM. Guillaume, de Samt-Marceaux et Hiolle,
1 voix.
Au deuxième tour ont obtenu : M. Formigé,
7 voix; M. Pujol, 6.
En vertu de l'article 13 du règlement du
concours, Je jury a nommé une sous-commis-
sion chargée d'examiner les modifications qui
pourraient être exigées par l'administration
sur le projet couronné, avant son exécution
définitive.
En outre le jury, parmi tous les projets
exposés, a recommandé spécialement à l'ad-
ministration des beaux-arts (à la suite d'un
vote) la statue de la République de M. Gra-
net, la statue de Mirabeau de M. Falguière et
les bas-reliefs de M. Dalou.
Comme nous l'avons annoncé le 19 février
dernier, l'administration du musée deSouth-
Kensington oiganise une exposition rétros-
pective de l'Art décoratif espagnol et portugais,
sous la présidence de Son Altesse Royale le
prince Léopold. L'exposition ouvrira vers
la fin du mois de mai prochain.
Le sous-comité français, présidé par M. Otti-
wellAdams, premier secrétaire de l'ambassade
anglaise à Paris, se compose de :
MM. le baron d'Aleochete, Edmond Bon-
natfé, Chabrière-Arlès, baron Davillier, Gustave
JLlreylus, Edm. Foule, Ernest Odiot. baron
Ferd. de Rothschild, É. du Sommerard, Fréd.
Spitzer.
Le sous-comité fait appel au concours de
tous les amateurs français qui possèdent des
objets d'an décoratif espagnol ou portugais.
Lt s demandes d'admission seront reçues soit
chez MM. les membres du sous-comité, soit à
l'ambassade d'Angleterre.
Les frais de transport entre Paris et Londres,
aller et retour, sont à la charge de l'adminis-
tration du Musée.
Exposition des artistes indépendants
En parcourant la sixième Exposition des
artistes indépendants, nous avons eu, cette
année comme Ips précédentes, le regret de ne
pas y voir le groupe entier, de constater
même l'absence des plus importants parmi
ceux qui se piquent d'indépendance.
Où est M. Manet ? où est son presque homo-
nyme M. Mo>.et? Où sont MM. Henuir et Sisley?
Deux d'entre eux, préférant la pompe officielle
des Champs-Elysées à l'hospitalité moins so-
lennelle des boulevards, réservent le fruit de
leur labeur annuel pour le prochain Salon.
Les deux autres, découragés évidemment,
tranchent la question des expositions dépen-
dantes ou indépendantes... en n'exposant
pas.
Et c'est vraiment dommage ! Il eût été cu-
rieux de voir M. Manet au milieu des siens,
dans son atmosphère propre, sous son vrai
jour, bien placé, à l'abri du voisinage de toi-
les si différentes des siennes qu'elles lui nui-
sent et qu'il leur nuit. Il eût pu envoyer au
boulevard un nombre moins limité de ses
œuvres, d'anciennes peut-être, et cet envoi eût
provoqué de singuliers étonnements. « Quoi!
se serait-on dit, voilà ce qui a excité, il y a peu
d'années, tant de stupéfactions irritées ! Voilà
ce qui a fait pousser des exclamations irrespec-
tueuses, provoqué de violentes philippiques "?
Est-ce donc si bizarre? Faut-il adorer ce que
nous avons brûlé ? Avions-nous tort à cette épo-
que ? Aurions-nous raison aujourd'hui? »
11 est probable que nous avons raison au-
jourd'hui. M. Manet ne nous apparaît plus
comme un tireur de pétards, un chercheur
d'effets étranges, un amoureux de l'inattendu :
non pa- qu'il ne reste en lui un peu de tout
cela, mais il y aune autre chose et mieux:
il y a un vigoureux tempérament d'ar-
tiste, plein d'élan, aimant la lutte, auda-
cieux, fuyant la bureaucratie de l'art, secouant
avec rudesse les chaînes étroites de la conven-
tion, essentiellement sui generis. Ajoutez à
cela un œil d'une merveilleuse pénétration,
exercé comme par nature à saisir tes plus dé-
licates vibrations de Ja lumière, la mobilité
de l'atmosphère et les irisations de l'air am-
biant ; une main éprise de la forme animée et
expressive plutôt que soucieuse de l'élégance
et de la calligraphie du trait, hardie jusqu'à
la violence. En un mot, un vrai peintre, un
novateur entaché de défauts, s'expnmant for-
tement avec des moyens quelquefois hésitants
ou paraissant tels à cause de la nouveauté de
l'expression, naïf et excentrique, visionnaire et
observateur, ignorant et savant, attirant les
yeux et les repoussant, séduisant et cho-
quant.
Mais, puisque M. Manet et d'autres manquent
à l'appel, contentons-nous de ce qui nous est
offert.
Les exposants se partagent naturellement
en deux groupes: ceux qui méritent réel lement
le nom d'indépendants parce qu'ils apportent
dans l'art une note nouvelle, un accent origi-
nal, et ceux qui ne se séparent que timidement
des traditions acquises. A la tête du premier
groupe se place M. Degas, qui ex ose de sai-
sissantes etincisives études d'assassins d'après
des maîtres en ce genre, Abadie, Kirail et
Knoblock, et surtout une statuette en cire, une
danseuse de quatorze ans avec son jupon en
LA CHRONIQUE DES ARiTS
H sera décerné quatre prix. L'auteur de la
maquette qui aura obtenu ie premier prix
sera chargé de l'ensemble du monument. Il
recevra le bronze nécessaire à la statue et une
somme de 30.000 fr. sur laquelle 7.000 fr.
seront affectés au piédestal.
L'auteur du projet classé n° 2 aura droit à
3.000 fr. ; le troisième recevra 2.000 fr. et le
quatrième i .000 fr.
Nous avons dit que le jury chargé de juger
le concours du monument de l'Assemblée
constituante, à Versailles, avait désigné
pourle premier prix le projet de MM. Formigé,
architecte, et Coutan, sculpteur. La décision
du jury n'a été rendue qu'après deux tours
de scrutin et quatre heures de délibération.
Au premier tour, MM. Formigé et Coutan
d'une part, Pujol et Falguière d'autre part,
ont obtenu chacun 6 voix; le projet de
MM. Guillaume, de Samt-Marceaux et Hiolle,
1 voix.
Au deuxième tour ont obtenu : M. Formigé,
7 voix; M. Pujol, 6.
En vertu de l'article 13 du règlement du
concours, Je jury a nommé une sous-commis-
sion chargée d'examiner les modifications qui
pourraient être exigées par l'administration
sur le projet couronné, avant son exécution
définitive.
En outre le jury, parmi tous les projets
exposés, a recommandé spécialement à l'ad-
ministration des beaux-arts (à la suite d'un
vote) la statue de la République de M. Gra-
net, la statue de Mirabeau de M. Falguière et
les bas-reliefs de M. Dalou.
Comme nous l'avons annoncé le 19 février
dernier, l'administration du musée deSouth-
Kensington oiganise une exposition rétros-
pective de l'Art décoratif espagnol et portugais,
sous la présidence de Son Altesse Royale le
prince Léopold. L'exposition ouvrira vers
la fin du mois de mai prochain.
Le sous-comité français, présidé par M. Otti-
wellAdams, premier secrétaire de l'ambassade
anglaise à Paris, se compose de :
MM. le baron d'Aleochete, Edmond Bon-
natfé, Chabrière-Arlès, baron Davillier, Gustave
JLlreylus, Edm. Foule, Ernest Odiot. baron
Ferd. de Rothschild, É. du Sommerard, Fréd.
Spitzer.
Le sous-comité fait appel au concours de
tous les amateurs français qui possèdent des
objets d'an décoratif espagnol ou portugais.
Lt s demandes d'admission seront reçues soit
chez MM. les membres du sous-comité, soit à
l'ambassade d'Angleterre.
Les frais de transport entre Paris et Londres,
aller et retour, sont à la charge de l'adminis-
tration du Musée.
Exposition des artistes indépendants
En parcourant la sixième Exposition des
artistes indépendants, nous avons eu, cette
année comme Ips précédentes, le regret de ne
pas y voir le groupe entier, de constater
même l'absence des plus importants parmi
ceux qui se piquent d'indépendance.
Où est M. Manet ? où est son presque homo-
nyme M. Mo>.et? Où sont MM. Henuir et Sisley?
Deux d'entre eux, préférant la pompe officielle
des Champs-Elysées à l'hospitalité moins so-
lennelle des boulevards, réservent le fruit de
leur labeur annuel pour le prochain Salon.
Les deux autres, découragés évidemment,
tranchent la question des expositions dépen-
dantes ou indépendantes... en n'exposant
pas.
Et c'est vraiment dommage ! Il eût été cu-
rieux de voir M. Manet au milieu des siens,
dans son atmosphère propre, sous son vrai
jour, bien placé, à l'abri du voisinage de toi-
les si différentes des siennes qu'elles lui nui-
sent et qu'il leur nuit. Il eût pu envoyer au
boulevard un nombre moins limité de ses
œuvres, d'anciennes peut-être, et cet envoi eût
provoqué de singuliers étonnements. « Quoi!
se serait-on dit, voilà ce qui a excité, il y a peu
d'années, tant de stupéfactions irritées ! Voilà
ce qui a fait pousser des exclamations irrespec-
tueuses, provoqué de violentes philippiques "?
Est-ce donc si bizarre? Faut-il adorer ce que
nous avons brûlé ? Avions-nous tort à cette épo-
que ? Aurions-nous raison aujourd'hui? »
11 est probable que nous avons raison au-
jourd'hui. M. Manet ne nous apparaît plus
comme un tireur de pétards, un chercheur
d'effets étranges, un amoureux de l'inattendu :
non pa- qu'il ne reste en lui un peu de tout
cela, mais il y aune autre chose et mieux:
il y a un vigoureux tempérament d'ar-
tiste, plein d'élan, aimant la lutte, auda-
cieux, fuyant la bureaucratie de l'art, secouant
avec rudesse les chaînes étroites de la conven-
tion, essentiellement sui generis. Ajoutez à
cela un œil d'une merveilleuse pénétration,
exercé comme par nature à saisir tes plus dé-
licates vibrations de Ja lumière, la mobilité
de l'atmosphère et les irisations de l'air am-
biant ; une main éprise de la forme animée et
expressive plutôt que soucieuse de l'élégance
et de la calligraphie du trait, hardie jusqu'à
la violence. En un mot, un vrai peintre, un
novateur entaché de défauts, s'expnmant for-
tement avec des moyens quelquefois hésitants
ou paraissant tels à cause de la nouveauté de
l'expression, naïf et excentrique, visionnaire et
observateur, ignorant et savant, attirant les
yeux et les repoussant, séduisant et cho-
quant.
Mais, puisque M. Manet et d'autres manquent
à l'appel, contentons-nous de ce qui nous est
offert.
Les exposants se partagent naturellement
en deux groupes: ceux qui méritent réel lement
le nom d'indépendants parce qu'ils apportent
dans l'art une note nouvelle, un accent origi-
nal, et ceux qui ne se séparent que timidement
des traditions acquises. A la tête du premier
groupe se place M. Degas, qui ex ose de sai-
sissantes etincisives études d'assassins d'après
des maîtres en ce genre, Abadie, Kirail et
Knoblock, et surtout une statuette en cire, une
danseuse de quatorze ans avec son jupon en