AVANT-PROPOS.
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comme de guerre lasse, il 11e se refusait même point certaines boutades auxquelles on ne
se serait pas attendu d’après ses manières habituelles, qui étaient généralement assez
gracieuses, ou du moins souriantes et presque affables, quand une préoccupation ne le
dominait pas exclusivement.
Ce n’est pas qu’un vrai fonds de mobilité 11e subsistât encore sous cette surface d’applica-
tion opiniâtre et presque haletante. Il avait grand’peine à se refuser la lecture d’un ouvrage
nouveau, même en plusieurs volumes, quand il le voyait défrayant la chronique littéraire
avec un certain éclat ; et lorsqu’il gravait pour rendre possibles des publications qui
eussent été trop coûteuses, il fallait qu’une planche ne l’occupât point au delà d’un jour.
Parfois même l’affaire était brusquée en quatre ou cinq heures, comme pour une des cou-
vertures d’ivoire du livre de Charles le Chauve. Il 11e restait plus qu’à employer la méca-
nique pour les fonds, et à rectifier ou accuser certains traits avec le burin. Quant à ces
travaux que l’Italie appelle lavoro cli schiena, il s’en reposait sur d’autres. Si par hasard une
planche demandait quelque nouvelle séance, cela 11e lui allait plus. Le besoin de nouveauté
le poussait à d’autres occupations ; et il est tel acier plein de détails charmants, qui s’est
perdu de rouille, après avoir été oublié durant trois ou quatre mois derrière un meuble,
où je le déterrais par hasard au moyen d’une pincette. Quant à l’auteur, il avait entièrement
mis en oubli une œuvre datant de si loin, et convenait que ce serait besogne à refaire. Mais
il 11e s’y remit jamais, parce que ce n’était plus chose neuve qui l’éperonnât par le goût
du fruit encore suspendu à la branche.
J’ai déposé au Cabinet des estampes le plus grand nombre des gravures que je savais
être de lui dans nos publications antérieures à 1860, et je me propose d’y compléter
ainsi son œuvre à peu de chose près b II ne maniait pas le burin, trouvant que c’était
besogne trop lente, dont ne s’accommodait pas son impatience ; mais la pointe était son
véritable instrument, dont il tirait des ressources surprenantes, sans presque s’en rendre
compte lui-même. Une vue horizontale de la grande couronne de lumières, copiée par lui
à Aix-la-Chapelle [Mélanges, Ire série, t. III, pl. IV), renferme des singularités en ce
genre. Il s’y était amusé, sans se douter qu’il s’amusait, à réduire consciencieusement les
médaillons en dimension si petite, que la loupe y peut distinguer presque toutes les lettres
des inscriptions avec les ornements, sur un espace parfois moins grand que n’est l’ongle
du pouce. Ailleurs, c’étaient des finesses de touche qui approchaient de la coquetterie ;
1. Comme je viens de l’indiquer, on y pourra voir çà et
là des signatures qui semblent démentir mon attribution.
Elles indiquent celui qui mettait la dernière main à des
eaux-fortes parfois trop poussées, ou pas assez mordues. Je
n’y ai pas joint non plus certaines planches lithographi-
ques ou chalcographiques exécutées pour les vitraux de
Bourges, parce que je n’avais plus les pierres ou les cui-
vres. Il en est une (l’abside de Saint-Jean à Lyon) où les
figures sont un peu plus grosses qu’une forte épingle, et
qu’il s’avisa de graver presque entière entre neuf heures
du soir et minuit, s’entourant de trois ou quatre lampes
qui étaient censées lui tenir lieu de la lumière du jour au
mois de décembre. Or, il m’avait dit, la veille, pour se
débarrasser de mon insistance, que le soleil d’hiver ne per-
mettait pas aux graveurs certains travaux délicats ; s’ex-
cusant ainsi de différer un labeur promis à court délai.
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comme de guerre lasse, il 11e se refusait même point certaines boutades auxquelles on ne
se serait pas attendu d’après ses manières habituelles, qui étaient généralement assez
gracieuses, ou du moins souriantes et presque affables, quand une préoccupation ne le
dominait pas exclusivement.
Ce n’est pas qu’un vrai fonds de mobilité 11e subsistât encore sous cette surface d’applica-
tion opiniâtre et presque haletante. Il avait grand’peine à se refuser la lecture d’un ouvrage
nouveau, même en plusieurs volumes, quand il le voyait défrayant la chronique littéraire
avec un certain éclat ; et lorsqu’il gravait pour rendre possibles des publications qui
eussent été trop coûteuses, il fallait qu’une planche ne l’occupât point au delà d’un jour.
Parfois même l’affaire était brusquée en quatre ou cinq heures, comme pour une des cou-
vertures d’ivoire du livre de Charles le Chauve. Il 11e restait plus qu’à employer la méca-
nique pour les fonds, et à rectifier ou accuser certains traits avec le burin. Quant à ces
travaux que l’Italie appelle lavoro cli schiena, il s’en reposait sur d’autres. Si par hasard une
planche demandait quelque nouvelle séance, cela 11e lui allait plus. Le besoin de nouveauté
le poussait à d’autres occupations ; et il est tel acier plein de détails charmants, qui s’est
perdu de rouille, après avoir été oublié durant trois ou quatre mois derrière un meuble,
où je le déterrais par hasard au moyen d’une pincette. Quant à l’auteur, il avait entièrement
mis en oubli une œuvre datant de si loin, et convenait que ce serait besogne à refaire. Mais
il 11e s’y remit jamais, parce que ce n’était plus chose neuve qui l’éperonnât par le goût
du fruit encore suspendu à la branche.
J’ai déposé au Cabinet des estampes le plus grand nombre des gravures que je savais
être de lui dans nos publications antérieures à 1860, et je me propose d’y compléter
ainsi son œuvre à peu de chose près b II ne maniait pas le burin, trouvant que c’était
besogne trop lente, dont ne s’accommodait pas son impatience ; mais la pointe était son
véritable instrument, dont il tirait des ressources surprenantes, sans presque s’en rendre
compte lui-même. Une vue horizontale de la grande couronne de lumières, copiée par lui
à Aix-la-Chapelle [Mélanges, Ire série, t. III, pl. IV), renferme des singularités en ce
genre. Il s’y était amusé, sans se douter qu’il s’amusait, à réduire consciencieusement les
médaillons en dimension si petite, que la loupe y peut distinguer presque toutes les lettres
des inscriptions avec les ornements, sur un espace parfois moins grand que n’est l’ongle
du pouce. Ailleurs, c’étaient des finesses de touche qui approchaient de la coquetterie ;
1. Comme je viens de l’indiquer, on y pourra voir çà et
là des signatures qui semblent démentir mon attribution.
Elles indiquent celui qui mettait la dernière main à des
eaux-fortes parfois trop poussées, ou pas assez mordues. Je
n’y ai pas joint non plus certaines planches lithographi-
ques ou chalcographiques exécutées pour les vitraux de
Bourges, parce que je n’avais plus les pierres ou les cui-
vres. Il en est une (l’abside de Saint-Jean à Lyon) où les
figures sont un peu plus grosses qu’une forte épingle, et
qu’il s’avisa de graver presque entière entre neuf heures
du soir et minuit, s’entourant de trois ou quatre lampes
qui étaient censées lui tenir lieu de la lumière du jour au
mois de décembre. Or, il m’avait dit, la veille, pour se
débarrasser de mon insistance, que le soleil d’hiver ne per-
mettait pas aux graveurs certains travaux délicats ; s’ex-
cusant ainsi de différer un labeur promis à court délai.