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Mlî LAN G ES d’aRCIIÉOLOG Ut.
ne me saurait pas bon gré. Contentons-nous de taire observer qu’on y voit les rois
et les patriarches, dont la descendance est enfin couronnée par la maternité de la
très-sainte Vierge. Les autres évangélistes, moins chargés d’inscriptions, n’en seront
que plus clairs. Laissons donc déchiffrer, par qui voudra examiner de près la page
actuelle, tout ce qui ne va pas droit au but.
VI. — SAINT MARC.
(PI. IV.)
On sait que tout le monde s’accorde depuis des siècles à reconnaître 1 Évangile de
saint Marc dans le symbole du lion. Pour plusieurs écrivains ecclésiastiques, cet attribut
désignerait l’introduction du livre de cet évangéliste ; parce que le lion, étant l’animal
qui domine le désert1, indique assez naturellement la solitude. Or, notre écrivain
sacré débute à peu près par la mission de saint Jean-Baptiste (Marc, i, 2-14) : « Voix
de celui qui crie dans le désert, etc. 2 » Mais l’artiste de Ratisbonne, avec divers docteurs,
cherche encore une autre raison à cet emblème. Le lion, d’après les anciens auteurs
(meme les classiques), passait pour n’avoir d’abord que des petits qui venaient au monde
sans apparence de vivre. Au bout de trois jours, le père venait souffler sur leur face,
et leur donnait le mouvement tout de bon 3. Cela était devenu le signe de la résur-
rection de Notre-Seigneur sorti du tombeau après trois jours; et l’on peut dire que
les fidèles en avaient un assez beau prétexte dans le psaume (cxxxvm, 1-18) auquel
l’Église emprunte l’introït du grand jour de Pâques. Aussi, sur notre page, le lion
qui tient son livre ouvert est quasi entouré de l’inscription suivante : « La vision du
lion (Ezech. i, 4-23, etc.) s’accomplit en Notre-Seigneur quand il ressuscite; parce que
c’est là le triomphe du lion de Juda, dont David4 est la tige (Apoc. iv, 7, etc.; v, 5 ; —
Gcn. xltx, 9). »
Si les autres évangélistes n’avaient pas autour du cou à peu près le même ornement
qu’on voit ici sur la robe de saint Marc, je pourrais y chercher l’indice de la dignité
patriarcale qu’il occupa dans l’Eglise d’Alexandrie. Mais cette remarque perdrait toute
valeur par la comparaison avec les figures voisines, qui ne prêtent plus au même motif,
1. Bien entendu qu’il ne s’agit pus d’un immense désert
comme le Sahara. La Palestine a de petites solitudes
disséminées ça et là, qui nourrissent quelque bétail.
L’homme n’y habite guère, mais le lion peut y trouver
des bestiaux: à sa convenance.
2. La religieuse du Niedermucnster ne s’en écarte que
timidement; ou, du moins, elle respecte cette interpré-
tation dans le vers léonin qui court verticalement à droite
et à gauche du cadre principal, en lettres carrées :
« Est leo signatus heremi memoramine Marcus. »
3. J’en ai parlé plus au long, peut-être, que certains
amateurs délicats ne l’auraient voulu, dans les Vitraux
de Bourges (pl. 1, §xm,p. 77-82). 11 n’est donc pas besoin
de reproduire ces citations, qui avaient leur excuse il y a
trente ans, lorsque ces recherches étaient encore neuves.
h. « In Chrislo completur(ou complebitur) visio leonis,
» resurgendo ; quia vicit leo de tribu Juda, radix David. »
N'ayant pas vu le manuscrit original, je ne saurais dire
si le P. Arthur Martin ne s’est point fatigué de reproduire
minutieusement les couleurs de son modèle après en avoir
copié avec scrupule cinq ou six feuilles. Le fait est qu’à par-
tir de saint Marc, il ne m’a plus laissé qu’une espèce de
grisaille. Cependant divers signes indiquent qu’il voulait
compléter plus tard son travail. Le dessin conserve toute
la fierté que mon ancien collaborateur appréciait si bien
dans le moyen âge ; mais aucune note n’annonce s’il avait
eu dès lors sous les yeux une peinture véritable, ou seule-
ment un camaïeu. Avec la tâche robuste qu’il acceptait
sans balancer, la plupart du temps, et avec une santé qui
semblait promettre de plus longs jours, il confiait souvent
à sa mémoire beaucoup de souvenirs dont le dépôt ne
m’est pas resté après sa mort.
Mlî LAN G ES d’aRCIIÉOLOG Ut.
ne me saurait pas bon gré. Contentons-nous de taire observer qu’on y voit les rois
et les patriarches, dont la descendance est enfin couronnée par la maternité de la
très-sainte Vierge. Les autres évangélistes, moins chargés d’inscriptions, n’en seront
que plus clairs. Laissons donc déchiffrer, par qui voudra examiner de près la page
actuelle, tout ce qui ne va pas droit au but.
VI. — SAINT MARC.
(PI. IV.)
On sait que tout le monde s’accorde depuis des siècles à reconnaître 1 Évangile de
saint Marc dans le symbole du lion. Pour plusieurs écrivains ecclésiastiques, cet attribut
désignerait l’introduction du livre de cet évangéliste ; parce que le lion, étant l’animal
qui domine le désert1, indique assez naturellement la solitude. Or, notre écrivain
sacré débute à peu près par la mission de saint Jean-Baptiste (Marc, i, 2-14) : « Voix
de celui qui crie dans le désert, etc. 2 » Mais l’artiste de Ratisbonne, avec divers docteurs,
cherche encore une autre raison à cet emblème. Le lion, d’après les anciens auteurs
(meme les classiques), passait pour n’avoir d’abord que des petits qui venaient au monde
sans apparence de vivre. Au bout de trois jours, le père venait souffler sur leur face,
et leur donnait le mouvement tout de bon 3. Cela était devenu le signe de la résur-
rection de Notre-Seigneur sorti du tombeau après trois jours; et l’on peut dire que
les fidèles en avaient un assez beau prétexte dans le psaume (cxxxvm, 1-18) auquel
l’Église emprunte l’introït du grand jour de Pâques. Aussi, sur notre page, le lion
qui tient son livre ouvert est quasi entouré de l’inscription suivante : « La vision du
lion (Ezech. i, 4-23, etc.) s’accomplit en Notre-Seigneur quand il ressuscite; parce que
c’est là le triomphe du lion de Juda, dont David4 est la tige (Apoc. iv, 7, etc.; v, 5 ; —
Gcn. xltx, 9). »
Si les autres évangélistes n’avaient pas autour du cou à peu près le même ornement
qu’on voit ici sur la robe de saint Marc, je pourrais y chercher l’indice de la dignité
patriarcale qu’il occupa dans l’Eglise d’Alexandrie. Mais cette remarque perdrait toute
valeur par la comparaison avec les figures voisines, qui ne prêtent plus au même motif,
1. Bien entendu qu’il ne s’agit pus d’un immense désert
comme le Sahara. La Palestine a de petites solitudes
disséminées ça et là, qui nourrissent quelque bétail.
L’homme n’y habite guère, mais le lion peut y trouver
des bestiaux: à sa convenance.
2. La religieuse du Niedermucnster ne s’en écarte que
timidement; ou, du moins, elle respecte cette interpré-
tation dans le vers léonin qui court verticalement à droite
et à gauche du cadre principal, en lettres carrées :
« Est leo signatus heremi memoramine Marcus. »
3. J’en ai parlé plus au long, peut-être, que certains
amateurs délicats ne l’auraient voulu, dans les Vitraux
de Bourges (pl. 1, §xm,p. 77-82). 11 n’est donc pas besoin
de reproduire ces citations, qui avaient leur excuse il y a
trente ans, lorsque ces recherches étaient encore neuves.
h. « In Chrislo completur(ou complebitur) visio leonis,
» resurgendo ; quia vicit leo de tribu Juda, radix David. »
N'ayant pas vu le manuscrit original, je ne saurais dire
si le P. Arthur Martin ne s’est point fatigué de reproduire
minutieusement les couleurs de son modèle après en avoir
copié avec scrupule cinq ou six feuilles. Le fait est qu’à par-
tir de saint Marc, il ne m’a plus laissé qu’une espèce de
grisaille. Cependant divers signes indiquent qu’il voulait
compléter plus tard son travail. Le dessin conserve toute
la fierté que mon ancien collaborateur appréciait si bien
dans le moyen âge ; mais aucune note n’annonce s’il avait
eu dès lors sous les yeux une peinture véritable, ou seule-
ment un camaïeu. Avec la tâche robuste qu’il acceptait
sans balancer, la plupart du temps, et avec une santé qui
semblait promettre de plus longs jours, il confiait souvent
à sa mémoire beaucoup de souvenirs dont le dépôt ne
m’est pas resté après sa mort.