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DU BESTIAIRE : STRASBOURG.

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la police correctionnelle, d’un bateleur, d’un songe-creux, d’un insouciant, pèse autant
que celle du plus éminent jurisconsulte et d’un publiciste consommé. En somme, il
doit être assez clair que nous n’avons pas besoin de transformer
beaucoup la vieille formule d’Horace pour en déduire légitime-
ment cette autre :

« Quœrencli recte, sapere est et principium et fons. »

Désormais poursuivons le cours de nos groupes, en conti-
nuant à tâcher d’en saisir le sens moral, au moins approximati-
vement. Un jeune semi-centaure s’exerce sur le luth ou la viole
(groupe Q), en présence d’une semi-sirène qui semble lui faire
la leçon et battre la mesure. La tenue de cette dernière est
sensiblement irréprochable et n’annonce aucune coquetterie mal-
séante. Je proposerais donc de voir ici les fréquentations dan-
gereuses, lors même qu’elles n’ont rien de repoussant au pre-
mier aspect; leçon qui importait beaucoup sur l’une et l’autre
rive du Rhin. Il est assez clair que la maîtresse de musique et
son élève vont prendre bientôt goût à l’exercice qui les rassemble,
et ne se borneront plus à un concert musical après quelque
temps.
La femme folle de son corps (baladine, chanteuse ou danseuse
publique) a sans doute quelque part aussi dans l’intention du
statuaire. Prédicateurs et canonistes du moyen âge n’épargnent
guère les anathèmes aux jongleurs, comme suppôts de Satan.
La présence de jongleresses parmi les troupes ambulantes d’his-
trions doit avoir été pour beaucoup dans le reproche de leçons
lascives qu’ils semaient sur leur passage. Déjà, le Policraticus
(libr. I, cap. 8) trouve tout simple que les sacrements soient
interdits aux gens de cette profession, par le fait même du
métier qu’ils exercent. Jean de Salisbury ne veut pas tenir
pour excusable celui qui paye de son argent le spectacle de ces
vilenies, où les bateleurs ne se contentent plus d’occuper niai-
sement les oisifs. « Ils réunissent pour le regard, comme pour
l’ouïe, dit-il, tout ce qui peut enflammer la luxure; n’oubliant
rien pour exciter au vice. » Si la tolérance aveugle ou com-
plaisante des magistrats civils acceptait ces insultes aux mœurs,
il était bon du moins que le blâme en fuit affiché à demeure sur
les murailles de l’église épiscopale.
Plus loin (groupe R), les deux mêmes personnages semblent
exécuter un duo, mandoline (ou citole) accompagnée par la
flûte; entre les concertants, se voit sur le sol une espèce d’oiseau
qui mord l’un des pieds de la flûteuse. En ce point, notre gravure
et la photographie ne se mettent pas bien d’accord, de sorte
que j’ai le champ un peu libre pour l’interprétation. Suppo-
sons donc que l’artiste songeait à l’aspic, qui sait se bouclier
 
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