BAS-RELIEFS MYSTÉRIEUX : BALE.
177
Le père des croyants nous est donc montré surtout comme merveilleusement docile
à la voix céleste : soit quand il croit à la naissance future d’Isaac, soit quand il se
met en devoir d’immoler ce fils dont on lui avait promis une innombrable postérité.
D’ailleurs saint Paul exalte très-particulièrement ce grand patriarche comme modèle
d’obéissance à Dieu1; et la foi, c’est l’obéissance. Le cœur y accepte, par soumission,
des vérités que l’intelligence ne réussit pas à pénétrer; il se range docilement à la
doctrine qui lui vient du dehors avec des caractères d’autorité irréfragable sans doute,
mais non irrésistible, et qui ne rend pas ses comptes à l’esprit. Quels que soient les
motifs de crédibilité qui précèdent l’acte de croire, et bien que la foi soit une vraie
connaissance, elle n’est pas de ces sciences où l’homme peut se vanter d’avoir tout
construit ou tout vérifié. C’est donc un savoir fort réel, puisqu’il s’appuie sur l’autorité
la plus haute, mais un acte méritoire parce qu’il est l’œuvre de la volonté 2.
Dès lors cette obéissance et cette foi d’Abraham, dont nous devons tous hériter, n’ont
pas de plus grand ennemi que l’esprit du mal, qui vient encore nous souffler comme
au paradis terrestre (Genes. m, 1-5) : « N’écoutez pas ce qu’on vous a dit, j’ai à vous
enseigner une science dont Dieu ne se soucie point ; car il veut vous rabaisser. »
Ce n’est donc plus Abraham qui se laisse ainsi manier par le vieux serpent; c’est
l’homme, qui ne suit pas la voie de ce grand modèle, et commence à douter quand
Dieu affirme. Mais si le serpent ferme à Dieu les oreilles de l’homme, c’est pour y
pénétrer lui-même, comme nous le voyons dans l’autre face du chapiteau (page 167,
groupe H), où l’enseignement diabolique enlace et maîtrise celui qui a perdu la foi.
Dès que la mauvaise doctrine s’est fait jour dans le cœur ou dans l’esprit, elle tourne
au prosélytisme, et répand son venin au dehors. Puis les préceptes reçus et transmis
à autrui amènent les mauvaises œuvres 3. Aussi voyons-nous le reptile prendre pos-
session de son homme par l’ouïe, s’emparer des lèvres, et enfin venir solliciter ou
activer les plus mauvais penchants de notre nature. N’est-ce pas traduire comme mot
à mot ce que saint Jacques nous dit du progrès de la tentation chez celui qui écoute
le diable4? Nous avons indiqué une doctrine semblable dans le Bestiaire arménien
(ci-dessus, p. 131), à propos de la belette, et l’on peut se référer aux textes indiqués
à cette occasion.
Ces oreilles, qui sont aussi le cœur dont il nous faut maintenir la fidélité malgré les
suggestions du malin esprit ou de la chair, rappellent en même temps ce que dit
saint Augustin dans son livre De la continence5, au sujet du frein qu’il faut savoir
mettre k son cœur, comme à ses oreilles, comme à sa langue.
D si placetqui obtemperabat, quomodo displiceat qui jube-
» bat? Quia si Abraham bene fecit obtemperando, etc. »
1. Rom. iv, 3, 9, 11,16.— Hebr. xi, 17, etc.—Cf. Jacob,
if, 17-24; etc.
2. Rom. x, 8, sqq. « Quid dicit Scriptura? Prope est ver-
» bum in ore tuo, et in corde tuo : hoc est verbum fidei
» quod prædicamus... Corde enim credilur ad justitiam :
» ore autem confessio fit ad salutem... Quomodo autem
» audient sine prædicante?... Sed non omnes obediunt
» Evangelio... Ergo fides ex auditu, auditus autem per
» verbum Christi. »
3. 1 Cor. xv, 33, sqq. « Nolite seduci : Corrumpunt
» mores bonos colloquia mala... ignorantiam Dei quidam
» habent... Raque, fratres mei dilecti, stabiles estote et
n immobiles. »
4. Jac. i, 12, sqq. «Unusquisque tentatur a concupis-
» centia sua abstractus et illectus. Deinde concupiscentia
» quum conceperit, parit peccatum; peccatum vero quum
» consummatum fuerit, générât mortem... Propter quod
» abjicientes omnem immunditiam et abundantiam
» malitiæ, in mansuetudine suscipite insitum verbum,
» quod potest salvare animas vestras. Estote autem fac-
» tores verbi, et non auditores tantum, fallentes vosmet
» ipsos. Etc. »
5. Opp. t. VI, p. 297, sqq. : « Ne in sola inferiorum par-
» tium carnis libidine continentia necessaria videretur a
T. — 23
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Le père des croyants nous est donc montré surtout comme merveilleusement docile
à la voix céleste : soit quand il croit à la naissance future d’Isaac, soit quand il se
met en devoir d’immoler ce fils dont on lui avait promis une innombrable postérité.
D’ailleurs saint Paul exalte très-particulièrement ce grand patriarche comme modèle
d’obéissance à Dieu1; et la foi, c’est l’obéissance. Le cœur y accepte, par soumission,
des vérités que l’intelligence ne réussit pas à pénétrer; il se range docilement à la
doctrine qui lui vient du dehors avec des caractères d’autorité irréfragable sans doute,
mais non irrésistible, et qui ne rend pas ses comptes à l’esprit. Quels que soient les
motifs de crédibilité qui précèdent l’acte de croire, et bien que la foi soit une vraie
connaissance, elle n’est pas de ces sciences où l’homme peut se vanter d’avoir tout
construit ou tout vérifié. C’est donc un savoir fort réel, puisqu’il s’appuie sur l’autorité
la plus haute, mais un acte méritoire parce qu’il est l’œuvre de la volonté 2.
Dès lors cette obéissance et cette foi d’Abraham, dont nous devons tous hériter, n’ont
pas de plus grand ennemi que l’esprit du mal, qui vient encore nous souffler comme
au paradis terrestre (Genes. m, 1-5) : « N’écoutez pas ce qu’on vous a dit, j’ai à vous
enseigner une science dont Dieu ne se soucie point ; car il veut vous rabaisser. »
Ce n’est donc plus Abraham qui se laisse ainsi manier par le vieux serpent; c’est
l’homme, qui ne suit pas la voie de ce grand modèle, et commence à douter quand
Dieu affirme. Mais si le serpent ferme à Dieu les oreilles de l’homme, c’est pour y
pénétrer lui-même, comme nous le voyons dans l’autre face du chapiteau (page 167,
groupe H), où l’enseignement diabolique enlace et maîtrise celui qui a perdu la foi.
Dès que la mauvaise doctrine s’est fait jour dans le cœur ou dans l’esprit, elle tourne
au prosélytisme, et répand son venin au dehors. Puis les préceptes reçus et transmis
à autrui amènent les mauvaises œuvres 3. Aussi voyons-nous le reptile prendre pos-
session de son homme par l’ouïe, s’emparer des lèvres, et enfin venir solliciter ou
activer les plus mauvais penchants de notre nature. N’est-ce pas traduire comme mot
à mot ce que saint Jacques nous dit du progrès de la tentation chez celui qui écoute
le diable4? Nous avons indiqué une doctrine semblable dans le Bestiaire arménien
(ci-dessus, p. 131), à propos de la belette, et l’on peut se référer aux textes indiqués
à cette occasion.
Ces oreilles, qui sont aussi le cœur dont il nous faut maintenir la fidélité malgré les
suggestions du malin esprit ou de la chair, rappellent en même temps ce que dit
saint Augustin dans son livre De la continence5, au sujet du frein qu’il faut savoir
mettre k son cœur, comme à ses oreilles, comme à sa langue.
D si placetqui obtemperabat, quomodo displiceat qui jube-
» bat? Quia si Abraham bene fecit obtemperando, etc. »
1. Rom. iv, 3, 9, 11,16.— Hebr. xi, 17, etc.—Cf. Jacob,
if, 17-24; etc.
2. Rom. x, 8, sqq. « Quid dicit Scriptura? Prope est ver-
» bum in ore tuo, et in corde tuo : hoc est verbum fidei
» quod prædicamus... Corde enim credilur ad justitiam :
» ore autem confessio fit ad salutem... Quomodo autem
» audient sine prædicante?... Sed non omnes obediunt
» Evangelio... Ergo fides ex auditu, auditus autem per
» verbum Christi. »
3. 1 Cor. xv, 33, sqq. « Nolite seduci : Corrumpunt
» mores bonos colloquia mala... ignorantiam Dei quidam
» habent... Raque, fratres mei dilecti, stabiles estote et
n immobiles. »
4. Jac. i, 12, sqq. «Unusquisque tentatur a concupis-
» centia sua abstractus et illectus. Deinde concupiscentia
» quum conceperit, parit peccatum; peccatum vero quum
» consummatum fuerit, générât mortem... Propter quod
» abjicientes omnem immunditiam et abundantiam
» malitiæ, in mansuetudine suscipite insitum verbum,
» quod potest salvare animas vestras. Estote autem fac-
» tores verbi, et non auditores tantum, fallentes vosmet
» ipsos. Etc. »
5. Opp. t. VI, p. 297, sqq. : « Ne in sola inferiorum par-
» tium carnis libidine continentia necessaria videretur a
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