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MÉLANGES ü’ ARCHÉOLOGIE.

y aura joint le souvenir de YOgmhts celtique \ lequel, dans sa verte vieillesse, entraînait les
hommes attachés à ses lèvres par des liens d’or qui saisissaient les oreilles de l’auditoire.
A cette puissance il devait le nom d’IIercule, comme conquérant du monde.
On pourra faire, si l’on veut, d’autres comparaisons avec les fresques de Taddeo
Gaddi, à Florence. Je n’ai pas prétendu mettre ici en lumière toutes les peintures de ce
genre.
Le manuscrit d’Odilienberg, aujourd’hui perdu pour tout le monde, n’y cherchait pas
tant de façons ; sa Rhétorique n’est armée que de tablettes et d’un stylet, pour faire
voir que corriger le style est sa grande affaire (sœpe stylum vertas).
Le peintre du Puy, pour ne pas oublier les fleurs dont tout rhéteur se couronne
avec plaisir, montre à l’arrière-plan un paysage où les arbres sont distribués en bouquets
sur la campagne.

MUSIQUE.
La Musique touche un orgue posé sur son giron, ainsi qu’on le voyait jadis pour
sainte Cécile ; et comme pour indiquer qu’elle s’occupe de charmer l’ouïe, elle porte
sur l’oreille un rameau fleuri qui complète gracieusement son diadème. S’écoute-t-elle
jouer de l’instrument et chanter, ou bien prête-t-elle attention aux coups de marteau
que son voisin frappe sur une enclume? Je m’en rapporte à ce qu’il en est. De même

1. Lucian. Hercul. A cet Hercule gaulois (si c’est bien
un Hercule) dont la puissance était en paroles, rattachera
qui voudra le langage ou l’alphabet ogham de la verte et
imaginative Érin. Le fait est que l’tlibernie nous apparaît
de bonne heure dans les temps historiques avec une affec-
tion très-particulière pour le style artificiel poussé jusqu’au
véritable charabias. Tout le monde s’accorde à recon-
naître que de nos jours elle a produit maint orateur
entraînant, éclatant même; et Dieu seul sait ce qu’il en
était aux siècles de l’indépendance, mais surtout à l’âge
fabuleux qui précède saint Patrice ou même César. Ce que
nous savons à coup sûr, c’est que le pathos des rhéteurs
africains peut se classer parmi les exercices d’école pri-
maire, comparativement au fatras littéraire des théories
hibernoises. C’était bien un Irlandais que ce Joannes Scotus
(quel qu’il soit, et probablement le favori des premiers
empereurs carlovingiens) dont nous avons plusieurs pièces
de vers, où le style ampoulé ne dépasse guère un mauvais
goût absolument intelligible. Mais les Hisperica (Iïibernica ?)
famina (ap. Maï, Classic. auctor., t. V, passim) ne semblent
pas pouvoir être refusés à l’Hibernie, et là Fulgentius Plan-
ciades est dépassé incontestablement pour les locutions
alambiquées qui tendent au grimoire.
On veut que le grammairien Virgile, du vie siècle(?),soit
Toulousain; encore serait-il Celte, et nous mettrait sur les
traces de ce que le latin a pu devenir en pays purement
celtique. Celui-ci et son maître, Vergilius Asianus, trou-
vaient que saint Isidore de Séville s’était montré fort mo-
deste, ou même bien ignare, en n’admettant que quatre
genres de latinité. Pour eux, ils n’en comptaient pas moins
de douze ; et Virgile II {YAsianus, car le Toulousain était
Virgile III) ne daignait s’exprimer qu’à l’aide d’amphi-
gouris composites. Je soupçonne cet habile original d’a-
voir appartenu à l’une des émigrations scotiques dont les

vestiges sont encore appréciables en presque tout pays
d’Église latine. C’en est peut-être un entre autres, que la
floraison de ces préciosités baroques chez Atton de Ver-
ceil. Les moines de Bobbio pouvaient y être pour leur
part. Cf. Baluzii Miscellanea, ed. Mansi, t. II, p. 565-75.
Nous savons, et c’est déjà un indice du goût de l’Irlande
pour les obscurités savantes, que l’on y aimait à témoi-
gner son respect envers l’Écriture sainte par des trans-
criptions de la Vulgate en caractères grecs.
Pour reconnaître cette tendance d’une école si amou-
reuse de l’inintelligible, on peut se contenter du seul vo-
lume Ve dans la collection des Classici auctores publiée
par le cardinal Maï. Cf. ibicl., p. xxi, sqq.; xlviij, sqq.; 124,
sqq.; 413, 428, etc.; 479, sqq.; mais ailleurs il se rencon-
trerait des échantillons de cette rhétorique devenant quasi
incroyable à force de fantaisie qui se lâche la bride.
J’ai passablement connu dans ma jeunesse le soi-disant
père Prouth (Silvestre O’Mahony), lequel fut mon condis-
ciple à St-Acheul durant plusieurs années, et qui était bien
l’une des plus drôles de preuves du haut degré où pût attein-
dre l’excentricité irlandaise en des temps moins effacés que
le nôtre; quoique son adolescence tout entière se fût épa-
nouie sur le continent. Mais pour en revenir à des époques
déjà lointaines, étudier les baroqueries hibernoises du haut
moyen âge pourrait n’être pas littérature si oiseuse que
l’imagineront des humanistes délicats. Un des douze genres
professés à Toulouse était probablement ce que nous ap-
pelons aujourd'hui latin macaronique. Il y a donc lieu
d’espérer que d’habiles celtistes y pourront découvrir des
mots du vieil idiome gaulois, cambrien, et surtout irlan-
dais, qui n’ont pas laissé trace dans les dialectes subsis-
tant de nos jours; tout comme la docimasie moderne re-
prend le minerai oublié dans les scories d’anciens travaux
métallurgiques.
 
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